Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol                                        LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE

 

Coutumes, mythes et traditions des provinces de France Alfred de Nore

Chesnel, Adolphe de (1791-1862)

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Titre : Coutumes, mythes et traditions des provinces de France / Alfred de Nore

Auteur : Chesnel, Adolphe de (1791-1862)

Éditeur : Périsse frères (Paris) Date d'édition : 1846

Type : monographie imprimée Langue : Français

Format : X-394 p.

Format : application/pdf

Droits : domaine public Identifiant : ark:/12148/bpt6k670586

Source : Bibliothèque nationale de France, département Département inconnu,

Amiens : B.M.*M. 1570 (1)

Relation : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb35976575s

Provenance : bnf.fr

 

EXTRAITS DU LIVRE CONCERNANT LA MONTAGNE NOIRE

 

 

Cette montagne, sorte de chaînon des Pyrénées, qui lie celles-ci avec les Cévennes et le Gévaudan, et sépare le département de l'Aude de celui du Tarn, est une contrée fort pittoresque, peu connue, et qui est empreinte plus que toute autre, en raison même de son délaissement, du type de ses anciens habitants.

 

Là, le montagnard des forêts de Lacaune ou des environs d'Angles, revêtu de son brisaout, espèce de dalmatique ou de lacerna, et racontant avec gravité les hauts faits des Fassilières (1)et des Armaciès (2), rappelle le Gaulois qui plaçait sur sa poitrine quelques feuilles de gui pour se préserver des maléfices, ou le Tascon tirant des présages du vol d'un corbeau ou du cri d'une chouette.

 

On sait que des tribus de Tectosages qui occupaient le pays situé entre les Cévennes et les Pyrénées, émigrèrent à diverses époques, et allèrent, sous la conduite d'un chef conquérant, former un établissement en Asie. Après avoir parcouru et ravagé la Grèce, ils s'arrêtèrent sur les bords de l'Hellespont, en Eolide et en Ionie ; et dans l'Asie-Mineure ils fondèrent Angora, aujourd'hui Ancyre. Les descendants de ces Tectosages éprouvèrent le besoin de connaître à leur tour la mère-patrie, ils revinrent peu à peu dans les contrées qui avaient été le berceau de leurs ancêtres, et y apportèrent les usages des peuples qu'ils abandonnaient.

 

Alors la religion de ces peuples offrit le mélange du culte primitif des Celtes et du paganisme des Grecs, mélange qui se compliqua encore, dans la suite, du polythéisme des Romains et des mystères des croyances chrétiennes.

 

Dans la montagne Noire, ce bizarre assemblage d'idées et d'actes offre un tableau des plus piquant. Les mauvais génies jouent, cela va sans dire, le principal rôle dans les superstitions de ce peuple pasteur. Les Dusiens (3) des Gaulois, les Palamnéens (4) des Romains ou les Prostropéens(5) des Grecs se trouvent continués chez lui par les Fassilières, phalange de génies qui exerce sa puissance, amicale ou destructive, dans toutes les positions de la vie du montagnard.

 

Ces Fassilières ont pour chef un être renommé, appelé Tambourinet (6); après lui vient le Drac. qui est exactement le Kelpie(7) des Écossais; puis la Saurimonde (8), connue en Écosse sous les noms de Senshie et de Prownie. Tous suivent, dans chaque lieu l'hôte qu'ils se sont donné ; ils s'introduisent dans les recoins les plus cachés de son habitation, et ils affectionnent particulièrement les étables où ils sucent le lait des vaches. Le Drac est le plusdrôle, le plus bouffon des Fassilières jamais il ne nuit d'une manière grave, et ses espiègleries sont tout à fait celles d'un écolier ou d'un page.

 

Si un soigneux garçon d'écurie a tressé les crins d'une mule, le Drac embrouille aussitôt ce qui a été fait; si l'on a mis du foin dans la crèche, il l'éparpille à terre et le remplace par du fumier ; si l'on a sellé le cheval qui doit se mettre en voyage, il retourne malignement la selle, en sorte que la croupière renferme les oreilles et la bride enlace la queue. Après cela, il se métamorphose en ruban, en peloton, pour tourmenter les jeunes filles, qui ne peuvent alors parvenir à nouer ce ruban sur leur tète ou à faire un seul point sans que !e fil ne casse.

 

C'est un terrible persécuteur que ce Drac Toutefois, on peut aussi l'attraper à son tour. Ainsi, par exemple, on place du petit millet sur une planche de l'étable; le démon ne manque jamais de renverser cette graine, et toujours aussi il cherche à la ramasser ; mais comme ses mains sont percées à jour de même qu'un crible, il ne peut réussir à prendre le millet à poignée, ce qui le met dans une fureur telle, qu'il s'enfuit de l'étable et n'y revient plus de longtemps.

