BERNIQUAUT   
          commune de SOREZE -  TARN
par Jean LAUTIER (1)
          (In  « Travaux et Recherches » n°14, bulletin de la Fédération   Tarnaise de Spéléo-archéologie, 1977, pp.173-191)
PRÉSENTATION
Berniquaut sera un jour un des hauts lieux de l'archéologie départementale. De 1968 à 1973 une série de recherches ponctuelles ont permis de révéler l'importance de cet oppidum né au début de l'âge du Fer et abandonné au XIIe siècle. Les pouvoirs publics ont saisi l'importance de ce site. Le présent compte rendu est une illustration de ses possibilités et de son devenir souhaitable.
SITUATION GÉNÉRALE
Berniquaut se présente sous la forme d'une petit oppidum naturel au Sud de Soréze sur un des derniers versants septentrionaux de la Montagne Noire non loin du seuil du Lauragais (planches I et II). Les vallées du Sor et de son affluent l’Orival ont détaché de la montagne ce promontoire naturel haut de 568 m, à cheval sur les deux communes de Soréze et de Durfort, canton de Dourgne, arrondissement de Castres, Tarn.
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DESCRIPTION
Le haut de la montagne épouse la forme d'un croissant très ouvert étiré sur 700 m dans la direction générale Ouest - Nord-ouest / Est - Sud-est pour une largeur maximale de 120 m. La partie concave surplombe par une ligne irrégulière de falaises et d'abrupts la vallée du Sor et le village de Durfort. La partie convexe étale en éventail des pentes raides vers l'Orival et la ville de Soréze (planche III).

            L'ensemble  du plateau supérieur est irrégulier et occupe une superficie de 9 hectares. Le tiers Sud-est  se détache en belvédère du restant de la montagne. Il constitue la surface la  plus haute de l'éperon où s'est établi l'antique village de Berniquaut.
            Le  socle naturel est constitué de calcaires anciens du Géorgien supérieur, très  redressés qui déterminent le profil des pentes. Dans la falaise calcaire  au-dessus de Durfort s'ouvre un ensemble de petites cavités peu profondes  appelées "Les Chambres de Berniquaut". Une voie très ancienne  traverse la montagne. Elle entre dans le site par l'Ouest dans une partie à peu  près plane appelée "Le champ de manœuvre" ceinturé en partie d'anciennes  levées de terre. Elle ressort au Sud-Sud-est par un isthme rocheux très étroit  et se dirige vers le versant audois et méditerranéen par la Jacournassy,  le Montagnet, les Granges Neuves, à travers les  forêts de Sagnebaude et de Crabes Mortes.
 
Les ruines connues.
Les traces d'un important village médiéval pratiquement intact se lisent encore dans le sol du secteur sud-est, partie la plus élevée des lieux. Il est défendu côté Soréze par une ligne de fortifications à demi enterrées, côté Durfort par les abrupts de la falaise et quelques murs. Dans ce périmètre qui a la forme d'un grand trapèze on distingue dans les pentes qui regardent Soréze, des emplacements de maisons de faible superficie et des traces de voies. On doit à Jean Antoine CLOS (2) un plan "géométral » de Berniquaut exécuté en 1827 alors que ces mêmes maisons étaient plus visibles. Sa notice sur Soréze (3) donne une description des lieux ; le village, son faubourg, les retranchements autour du champ de manœuvre, la sortie du chemin côté méridional où se voient encore les traces des roues de chars creusées dans le rocher.
 
APERCU HISTORIQUE :
La  plus ancienne attestation du site est de 1141 (4) lorsque le vicomte  Roger de Béziers donne en fief à Pierre Guilhem et aux Escaffre  le "castellare" de "Brunichellis". Le même acte signale que  le village fortifié s'appelait autrefois Verdun, nom gaulois désignant un super forteresse. Ce nom apparaît dans les actes  antérieurs sous les formes . Verdunnus-Verdunus-Verdiminus-Verdinius dans des textes qui en réalité sont des faux  fabriqués au XIIe siècle mais dont les noms de lieux gardent toute leur valeur  à cette époque.
