Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE  | 
          
PANTHÈRE FOSSILE DES CHAMBRES   | 
          
        
Dans la montagne aux Sud de Soréze (Tarn), les grottes dites Chambres de  Bernicaut ont renfermé une faune pléistocène(1),  comprenant Equus rabattus (Cheval). Cervus élaphus L, (Cerf élaphe). Capreolus capreolus L (Chevreuil). Rangifer tarandus L. (Renne), Capra  ibex L (Bouquetin), Rupicapra rupicapra L (Chamois ou Isard). Bos primigenius Bos. (Grand Bœuf primitif), Ursus  spelaeus  Ronen M. (Ours des cavernes), Canis lupus L. (Loup), Vulpes vulpes L. (Renard), Meles  meles L (Blaireau). Hyaena crocuta,  spaelea Gol.df. (Hyène des cavernes). Microlus arvalis PALL. (Campagnol des champs). Pitymys  subterraneus De Selys (Campagnol souterrain), Arvicola  terrestris L (Campagnol  terrestre). Arvicola amphibius L. (Rat d'eau). Oryctalagus  cuniculus L.
          (lapin). Taipa curupaca. (Taupe commune),
          
        A cette liste de dix-huit espèces, des recherches récentes me permettent  d'ajouter Felis perdus L. (Grande Panthère). La présence de cette dernière, je l'identifie dans ces cavernes grâce à une dent, mais très caractéristique, de détermination formelle, une troisième  prémolaire supérieure droite, dont voici les dimensions : longueur 20.4 mm: largeur 9,5 mm: hauteur de la couronne 12,3 mm.
a) Au point de vue anatomique, il s'agit d'une Panthère de forte taille.
          Elle est bien plus puissante que la  Panthère actuelle, dont nous pouvons rappeler pour exemple le crâne de Kabylie,  jadis indûment considéré comme fossile de Malarnaud (2-3) au moulage reproduit dans le mémoire de Boule(4) et dont la P3 supérieure est longue de 17,5 mm seulement.
Elle est un peu plus puissante (mais à un degré moindre) que certaines  Panthères fossiles, telle celle figurée de Grimaldi par BOULE(5). On sait d'ailleurs que des formes particulièrement fortes  ont vécu au Quaternaire, où l'on avait même pensé distinguer plusieurs types,  qui en réalité rentrait dans le cadre des fluctuations variétales ou  individuelles.
  Bien entendu, pour appartenir à une grosse  race de Panthère, la dent de Bernicaut reste, tout de même, bien inférieure à  son homologue chez le Lion, où, de plus, la couronne offre des différences dans  son  denticule  antérieur.
b) Sous le rapport chronologique, la détermination de cette Panthère accuse le caractère pléistocène de la liste, déjà indiqué par les découvertes du Renne, du Bœuf primitif, de l'Ours des cavernes, de la Hyène des cavernes, disparus depuis longtemps de la région. Les autres espèces du gîte, qui existaient déjà au Pléistocène, persistèrent au contraire plus ou moins, sur place, jusqu'à nos jours. L'ensemble de la liste, un peu global et complexe, ne se prête pas à des subdivisions de détail.
c) Quant à la répartition du dit Félin, l'intérêt  du gîte est de se trouver sur l'extrémité Occidentale de la Montagne Noire par là, cette petite découverte mérite quelques  lignes.
          
En effet, si dans la France  pléistocène l'espèce fut assez, répandue, comme en d'autres pays d'Europe, elle se montre (ainsi que le  remarquait Boule) avoir été plutôt  «rare partout» pour qui cherche à préciser des domaines biologiques en  fonction de milieux, toutes indications la concernant sont à noter.
          A travers le Sud-Ouest de la France, un premier  ensemble de gisements s'étend sur le bord SW du Massif central, c'est-à-dire  aux horizons NE du Bassin sous-pyrénéen ; région périgourdine et  quercynoise (par exemple, j'ai  moi-même identifié sa présence  
          (Rochereil(6).).
        