 

La Saurimonde est, au contraire, le modèle de la perfidie la plus atroce. Qu'on se représente un bel enfant aux cheveux blonds et bouclés, aux yeux bleus et à la bouche rosée, abandonné au bord d'une fontaine ou dans le carrefour d'une forêt, et appelant de sa douce voix et de ses sanglots une âme charitable qui veuille l'adopter. Une âme charitable! Où n'en trouve-t-on pas !

 

L'espèce humaine est si compatissante ! Les cœurs expansifs ne manquent pas, surtout parmi les bergers et les pastourelles. Tantôt c'est un brave garçon qui emporte l'enfant sous sa cape, et qui va le déposer sur les genoux de sa vieille mère, en la priant d'élever le pauvre orphelin; d'autres fois, c'est une bonne jeune fille qui jure sur la petite croix qui pend à son cou qu'elle ne se séparera jamais du gentil frère que la Providence lui a donné. De part et d'autre, religieuse observation de la promesse. L'enfant grandit. Alors, presque toujours, il devient la femme du berger, qui se trouve avoir contracté mariage avec le diable, ou il endoctrine si bien la vierge qui l'a adopté, qu'il l'oblige également à vouer son avenir à l'enfer.

 

Les fantômes nocturnes, que les Romains nommaient Lémures ou Larves, et que les Écossais appellent aujourd'hui Gobelins, sont aussi le sujet d'une vive appréhension dans la montagne Noire où l'on cherche à se débarrasser par une foule de moyens de leur prétendue poursuite.

 

Dans le canton de Labruguière, par exemple, la veille des Rois, les habitants parcourent les rues avec des sonnettes, des chaudrons, tous les ustensiles enfin qui constituent l'harmonie d'un charivari ; puis, à la lueur des torches et des tisons enflammés, ils se livrent à un vacarme infernal et à des huées de toute espèce, espérant par là chasser les revenants et les malins esprits. Cette coutume est absolument celle que pratiquaient les Romains dans les Lémuries, fêtes qu'ils célébraient le neuvième jour de mai, et qui avaient de même pour objet d'expulser les ombres et les fantômes qui apparaissaient la nuit.

 

Cette fête durait trois nuits avec l'intervalle d'une nuit entre deux. On jetait des fèves dans le feu qui brûlait sur l'autel, et celui qui sacrifiait, mettant d'abord des fèves dans sa bouche, les jetait ensuite derrière lui en disant Je me délivre, moi et les miens. Cette cérémonie était accompagnée d'un charivari avec des poêles et d'autres vaisseaux de fer qu'on battait, priant les lutins de se retirer, et leur répétant par neuf fois qu'ils s'en allassent en paix sans troubler davantage le repos des vivants.

 

Durant les lémuries, les temples étaient fermés, et l'on ne faisait aucune noce.

On conçoit aisément que les esprits sur lequels agissent tes fassilières doivent aussi subir l'influence des sorciers. Dans la montagne Noire, on nomme Armaciés celui qui est né le lendemain de la Toussaint, et que l'on suppose être doué alors de la faculté de seconde vue c'est le Taishar des Ecossais. Chez ce dernier peuple, on célèbre, dans la nuit qui précédé la Toussaint, une fête nommée Halloween; durant laquelle il y a, disent les croyants, une sorte de trêve entre l'homme et les génies, ce qui donne aux intelligences les plus vulgaires le moyen de connaître l'avenir.

 

Dans les environs d'Angles, le sorcier s'appelle Pary. On le consulte surtout pour écarter le renard des métairies ; ce qu'il obtient en faisant des conjurations aux quatre angles de la maison. Les poules sont alors en sûreté. Toutefois, il faut que le maître du logis se garde bien de donner des œufs aux gens qui quêtent après avoir tué un renard car, dans ce cas, la conjuration perdrait tout son effet.

 

Les vieilles femmes jouent un grand rôle dans la sorcellerie mais, lorsqu'on les trouve dans une étable, opérant un maléfice, on peut, à l'aide de quelques coups de bâton, les obliger à remédier elles-mêmes au mal qu'elles ont commis. Ainsi, lorsque ces méchantes créatures font rendre du sang à une vache, au lieu de lait, il est facile, si on les surprend en flagrant délit, de rétablir les choses dans leur état normal.