            La  traduction de Verdinius en Pechvert  en occitan et à Puyvert en français autre nom du site  est en réalité une cacographïe due à Clos(5).
          Il  est vraisemblable que la position fortifiée des lieux constitue de tous temps  un refuge et notamment au temps de la croisade des Albigeois dans un milieu où  le catharisme était bien implanté. Malgré le passage de Simon de Montfort à  Soréze en Avril 1212 (6) rien ne permet de supposer comme  l'entretient la légende que celui-ci démantela Berniquaut. Il fut abandonné peu  à peu selon les péripéties de l'histoire locale, au bénéfice de Soréze qui vit  s'élever sa vieille ville autour de l'ancienne abbaye carolingienne. Il est  certain que Berniquaut avec ses pierres devenues inutiles constitue une  excellente carrière.
Les découvertes anciennes .
Dés  la seconde moitié du XIXe siècle, quelques recherches en surface ont été  entreprises sur les lieux et ont amené la découverte de divers objets d'époque  romaine surtout des traces d'amphores ( observations  de Parayre (7), Bourdase et  Caraven Cachin (8). Il en a été de même à partir de  1913 avec Lacroix (9), Astre (10), Baccabrere (11) et  de 1949 à 1965 par la   Société de Recherches Spéléo-Archéologiques de Soréze.
            Astre  étudia plus particulièrement la faune pléistocène des Chambres de Berniquaut  comprenant des espèces disparues apparentées à faune froide (cerf élaphe, renne,  bouquetin, ours des cavernes, etc...)
            En  1950 la Société  de Recherches Spéléo-Archéologïques de Soréze  découvrit dans une des nombreuses fissures de la falaise une sépulture, avec  crâne trépané, du Néo-énéolithique (II).
            L'examen et l'analyse de l'ensemble  des découvertes sporadiques dénotaient une occupation très étendue du site  allant de la protohistoire au médiéval. Il apparut opportun d'en préciser les  points forts et pour cela d'ausculter le site.
          Après  une reconnaissance topographique des lieux entreprise par la Société de  Recherches Spéléo-Archéologiques de Soréze et le Spéléo Club Albigeois en 1967,  il fut convenu d'effectuer à Berniquaut en des points convenablement choisis,  des examens plus approfondis pour découvrir un canevas chronologique plus  précis. Les travaux durèrent de 1968 à 1973. Ils furent menés avec  l'autorisation de la   Direction de la Circonscription des Antiquités Historiques de la Région Midi  Pyrénées et suivis par son Directeur Mr Michel Labrousse que nous tenons à  remercier vivement, le consentement des propriétaires des lieux : Mr Albert Comba et la municipalité de Soréze, Mr de Leotoing Maire, auxquels nous exprimons notre gratitude
LES TRAVAUX
Aspect archéologique des lieux : planches IV et V.
Lorsque l'on rentre dans Berniquaut en venant de Soréze, et par le « Champ de Manœuvre » (III) on distingue à première vue de part et d'autre de la voie, dés l'entrée (E) des levées de terre. Après une courbe le chemin se dirige en montant (II) vers un camp retranché en forme de glacis (I) qui regarde Soréze. C'est la zone archéologique principale au-dessus de laquelle apparaît, côté ouest, un belvédère rocheux (C). Au Sud (V) sont le falaises rocheuses avec les "Chambres » surplombant Durfort. Les pentes vers Soréze (IV-VIII) sont assez raides, et par plaques, envahies par une végétation dense livrée à elle-même. C'est dans cet espace géographique que ce sont déroulés les travaux.
Les chantiers : planches IV.

Les  recherches ont été effectuées sous la forme de fouilles limitées à 3  emplacements précis : zones 1-2-3 et de 11 sondages (n° 4-14)  répartis en divers points des lieux.
            Sans  entrer dans le détail précis des travaux et des particularités apparues au  cours des fouilles, une synthèse de chacun des points examinés éclairera notre  propos sur l'importance du site.

A / Les zones fouillées :
Zone I : planche VI.