Un deuxième ensemble englobe le versant N des Pyrénées. C’est-à-dire les horizons S. du bassin (pour ne citer que quelques lieux, entre autres. Gargas, Les Trois-Frères, prés de Montesquieu-Avantés, Malarnaud(7), Las Maretas, Lherm, en Ariège).
Les  Chambres de Bernicaud(8) ont l'avantage de relier, par  l'E, ces deux aires, celle du N et celle au S, qui semblaient discontinues,  séparées par toute l'étendue du Bassin sous-pyrénéen.
  
En  conséquence, au N, et au S du dit  bassin, concentriquement, les gisements sont placés sur la bordure rocheuse, La  Panthère de ce Pléistocène. pourrait-elle être qualifiée Panthère de rocher ou de pays montueux ?
          Cela invite  à pousser plus loin les points d'interrogation vis-à-vis du bassin lui-même.  Comment s'y comportait ce Félin ?
          A la  vérité, des restes de Panthère n'y ont jamais été rencontrés. Les environs de Toulouse ne possèdent  qu'une localité fossilifère de quelque importance, celle de l'Infernet(9),  où l'on a mis à jour le lion des cavernes, mais non la Panthère. La présence de  celle-ci y eut, pourtant, été normale ; car, à une quarantaine de kilomètres au  S, ces deux  espèces ont leurs restes qui voisinent clans la grotte de Lherm.
          Cette  absence doit résulter simplement des difficultés de fossilisation. Dans le pays  de coteaux et de plaines, existent seulement des gisements quaternaires  stratifiés, beaucoup plus exceptionnels, bien moins pourvus, que ceux des  grottes de la bordure précitée.
        
On peut donc penser - conséquence de la découverte de Bernicaud  que ce félin se trouvant sur l'éperon occidental de la Montagne Noire, devait  aussi descendre sur le Bassin sous-pyrénéen et y vivre, notamment dans la région lauragaise et  tolosane toute proche, encadrée de plus au S par les habitats de l'Ariège. Tout  Cela constituait son espace vital et son territoire de chasse.
        
Alors,  la Panthère de rocher était-elle aussi une Panthère de coteaux et de plaine ?
          Du point de vue paléontologique, l'analyse ne peut être poussée jusqu'à une telle subtilité. Les études ne disposent que  du: squelette ; sauf des questions de taille, il ne semble guère qu'on ait le  moyen d'y distinguer des races.
          Ici, pas  d'incertitude taxonomique permise, on ne doit pas considérer comme définissant  une race caractérisée (soit dans le temps soit dans l'espace) ces cas de variations individuelles ou tératologiques,  qu'on rencontre de loin en loin au sein de toute multitude de sujets et qui rentrent dans  le cadre de la fluctuance anatomique ordinaire :  par exemple la chute précoces ou l'absence de la minuscule P2 supérieure, qui fut observée une fois vers 1830 sur un crâne de Panthère de fa caverne d’Engthoul, une autre fois  vers 1920 sur un de la caverne pyrénéenne des Trois-Frères, en Ariège(10).  On peut parler de variétés morphologiques ou ostéologiques, au cours d'un catalogue de variabilité, et c'est  tout, sans oublier toutefois les conséquences possibles pour l'évolution.
          
Du point de vue zoologique, les espèces et les races de Mammifères actuels  sont plus finement discriminables, forcément moins compréhensives que celles  reconnues par les paléontologistes. Or, malgré cette dissemblance de tendances  et de moyens d’études, les zoologistes ont du  admettre, chez la Grande Panthère ou Léopard, l'existence d'une seule  espèce, fondée d'ailleurs sur les caractères squelettiques, qui sont tes plus  stables.
          Certes, cet animal  varie beaucoup. On lui connait des races d’après la robe, d'autres d’après la  taille : sur le territoire  africain Lydekker en avait distingué 11. On lui en connait d’après  l'habitat : ainsi dans l’inde une de montagne et une de plaine : en Erythrée,  une grande, normale, et une plus petite du pays de Bogos (antinorii) : en Afrique australe, une  petite du Damaraland.
          