 

On force les sorcières à prononcer quelques paroles de leur grimoire, et aussitôt on voit entrer par la porte de l'étable, de petits ruisseaux de lait qui vont reprendre leur place dans le ventre de la vache. Afin que les sorcières demeurent sans puissance sur les vaches ; il faut attacher du vif argent au cou de celles-ci, ou bien enfermer un crapaud dans une cruche que l'on tient constamment dans l'étable.

 

Il faut bien se garder de toucher la main d'un sorcier mourant ; car on deviendrait sorcier comme lui. Malheur aussi aux enfants qui naissent le jour d'un fait d'armes leur âme sortira ou rentrera à volonté dans leur corps ; ils tourmenteront force gens durant le sommeil, et deviendront enfin sorciers eux-mêmes sous le nom de masques.

 

Une sorcière de cette classe se trouvait un jour parmi des moissonneurs où elle s'endormit vers le midi. Comme elle était soupçonnée depuis longtemps d'avoir des intelligences avec le diable, on se douta que son âme avait choisi ce moment pour aller en promenade. Pour s'en assurer, on transporta le corps à une certaine distance, et l'on mit une grande cruche à sa place. Quand l'âme revint de son excursion, elle alla en effet se loger dans la cruche, et fit rouler celle-ci de côté et d'autre, jusqu'à ce que se rapprochant du corps, elle s'y rétablit. Ce qu'il y a de remarquable ici, c'est que cette légende, très accréditée dans la montagne Noire, semble aussi avoir été empruntée aux anciens.

 

Hermotine, citoyen de dazomène, ville d'Ionie, dans l’Asie-Mineure, avait une âme qui se séparait souvent de son corps pour aller se promener en divers lieux. Un jour, qu'il avait prescrit à sa femme qu'on ne touchât point à son corps quand on le verrait immobile, et qu'elle n'en avait tenu compte, elle en parla à ses voisins qui vinrent aussitôt brûler le corps, ce qui empêcha l'âme d'y entrer, et l'obligea d'aller se réfugier dans un vase qu'elle faisait rouler çà et là.

 

NAISSANCE

 

Dans la commune de Dourgne, on ne porte jamais à l'église le nouveau-né par le chemin qu'on suivrait s'il fallait y conduire un mort.

 

On ne coupe pas les ongles aux petits enfants qui sont encore allaités, parce qu'on pense que cette opération ferait naitre en eux un penchant décidé pour le vol.

 

MARIAGE

 

Les Romains considéraient le mois de mai comme un temps funeste pour le mariage "malum Mense maio nubere". Ils évitaient donc de marier leurs filles durant ce mois, seulement ils n'apportaient pas le même scrupule pour les veuves, et Plutarque en donne pour motif que les secondes noces étant peu estimées parmi les Latins, on choisissait précisément pour les contracter, une époque à laquelle peu de monde était attiré dans les temples par cette cérémonie.

 

Le mois de mai est aussi dans la montagne Noire un mois tout à fait réprouvé par les jeunes filles qui sont fiancées, et elles disent ingénument à ce sujet, qu'il n'est pas convenable de se marier à une époque où les ânes sont amoureux.

 

Si l'on veut avoir des enfants, il ne faut pas non plus se marier un vendredi.

 

La cérémonie antique de placer un joug sur le cou de ceux qui se fiançaient, et d'où le mariage a pris le nom latin de conjugium, se perpétue dans quelques communes du Castrais, le jour des noces.

 

A Angles, le même jour, et lorsque l’on conduit la femme au logis de son mari, la mère de celui-ci remet à sa bru un balai et une cruche. Cela tient lieu de l'invocation que les Latins faisaient au dieu Domicius, pour que la nouvelle épouse prit soin du ménage. Alors la mariée se met à arroser et à balayer la chambre, puis elle sort avec le balai et la cruche, et se place assise devant la maison, ayant attaché à sa ceinture, d'un côté, une pelotte couverte d'épingles, de l'autre une bourse vide, les convives déposent une offrande dans ta bourse, cela s'appelle "payer les épingles de la mariée".

 

Le marié, chez les Romains, jetait des noix aux enfants "sparge, marite, nuces", dit Virgile. C'était pour marquer qu'il renonçait aux jeux de l'enfance.

 

A Gaillac, les noix figurent aussi, durant la cérémonie du mariage. Lorsque les époux sont agenouillés au pied de l'autel, les assistants leur en font pleuvoir une grêle sur le dos, et le premier qui se retourne vers les agresseurs, sera celui qui, selon le dire des bonnes femmes, apportera le plus de jalousie dans le ménage.