Le  camp retranché de Berniquaut est ceinturé au bas du glacis regardant Soréze par  un bourrelet continu de terre tout au long duquel côté intérieur du camp se  développe un sentier actuellement fréquenté, différent de la voie antique  abandonnée qui passe un peu plus haut.
  Ce  bourrelet de terrain dissimule les fondations d'un mur d'enceinte arasé dont il  ne reste que les parties basses. Il a été dégagé en 3 points rapprochés sur une  longueur totale de 150 m  (AL-MN).
Quand  on le suit dans son développement de l’est vers l'ouest, on distingue :
            1-  un bastion rentrant (AG) avec poterne (DE) auprès de laquelle côté extérieur on  a retrouvé les traces d'une petite construction (H) effondrée.
            2  - les traces au sol d'un large mur-rempart primitif, large en moyenne de 2 m différent dans sa nature  des murs postérieurs qu'il supporte et bien ancré dans le sol calcaire. Il a  été très bien observé dans l'espace BG.
            3 - le rempart continu et homogène  (GI) large de 1,10 m  et fait de deux parements en "opus reticulum"  à l'aide de blocs de calcaire ou de marbre, bien dressés, calés parfois à  l'aide de plaquettes d'ardoise ou de schiste, le tout en pierre sèche,  l'intérieur est constitué d'un blocage compact des mêmes matériaux en plus  petit format, le tout très tassé.
            4  - un élément de construction reconstruit d'une façon grossière (IK)
            5  - la suite normale du rempart (KL) qui fait un angle de 9° avec sa  direction primitive (GI). En « L » le sentier chemin entre dans le  camp et passe sur ses assises.
            La  partie LM correspond à la chute raide d'un abrupt rocheux à la droite du petit  chemin.
            6  - le rempart reprend un peu plus haut en MN selon une ligne de rupture de pente  utilisée à cet effet. Il monte vers les parties hautes et contre lui, viennent  en appui 3 pièces.
            La  pièce I est du type des cases encoches médiévales. Son mur OQ comporte une  porte en P.
            La  pièce 2 quadrangulaire possède parallèlement au mur Rs  une canalisation dallée pour évacuer des eaux.
            La  pièce 3 d'aspect triangulaire possède une porte et celle-ci dominait l'entrée  normale de la voie antique dans Berniquaut.
            En-dessous  de ce point une partie importante de cette voie a été entièrement détruite pour  les besoins d'une carrière qui exploite une veine de marbre. (Planche 4 point  L).
            Dans  cette zone I tous les remparts dégagés étaient noyés, surtout côté extérieur,  par un important manteau de terre. Sa fouille stratigraphique en  plusieurs points a fait apparaître de bas en haut 4 couches de matériaux  différents, irrégulièrement répartis en niveau et avec des passages stériles.
L'interprétation fournie par les documents archéologiques a donné les résultats suivants :
Couche  4 :  Bronze  final-Premier âge du Fer.
            Couche  3: époque de la Tène (basse époque gallo-romaine) 
            Couche  2 : époque médiévale
            Couche  1 : époque moderne et actuelle.
Entre  les couches 3 et 2 on remarque par plaques des matériaux d'époque paléochrétienne.
            Une  chronologie déterminée d'après la facture des remparts et des éléments qui y  viennent en appui amène les conclusions suivantes :
Première  période : contemporanéité de la base des soubassements primitifs et de la  couche 4. Observations en Ab-BGG à L.
            Deuxième  période : les fortifications élevées en utilisant le soubassement primitif  correspondent à la couche 3. Constatations faites en AB-GI-KL-MN.
            Troisième  période ; des modifications ont été apportées au tracé primitif, c'est ainsi qu'ont  été crées le bastion BCFG, le mur IJ, dans ses parties basses.
            Quatrième  période : contre le rempart MN reconstruit ont été créées les 3 pièces. Il en  est de même pour la partie haute de IJ. L'usage de mortier  à chaux apparaît. Les réparations du fragment de mur IK doivent se placer entre  la 3e et la 4e période.
Zone 2 : Planche VII.