Mais aucune d'elles n'offre de limites nettes. Parmi tes innombrables fluctuations  possibles, quelques-unes se répètent plus fréquemment en certains lieux ou dans  certaines conditions qu'en d'autres : et c'est cela qui donne à des groupements  biologiques ou écologiques de sujets une physionomie spéciale.
          Ce qui se passe de nos jours devait se passer autrefois.  Nous n'avons pus tant à nous préoccuper de savoir si la race de rocher pouvait  s'adapter comme race de plaine, surtout sur une distance aussi faible que celle  entre Soréze et Toulouse cela parait évident.
          
La Panthère est, avant tout, un carnassier du cortège des arbres (forêts, bois et taillis, même très réduits), dont elle s'éloigne suivent son humeur vagabonde et ses exigences alimentaires, quitte à revenir dans son biotope initial ou à se réfugier sur les districts rocheux du voisinage.
1. Astre (G). 1943 Jaune pléistocène des Cambres de bernicaut à Soréze.  Bul. Soc, Hast. Toulouse. 1.78. p 17.22. p. 17-22.
          2. Begouen (H) 1927, A Propos du crâne de  panthère dit de Malarnaud Bul. Soc. Hist. Toulouse 1.56,  pp169-171. 
3.Astre (G.) 1927. Le  crâne de Panthère de Malarnaud et sa non fossilisation Bul.Soc.Hist.Nat.  Toulouse. L 54, pp 471-474.
4.Boule (Marc). 1906 les grottes, de Grimaldi  (Baousse-Roussé). T. 1. 2ème partie. Etude géologique et paléontologique. p. 71-341.pl 1 XLL
5.  Boule 1966 loc. cit., pl. XXI,  fig. 9.6.
          6.Astres (G) 1950  Faune magdaléniennes et azilienne de Rochereil (Dordogne) Soc. Hist.Nat. Toulouse.t. 33, p. 151-171.
          7.  Quand j'ai montré (Astres 1923) le loc.cit.), que le beau crâne dit de  Malarnaud constituait une mystification en ce lieu je n'ai mis en discussion que cette pièce ; car, en  raison de son excellent état on était tenté de le prendre comme  type de comparaison  pour la  forme quaternaire : et c'est ce qui était arrivé à Boule, quand il avait publié  la photographie du moulage, seul élément qu'il avait à sa disposition. Mais cela ne mettait nullement en  suspicion les autres restes de  Panthère, qui avalent été identifiés par Filhol.
lors des  premières fouilles en ce gîte. Des publications plus récentes ont confirmé  pleinement sa  présence  : PALES  (L.). 1929.  Panthères fossiles de la région de Malarnaud  (Ariège). Bull. Soc. Hist. nat. Toulouse, p. 235-240, fig.1.-5.
            8. Il me paraitrait étonnant que, sur ces  coufronts orientaux, ce gisement reste unique et  qu'on n'en découvre pas d'autres par la suite dans les cavernes et les fissures, des  monts de Lacaune et de Vabre par exemple. Car, dans le Sud du Massif central, des  ossements de Panthère ont été recueillis : je viens d'en identifier récemment  dans une brèche très richement fossilifère des environs de Millau, celle de  Peyre.
          9. ASTRE (G.). 1958. La faune pléistocène de  l'Infernet, Bull. Soc. Hist. nat. Toulouse, t. 03, p,  320-340.
10, Fralpont (Ch dc). 1822. Observations sur les grands Félidés pléistocènes. Académie Royale de Belgique.- Hoursiac (L.G.) 1989 le crâne de félis pardus bergoueni (Fralpont) de la caverne des Trois-frères (Ariège), mélanges bronuen, p. 69-75. pl. I-IV.