 

Dans le Castrais, le jour d'une noce, les jeunes gens volent des choux pour en faire une soupe qui est servie aux mariés dans le courant de la nuit. Si ces choux n'étaient pas volés, ce serait manquer à l'obligation imposée par l'usage.

 

Lorsqu'un garçon prend une fille dans une autre commune que celle qu'il habite, les jeunes gens du village de la fille se rassemblent devant l'église, et empêchent les mariés d'y entrer, jusqu'à ce que l'époux ait payé une certaine somme.

 

Quand un veuf se remarie, non-seulement il a à subir dans la montagne Noire un charivari, comme cela se pratique dans d'autres pays, mais encore on le fait courir sur un âne, et on le force à entrer ensuite dans une cage à poules, où on lui fait boire du vin dans une corne, vase qui, passant de main en main; ne lui arrive qu'après avoir été grandement souillé.

 

MORT.

 

A Dourgne, les morts ne sont jamais portés au cimetière par des chevaux ou des bœufs, car on est convaincu que ces animaux ne seraient point en vie le lendemain d'une semblable tâche. Quant aux hommes qui font l'office de porteurs, ils sont, suivant la croyance, tantôt soulagés de leur fardeau, tantôt plus accablés de son poids, selon qu'une puissance invisible qui les accompagne, se mêle de les aider ou de les tourmenter.

 

Lorsque, dans les environs de Sorèze, il faut aller annoncer un décès au presbytère, deux hommes se réunissent à cet effet et marchent à pas lents, portant leurs bâtons en l'air, comme s'ils tenaient des cierges. Ils conservent leur gravité et la direction du bâton jusqu'à leur retour à la maison du défunt.

 

Les Grecs et les Romains avaient des pleureuses qui marchaient en avant des convoi, conduites par une autre femme qui réglait le ton sur lequel il était convenable de pleurer. Les Romains les appelaient "praeficae, reputatrices et lamentatrices". Elles portaient une robe noire, nommée pulla, et leurs chants étaient appelés "naeniae et ululaius"

 

C'est le chant que les montagnards d'Écosse nomment coronach et les catholiques irlandais ululos. Ces regrets publics et chantés sont aussi en usage dans quelques parties de la montagne Noire mais les femmes suivent le cercueil au lieu de le précéder.

 

Sur le plateau de la Prade, les invités s'arrêtent au retour d'un enterrement, devant la maison du défunt; alors les deux plus proches parents de celui-ci prennent, l'un une cruche d'eau, l'autre une serviette, et chaque assistant, en commençant par la parenté, vient se laver les mains et les essuyer.

Lorsque cette cérémonie est achevée, on jette au loin la serviette dont on s'est servi, et c'est presque toujours sur le toit qu'elle est délaissée.

 

A Escoussens, des femmes couvrent leur tête d'une grande nappe, et placent dessus une corbeille renfermant un pain et une bouteille de vin ; arrivés à l'église, elles déposent ce pain et ce vin sur l'autel ; et, après la cérémonie funèbre, le clerc va porter cette offrande à la personne la plus pauvre de la paroisse.

 

Le repas des funérailles, qu'on trouve plus ou moins consacré dans tous les temps et chez tous les peuples, a lieu généralement dans la montagne Noire.

 

A Escoussens, il est de rigueur de servir un plat de haricots à ce repas. Dans d'autres communes, on ne doit pas trinquer à un pareil festin.

 

A Labruguière, lorsqu'il meurt quelqu'un dans une maison, on attache un morceau d'étoffe noire aux ruches du domaine.

 

A Lacaune, si c'est le chef de la famille qui meurt, et s'il laisse des abeilles, on enterre un de ses vieux habits dans le jardin où sont ces abeilles, afin de les faire participer aux funérailles du maitre.

 

A Berlatz, lorsqu'une famille vient de perdre un de ses membres, on coupe immédiatement toutes les fleurs qui se trouvent dans le jardin, et on n'en laisse plus épanouir aucune tant que dure le deuil.

 

Cette coutume touchante existait chez les Grecs.

 

COUTUMES ET SUPERSTITIONS

 

Les petits marais qu'on rencontre sur les plateaux, les fontaines qui surgissent au milieu des pâturages ou sur la lisière des bois, possèdent tous des propriétés plus ou moins merveilleuses pour combattre les infirmités ou les enchantements.

 

La fontaine de Moniès, près de Dourgne, guérit les douleurs au moyen des ablutions que l'on fait avec son eau sur la partie du corps qui est affectée.

C'est principalement le jour de la saint Jean que les eaux sortent à plus gros bouillons de la source et ont une efficacité plus infaillible, parce que, le matin de ce même jour, le soleil levant danse en éclairant la fontaine.