          
Ce  chantier se situe à l'est du point culminant (côte 568m). Les travaux de  fouille ont mis à jour les bases d'un vaste bâtiment quadrangulaire de 17,30 m x 10,40 m axe nord-sud  comprenant 3 pièces d'inégale étendue et dont deux (B-C) comportaient les  restes d'un dallage. Le mur nord extrêmement soigné est d'une facture identique  aux remparts de la seconde période.
            La  présence proche de sépultures découvertes en 1967 nous amène à penser qu'il y  avait au sommet du camp retranché un ancien lieu de culte. Il n'en fut rien.  L'agencement architectural de l'ensemble et la découverte de matériaux  uniquement médiévaux - en particulier céramique - infirma notre point de vue.  L'usage de ce bâtiment n'a pas été déterminé. Il contenait quelques murets  anciens très frustres (n° 2 et 6) restes d'une construction  antérieure.
            L'ensemble  fut daté de la période médiévale.
Zone 3 : Planche VIII,

            En  1973 un sondage effectué dans la partie plate du "Champ de manœuvre »  côté droit du chemin, entre ce dernier et le levée de terre qui clôture le  terrain à l'ouest, permit de découvrir un locus cylindrique peu profond proche  d'un foyer et une série de couches archéologiques. L'endroit fut ouvert par  enlèvement de mort-terrains dans un quadrilatère de 24 x 10m pour y pratiquer  une fouille étendue et précise, amenée au socle rocheux de nature schisteuse.  Profondeur maximale à 1,40 m.
Quatre  couches apparurent :
            Couche  1: terre végétale stérile, enlevée mécaniquement.
            Couche  2 : terres gris clair compactes avec quelques tessons médiévaux ou de la tène.
            Couche  3 :  terres  gris foncé compactes, avec un matériel abondant de la tène  constitué de céramiques, objets en fer, bronze, plomb verre.
            Couche  4 ; terres marron foncé reposant directement sur le socle rocheux, aussi riches  que la couche 3 mais avec la présence de structures au sol : foyers aménagés et  ceinturés de pierres, rigoles de retenue pour l'eau, 5 trous de poteaux.
            Ce  milieu intact est véritablement clos, riche en céramiques de la Tène III  et de très nombreux restes amphoriques d'usage vinaire nous amène à voir en ce  point les restes d'un lieu d'échange, d'un marché établi au pied du camp  retranché. Cette opinion fut confirmée par un dépotoir d'amphores établi dans  les pentes sud de Berniquaut à moins de 50 m du point de fouille. La vaisselle  découverte comprend des objets importés qui sont venus à ce marché  parallèlement à. l'importation des vins. Il est vraisemblable de se poser la  question si aux temps de Fontéius et de César des  voies de contrebande des vins importés en Gaule ne transitaient pas par la  montagne pour éviter les taxes qui grevaient leur acheminement par les voies classiques  du seuil de Naurouze, vers Toulouse (13).
Les sondages : Planches IV.

Les 11 sondages entrepris ont donné les résultats suivants :
Sondage  IV : restes d'une maison médiévale au sol en terre battue avec peu de  mobilier surtout céramique.
            Sondage  V : entrepris sous un des porches d'une "Chambre" il n'a rien donné  de positif en raison des bouleversements qui, de tous temps ont affecté ces  cavités. Un éclat de silex, un fragment de fibule en bronze de Tène et une monnaie du XVIIe siècle (double tournois de  Frédéric Henri Prince d'Orange) ont été les seules pièces intéressantes  découvertes.
            Sondage  VI : à quelques mètres de la côte 568 existait une cheminée de petit aven.  Son petit cône d'éboulis examiné n'a rien livré d'intéressant  , tessons du XIIe siècle, et quelques ossements animaux actuels.
            Sondage  VII : dans une sorte de fossé artificiel qui barre une faible partie de la  zone haute des lieux, un sondage a donné quelques restes de plusieurs époques :  tessons de la tène, tessons du XIIe siècle, débris  d'objets en fer difficiles à identifier.