 

Dans un pré situé à peu de distance du château de Ramondens, dans la forêt de ce nom, on trouve une petite source, appelée la Sagne canine.

Cette fontaine a la réputation de rendre les femmes fécondes. Aussi voit-on fréquemment des pèlerines, agenouillées dévotement au bord de la source et puisant force verres de l'eau limpide du miraculeux bassin.

 

Les habitants de Sorèze se rendent, le jour de la saint Jean à la fontaine de La Mandre, et là, munis de verres noircis, ils attendent le lever du soleil, parce que, dans ce jour solennel, l'astre doit danser en l'honneur du saint.

 

Lorsque la procession des Rogations passe auprès de la métairie de Latour, commune de Labruguière, les bonnes femmes se détachent du cortège et, vont se laver les yeux à la fontaine de Saint-Thyrses, située dans un pré voisin de la métairie. Le saint ayant été roulé jusqu'à cette source, dans un tonneau garni d'instruments tranchants, la doua de la propriété de guérir où de préserver des ophthalmies.

 

Sur la montagne de Candiel, près de Lacaune, la fontaine dite de "la Reine" guérit de la lèpre ceux qui se plongent dans son eau. La reine ou la nymphe qui préside à cette source ne s'en éloigne jamais, à ce qu'assurent les fervents.

C'est encore la Mermaid des Écossais.

 

Les montagnards disent que lorsque la grêle ne tombe point sur une paroisse, c'est que le curé a jeté son chausson en l'air dans la direction de la nuée.

 

Ils croient que si l'on jetait une chauve-souris dans le feu, celle-ci ferait entendre très-distinctement de grosses injures.

 

On s'attirerait la malédiction du ciel si l'on détruisait le nid de l’hirondelle et ses petits.

 

A Labruguière, on ne vend jamais les ruches parce que cela porterait malheur on les donne ou on les échange pour autre chose.

 

Lorsque les habitants d'Escoussens confectionnent des lacets pour prendre des oiseaux, ils ont le plus grand soin de ne point les approcher du feu, parce qu'il en résulterait qu'au lieu d'alouettes on ne trouverait que des crapauds pris à ces lacets.

 

Si l'on brûle du bois de figuier dans une maison où se trouve une nourrice, le lait de la nourrice tarira ou prendra une qualité délétère.

 

Lorsqu'on va visiter un agonisant, il faut faire une prière au pied de son lit, puis jeter une poignée de sel dans le feu, afin que le diable ne s'empare point de son âme.

 

Mettre une bûche au feu par le bout le plus petit, fait devenir pauvre.

 

Il ne faut pas bruler du bois de sureau, autrement la poule cesse de faire des œufs.

 

On ne doit pas faire cuire du pain durant la semaine des Rogations, autrement tout celui que l'on cuirait pendant l'année se moisirait.

 

Il ne faut lier ni chanvre ni coton durant la semaine de Noël, parce que cela porte malheur.

 

Quand on sait où est un nid, il ne faut pas le dire près d'un ruisseau, parce que les fourmis y iraient.

 

Si l'on tuait une belette qui a des petits, toute la nichée viendrait manger le linge jusque dans les armoires de la maison.

 

Il ne faut pas compter les boudins quand on les met dans, la chaudière, ni jurer, ni dire qu'ils crèveront, car on serait assuré de les avoir mauvais.

 

Pour chasser les souris d'un lieu quelconque, il faut y enfermer un crapaud dans une cruche.

 

On ne doit pas se couper les ongles un des jours de la semaine où il faut une R pour écrire le nom de ce jour.

 

Il ne faut pas laisser bouillir la marmite sans y mettre du sel, autrement tout ce qu'on a dans la maison dépérit en proportion de l'eau qui s'évapore.

 

Il faut écraser les coques d'œufs quand on les a vidées, dans la crainte qu'un malveillant ne se serve de ces coques pour composer quelque charme contre celui qui a mangé les œufs.

 

Dans la commune d'Escoussens, on croit que le jour de Noël ; à la messe de minuit, la dernière femme qui vient à l'Offrande est celle qui aura la première des petits poulets.

 

L'être fantastique qu'on nomme le loup-garou ou le lycanthrope, et qui était connu des Grecs, des Romains, des Celtes des Francs et autres peuples, apparaît aussi dans tous les coins et recoins de la montagne Noire. L'habitant de cette contrée affirme que la destinée a voué certains hommes à cette transformation, qui a lieu durant la pleine-lune.