            Sondage  VIII: le vidage de ce creux naturel à  l’  intérieur des remparts a donné des débris amphoriques, de menus tessons de  sigillée poterie campanienne, des tessons médiévaux des clous en fer et des restes  de maçonnerie liés avec un mortier à pâte rose ; type mortier romain. Il  s'agissait d'un petit dépotoir.
            Sondage  IX : l'examen du terrain dans un carré de 2 x 2 m a permis de découvrir un  mur large de 0,40 m  fait d'assises régulières liées au mortier à chaux. De part et d'autre, ont été  découvertes des poteries médiévales. Le lieu situé dans les pentes qui  regardent le champ de manœuvre confirme l'opinion de Clos qui signalait là  l'existence d'un faubourg.
            Sondage  X : établi dans le centre du village médiéval il a permis la mise au jour  d'une partie d'une demeure médiévale avec 2 couches nettes. Une couche stérile . couche végétale actuelle  ; une couche archéologique : terres grises cendreuses avec tessons du XIIe  siècle mais aussi ; restes d'amphores et un fragment de bracelet en pâte de  verre bleu foncé.
            Les  alentours de ce point méritent une fouille étendue menée par un chercheur  averti et compétent de ces hautes époques.
            Sondage  XI : auprès de l'isthme dans lequel sont imprimées en creux les traces des  roues de char (écartement 1,15   m) le dégagement d’un fossé artificiel n'a livré qu'un  carreau d'arbalète, des débris de fer.
            Sondage  XII : le flanc nord-est en dessous du camp, auprès d'une ancienne  carrière, a permis de découvrir une faille intentionnellement bouchée et murée.  Son dégagement n'a rien donné de positif,. Une couche  cendreuse et charbonneuse tout au fond avec de rares débris osseux peu identifiable
            Sondage  XIII: dans les pentes qui dominent Durfort non loin de la fouille n°  3 (emplacement du marché) un dépôt très important de reste amphoriques s'étale  sur une largeur de 2 à 5m et constitue une traînée qui occupe le tiers  supérieur de la pente. Elle est visible en hiver lors de la disparition d'une  partie du tapis végétal. Tous les types appartiennent au ler  siècle et correspondent dans leur quasi majorité à des amphores vinaires.
            Sondage  XIV : avant de pénétrer dans le camp par le champ de manœuvre on passe de  part et d’autre des bâtiments en ruine de l'ancienne de Berniquaut.  Non loin de là est une source actuellement captée auprès d’une mare ; seul  point d’eau de la butte naturelle. Des recherches superficielles  dans les terres remaniées nous ont permis de trouver quelques restes amphoriques  du ler siècle.
Le témoignage des monnaies
Quatorze monnaies ont été découvertes dans l'ensemble du site dont 12 dans la périphérie des remparts. Elles comprennent 2 monnaies gauloises en argent de type ruthène bien situées en stratigraphie (couche 1/2) 8 monnaies gallo-romaines allant de 180 à 413 et une monnaie médiévale : obole d'argent d'Alphonse Jourdain (1112-1148). Depuis lors, une autre obole même type a été découverte. Toutes en niveau bien précisé.
LEUR INTERPRETATION
Les  connaissances anciennes relatives à Berniquaut et les résultats acquis au cours  des travaux de 1968 à 1973 ont déjà fait l'objet d’un premier rapport adressé à  Mr le Directeur de la   Circonscription des Antiquités Historiques (Mr Michel  LABROUSSE) en ce qui concerne les structures découvertes au cours des fouilles  et sondages. Un second rapport fondé sur l'analyse et l'interprétation des  matériaux est en cours, ainsi que les conclusions et sera terminé sous peu.
            En  l'état actuel des travaux, il est vraisemblable de voir dans Berniquaut un site  refuge de hauteur oppidum naturel aménagé selon les époques en habitat,  forteresse ou refuge selon les péripéties de l'histoire
            La  pauvreté des matériaux pré ou protohistoriques les plus anciens découverts ne  permet pas actuellement de fonder des certitudes sur ces hautes époques, si ce  n'est la confirmation d'une fréquentation des lieux au plus tôt par l'homme  néolithique.