C'est la nuit que le mal les prend ; alors, ils sortent de leur lit, sautent par les fenêtres, et vont se précipiter dans une fontaine.

Après l'immersion, ils se trouvent revêtus d'une peau à longs poils, et, marchant à quatre pattes, ils courent de côté et d'autre, dans les champs, dans les bois, dans les villages, mordent gens et bêtes qu'ils rencontrent. A l'approche de l'aube, ils retournent se plonger dans la fontaine, et ils y déposent leur enveloppe poilue, pour aller ensuite se replacer dans le lit qu'ils avaient quitté.

 

PRÉSAGES.

 

Si l'on se trouve à jeun lorsqu'on entend chanter le coucou pour la première fois de l'année, c'est un avertissement qu'on aura peu de travail durant cette même année.

 

Lorsqu'une chouette se fait entendre sur le toit d'une maison, pendant la nuit, c'est un signe de maladie ou de mort de l'un de ses habitants.

Si le chant de cet oiseau a lieu durant le jour, c'est qu'il y a une femme enceinte dans le voisinage.

 

Quand une pie traverse le chemin sous vos yeux, c'est un malheur qui vous attend.

Si le même oiseau tourne autour d'une maison, quelqu'un doit y mourir dans l'année.

 

Les cris du pic-vert annoncent la pluie.

 

Si l'on se tient bien droit la première fois qu'on regarde la nouvelle lune, il arrive malheur.

 

Lorsque l'année est fertile en noisettes, il y a beaucoup de naissances illégitimes.

 

Si des oiseaux passent au dessus d'une femme occupée à laver les langes de son enfant c'est qu'il sera atteint prochainement de quelque maladie.

 

Lorsqu'une étoile née, c'est qu'une âme vient d'abandonner la terre sans absolution.

 

Le feu follet annonce la mort d'un parent.

 

Lorsqu'on médite un projet, s'il vient à passer près de soi des oiseaux en nombre pair, c'est une preuve qu'on réussira. Si le nombre est impair, c'est une marque de non succès.

 

Quand on sort de bonne heure le matin, si l'on entend le croassement des corbeaux ou des pies, il est immanquable qu'un des actes de la journée sera malheureux.

 

Dans les environs d'Angles, les servantes n'essuient point les casseroles avec un morceau de pain, parce que cet acte leur attirerait de la pluie le jour de leur mariage.

 

MEDECINE

 

Il n'est pas nécessaire de dire combien l'empirisme a de pouvoir sur l'esprit des habitants de la montagne Noire, et avec quelle confiance ils emploient les remèdes indiqués par les sorciers et les sorcières, ou par les charlatans qui exploitent les foires.

 

Chez eux les gens qui font métier de guérir sont appelés rhabilleurs. La plupart sont des misérables qui captent leurs dupes au moyen de pratiques superstitieuses ; mais l'expérience a cependant donné à quelques-uns d'entre eux une habileté remarquable pour les opérations que réclament les fractures.

 

Lorsque les habitants du canton de Labruguière ont un animal malade de quelque plaie envahie par les vers, ils se rendent dans la campagne auprès d'un pied de yèble (Sureau), "Sambucus ebulus", et tordant une poignée de cette plante dans leurs mains, ils lui font un grand salut, et lui adressent les paroles suivantes en patois - « Adiù sies, mousu l’aoûssier, sé né trases pas lous bers de moun berbenier, vous coupi la cambo, maï lou pey. »

Ce qui veut dire : « Bonjour, monsieur le yèble, si vous ne sortez pas les vers de l'endroit où ils sont, je vous coupe la jambe et le pied. Cette menace effectuée, la guérison est assurée ou peu s'en faut.

 

Les montagnards sont tellement convaincus que la joubarbe (8), "Sempervivum tectorum", est un préservatif contre les maladies qui tentent de s'introduire dans leurs maisons, que c'est un véritable sacrilège de leur enlever cette plante lorsqu'elle croit sur leurs murailles ou leurs toits. Lorsqu'elle est en fleur, ils en coupent les tiges, pour les disposer en croix sur la porte des étables.

 

A Lacaune, le gui s'appelle besq en patois, et les habitants croient encore, ainsi que le croyaient les Druides et les Gaulois, que cette plante parasite, prise en breuvage ou appliquée sur l'estomac, est un remède efficace contre le venin, de quelque espèce qu'il soit.

 

Dans la commune d'Escoussens, on se persuade que le gonflement de la rate peut se guérir, en s'appliquant, sur le coté, une branche de genêt que l'on a contourné.

 

Dans les environs d'Angles, les paysans se procurent avec soin un couteau à manche blanc, parce qu'ils ne doutent pas que ce ne soit un préservatif infaillible contre là colique.