            Le  site devient habitat permanent et organisé au début du premier Age du Fer, vers  le VIle siècle avant J.C. Toutefois la découverte  d'un matériel peu abondant du bronze final est à signaler avant cette époque.
            Les  témoignages présents à même le rocher, extérieurement aux remparts sous la  forme de quelques foyers rudimentaires avec quelques céramiques (couche 4)  dénotent l'existence de cabanes groupées en haut des pentes sous la ligne de  crête et à l'abri des vents dominants sur des marches calcaires relativement  planes utilisées plus tard pour servir d'assiette à des fortifications.
            Contrairement  à ce que l'on observe dans les premiers oppida méditerranéens plus au sud, il  ne semble pas y avoir eu de contacts avec des éléments ibériques ou grecs. La  communauté installée vit hors des voies d'échanges, en autarcie. Elevage et  chasse sont la base de I’ alimentation avec une agriculture sommaire. Elle  fabrique des poteries, exploite le local (fer pisolithique) vit de son  artisanat. Ce premier âge du Fer de type montagnard et attardé se prolonge aux  débuts de la Tène dont les traces sont absentes.
            Il  faut attendre le lIe et Ie  Ier siècle avant J.C. pour voir un communauté plus nombreuse dresser un premier  rempart (première période) et manifester par un matériel céramique abondant,  l'emploi du fer, du bronze de l'argent pour ses bijoux, Le village est alors  ouvert aux influences extérieures régionales. Cas des céramiques grises  toulousaines très typiques ou plus lointaines importations italiques même campaniennes  attestées par les amphores vinaires et les coupes. Ces populations sont en  contact aussi avec les Ruthènes d'après les monnaies. C’est avec le village  gaulois de "Verdun » «Virodunum » prospère . Avec son marché aux échanges, hors les murs, au Champ  de Manœuvre à l'époque républicaine (couche 3).
            L'avènement  de l'Empire et l'extension de la paix romaine va déserter Berniquaut au  bénéfice de la plaine. Très peu de témoignages sur les premiers et deuxième  siècles et aucune construction de type romain classique. La vie est dans la  plaine de part et d'autre de la voie antique qui longe le pied de la montagne  et dessert un grand nombre de villas créées par des colons ou vétérans qui  défrichent et mettent en culture avec la main d'œuvre indigène. Une existence  plus sûre apparaît, l'oppidum est abandonné.
            Cependant  la montagne va retrouver une nouvelle existence à la période des invasions fin  du IIIe et IVe siècles. Les monnaies du Bas-Empire, la sigillée claire et plus  tard la céramique grise paléochrétienne vont marquer ce renouveau. Le vieux  rempart va être utilisé de nouveau et remanié (deuxième et troisième périodes).
Les  incertitudes du haut Moyen-âge les troubles causés par les invasions sarrazines ou normandes vont. redonner  à Berniquaut une importance peut-être aussi grande que durant son apogée  gauloise. Il n'y aura pas à proprement parler de château mais un vaste ensemble  fortifié, un village organisé important aves faubourg même hors ses remparts et  une ville nommée «Castellare Brunichellis" : Bruniquel qui deviendra Berniquaut  (couche 2 - quatrième période), Cette situation durera jusqu'au XIIe siècle,  avec vers sa fin des péripéties diverses dues à l'importance prise tout au bas  des pentes par l'abbaye de Soréze autour de laquelle naîtra la vieille ville.
             Soréze attirera de plus en plus de monde, il y  aura aussi l'attrait de la plaine et peu à peu le lieu sera abandonné.  L'économie locale trouvera à Berniquaut une carrière commode et le lieu  deviendra le champ de ruines que nous connaissons aujourd'hui.
CONCLUSIONS POUR UNE RENAISSANCE DE BERNIQUAUT.
Inclus  dans le cadre du Parc Naturel Régional du Haut Langue, le site de Berniquaut  mérite d'être absolument protégé et conservé présentement dans son état actuel.  Une procédure rapide de classement au titre des Monuments Historiques pour en  assurer sa sauvegarde est nécessaire.