 

On peut se guérir de la fièvre, en déposant une pièce de monnaie dans un endroit du bois où plusieurs chemins se croisent, et en récitant un Pater.

Le premier passant qui ramasse la pièce, emporte aussi la fièvre.

 

Les haches celtiques, Celtae, portent dans la montagne Noire le nom de "Peyros de picoto", c'est-à-dire pierre de variole ; on les suspend dans les bergeries, afin de préserver les troupeaux de la clavelée.

 

Les Spartiates avaient institué une fête nommée "Nudipedales, Nudipedalia," qui, après s'être propagée dans toute la Grèce et chez les Romains, s’est aussi perpétuée chez les peuples modernes.

Elle consistait, anciennement, en des sacrifices que l'on faisait nu-pieds, pour être délivré de quelque affliction.

 

Aujourd'hui, on pratique des pèlerinages à des lieux sanctifiés. Personne n'ignore combien ces pèlerinages sont nombreux, combien quelques endroits où ils s'accomplissent ont acquis de célébrité, et combien est considérable la quantité d'ex-voto appendus dans les chapelles consacrées à cet acte religieux.

 

La montagne Noire a aussi ses pèlerinages, et parmi le plus en vogue, est celui de Dourgne. Il est souvent question dans le pays castrais, de saint Stapin ou Estapin, dont nous n'avons pas trouvé le nom dans les légendes ecclésiastiques, ni dans le calendrier, ni dans l'histoire du pays, mais qui a opéré dans la contrée, suivant la tradition, un grand nombre de miracles.

C'est principalement à Dourgne qu'on lui a voué le culte le plus fidèle, et le petit temple qui lui a été érigé sur un plateau qui domine le bourg, attire chaque année, le 6 août, un peuple immense qui' accourt de tous les départements voisins. La chapelle est environnée de petits groupes de rochers parsemés de trous plus où moins profonds.

On dit que ces trous ont été creusés par les membres sur lesquels le saint s'appuyait lorsqu’ il se prosternait pour la prière ou se livrait à de pieuses méditations.

Aujourd'hui les gens estropiés ou atteints de rhumatismes placent à leur tour leurs membres invalides dans ces divers trous, et, après avoir entendu la messe, ils s'en retournent guéris, ou du moins avec l'espoir qu'ils ne tarderont pas de l'être.

 

Saint Stapin est aussi l'un des personnages le plus fréquemment mis en scène dans les légendes de la montagne, et dans le nombre de celles qui se débitent durant les veillées, la suivante n'est pas une des moins piquantes.

 

Un pauvre marchand de cages, cheminant un jour à travers une vaste fougeraie, y rencontre saint Stapin et lui demande l'aumône. Comment se fait-il, mon ami, lui dit le saint, que vous alliez quêtant ainsi puisque vous avez un état ?

–Hélas ! quelquefois je ne vends pas une seule cage dans le-mois.

Eh bien je vais faire entrer dans l'une de vos petites prisons un hôte qui vous dispensera désormais d'implorer la charité publique lorsque vous voudrez garnir votre table, vous n'aurez qu'à ouvrir la porte de ta cage et dire : - Petit bleu d’azur, fais ton service.

 

Saint Stapin donne alors un coup de sifflet très-doux et un charmant oiseau ; à plumes bleues et à reflets argentés vient s'installer dans le réseau d'osier. Le marchand baise les pieds de son bienfaiteur et s'empresse de rentrer au logis, où il a bientôt mis à l'épreuve le savoir-faire de son joli esclave. Petit bleu d'azur, fais ton service, et voilà un dîner : splendide dressé en moins d'une seconde.

 

On doit penser si notre homme s'en donne a cœur joie ! Il traite successivement tous ses voisins, toutes ses connaissances, à dix lieues à la ronde. Le bruit de cet événement parvient jusqu'au seigneur de l'endroit. Il se fait amener son vassal et lui fait raconter comment il se trouve possesseur d'un oiseau aussi merveilleux.

Alors désir irrésistible chez le châtelain de s'approprier ce trésor gastronomique. Il le témoigne avec impatience au marchand de cages, à qui il offre une métairie en échange de l'oiseau.

Le vassal accepte en partie le traité c'est-à-dire qu'il met une clause particulière à la ratification, clause qu'il explique tout bas à l'oreille de son Seigneur. La bonne chair l'avait rendu fort osé, le rustre et il réclame de l'orgueilleux -gentilhomme une concession si extraordinaire, un sacrifice tellement en dehors de ce qu'un être de bon sens peut songer à transformer en requête que nous n'osons pas en, reproduire la teneur.

 

Mais à quoi n'est-on pas capable de se résigner pour obtenir un oiseau qui opère des prodiges! On capitule donc, le notaire passe l'acte, et le lendemain matin, en sortant d'une longue conférence avec la châtelaine, le marchand livre loyalement la cage et l'oiseau à son seigneur. Ce dernier ne manque pas de convier avec pompe les barons de la contrée, pour les faire assister à l'inauguration de son nouveau maitre d'hôtel.

On place, dans la salle à manger, la plus grande table qu'il y ait dans le château on la couvre de linge magnifique, d'argenterie, de cristaux de porcelaine ; il n'y a plus que les plais à dresser.

Lorsque tous les invités sont présents, l'amphytrion prenant la cage d'un air radieux, en ouvre la porte et dit : - Petit bleu d'azur, fait ton service.

 

Petit bleu d'azur s'élance dans la salle ; mais, au lieu d'aller et venir comme de coutume, en voltigeant, il se pose tout d'abord sur l'épaule du châtelain, où il se métamorphose en un gros vilain oiseau de couleur grisâtre; puis après avoir répété sept fois, un bien vilain cri, il s'envole par la fenêtre, et disparaît dans les airs, laissant toute la compagnie dans la plus grande stupéfaction.

 

PREJUGES AGRICOLES

 

Il faut semer les choux durant la semaine sainte. Il naît des bosses aux choux, quand on les plante en mai.

 

Il ne faut pas semer le chanvre durant ta semaine des Rogations.

 

Il est imprudent de mettre une poêle sur le feu, le jour qu'on sème du froment, parce que le grain qui doit en provenir sera charbonné.

 

Pour fertiliser un champ, il ne s'agit que d'écrire sur le soc de la charrue, lorsqu'on laboure pour la seconde fois, le nom de Raphaël.

 

Il faut se cacher d'une femme quand on sème des melons, sans cela ils ne seraient pas mangeables.

 

La veille de la Saint-Jean, il faut aller dans un champ de blé et en couper une poignée du plus beau avant le lever du soleil. Si quelque malveillant vous devance, il emporte le bonheur de la récolte.

 

Pour détourner la grêle d'un champ, il faut présenter un miroir à la nuée en se regardant et en se voyant si noire et si laide, elle s'enfuit épouvantée.

 

Dans les environs d'Angles, lorsque le grain est en fleurs et que l'on appréhende pour lui l'action de la rosée, on sonne les cloches afin d'éloigner cette rosée.

 

Les habitants d'Escoussens sont persuadés qu'en plaçant des fleurs de la vigne, dans l'auge où boivent les poules, celles-ci n'iront pas plus tard manger le raisin.

 

Dans la même commune, et dans celle de Labruguière, les femmes ont l'habitude, le Jeudi-Saint, de mettre dans leurs poches des graines de violier mêlées avec de la terre, et durant le chant du coq elles agitent vivement ce mélange, elles sont convaincues que ce moyen leur procurera des fleurs doubles.

 

Si on laisse tomber du lait à terre et qu'on mette le pied dessus, la vache n'en donnera plus.

 

Si l'on renverse dans le feu le lait d'une vache, celle-ci aura bientôt ses mamelles taries.

 

Il faut mettre un peu d'eau, de poivre et de sel dans le lait avant qu'il sorte de la maison, sans quoi on éprouverait quelque malheur.

 

Dans les environs de Lacaune, les bergers ne comptent jamais leurs agneaux parce qu'ils pensent que ce serait faire la part du loup.

 

Notes

 

1 - Fassilières : nom générique des lutins, leur roi a pour nom Tambourinet et son bouffon est le Drac

2 - Armaciès : celui qui est né le lendemain de la Toussaint, et que l'on suppose être doué alors de la faculté de seconde vue.

3 - Dusiens : nom que les Gaulois donnaient à certains démons que les Latins nommaient incubi ou fauni, et que les Démonographes appellent communément incubes.

4 - Palamnéens : dieux malfaisants toujours occupés à nuire aux hommes.

5 - Prostropéens ou Prostrospées :, génies malfaisants, révérés par les Grecs. Prosymna . Junon est ainsi appelée.

6 - Kelpie : esprit familier des lacs

7 - Saurimonde ou Salimonde : femme sauvage (fée ?) associée aux changements de saisons.

8 - Joubarbe : elle fait partie de la famille des crassulacées le nom de la grande Joubarbe ou "joubarbe des toits","artichaut sauvage", "herbe aux cors", "herbe à la coupure"...