            Nous  avons la conviction qu'il y a au lieu un site pratiquement intact très riche en  possibilités au titre de l'Archéologie et du Tourisme.
            Nos  travaux ont été conduits dans le double souci d'ausculter le site pour en  révéler l'importance, l'étendue chronologique et sa surface mais aussi de ne rien  entreprendre d'étendu pour lui conserver un caractère intact.
            Pour  un œil exercé et averti, conscient des informations anciennes et de l'analyse  des recherches effectuées de 1968 à 1973, il y a une ville médiévale ceinte de  remparts sous laquelle est un village gaulois pour ne signaler que l'essentiel.
            Le  site majeur à protéger et à classer en priorité, est à l’intérieur des fortifications,  dans la commune de Soréze ; parcelles 231-237; 226-227. Il est nécessaire de faire  entrer dans le périmètre à classer parcelle 181 (partie nord) de la commune de  Durfort. Elle constitue les "Chambres" et de récentes découvertes  effectuées par la   Société de Recherches Spéléo-Archéologiques de Soréze-Revel  en 1976-1977 ont révélé la présence de cavités intactes riches en possibilités  aux points de vue archéologiques (habitats-refuges ou nécropoles) et  paléontologique (faune quaternaire), Planche IX.
            Bien  qu'isolé le champ de manœuvre : parcelle 240 de la commune de Soréze,  mérite d'être classé ou du moins protégé en vue de travaux de fouille plus  étendus.
            Pour  le plus grand bénéfice de notre histoire locale et régionale une reprise et une  extension des fouilles au titre des recherches médiévales et protohistoriques,  menées de concert, nous paraît nécessaire et rapidement souhaitable. Toutefois  pour vaincre les difficultés d'installation d'un chantier permanent et  faciliter l'accès et les travaux, le réaménagement du chemin de crête qui part  de la côte sud du camp et va vers le Jacournassy ;  1 km  environ, nous parait du plus haut intérêt. L'archéologie y trouverait beaucoup  de commodités et par voie de conséquence le tourisme pourrait plus tard bénéficier  de ces aménagements.
            Enfin,  sans engager des frais considérables, il nous paraît opportun d'envisager dans  le cadre de nouveaux travaux d'archéologie la fouille du site et sa  reconstitution, afin de donner au lieu l'aspect d'un musée de plein air, un  village-musée avec sa partie gauloise et sa partie médiévale à l'image  d'Ensérune. Tout y convie ; le site géographique, l’environnement local, le  cadre du Parc Naturel Régional, le fait que Soréze est une de ses entrées et  propice à l'installation d'un musée enrichi par Berniquaut.
            Ce  serait à notre sens une œuvre intelligente et sensible, source de bien-être  pour le tourisme, un approfondissement de notre histoire lauguedocienne9  une chance supplémentaire pour la région de Midi-Pyrénées.
ALBI, le 25.10.1977
BIBLIOGRAPHIE
1.  Correspondant pour le Tarn des Directeurs des Circonscriptions archéologiques  de Midi-Pyrénées - Responsable des travaux de fouille à Berniquaut de 1968 à  1973.
              2-  1883 - La vieille ville de Soréze et légende du plan géométral des ruines de Puyvert sur le sommet de la Montagne de Berniquaut  près de Soréze), et relevé en 1824, Revue du Tarn, tome IV, p. 372-373.
              3  - CLOS J.A., 1844 - Notice historique sur Soréze et ses environs, Toulouse chez  Dupin J. imprimeur de la mairie, in - 8°, 184 pages.
              4  - DOM CLAUDE DE VIC, DOM VAISSETTE, 1842 - Histoire générale du Languedoc,  Toulouse in - 4° tome V col. 1046.
              5  - NEGRE E., 1968 - Berniquaut-Verdun, Revue du Tarn, n° 51, p.  379-380.
              6  - ROQUEBERT M., 1970 - L'épopée cathare, 1198-1212, Privat, Toulouse p. 335460-463.
              7-  PARAYRE, 1860 - Note sur un objet d'art trouvé à Berniquaut - Procès verbal de la Soc. Lit. et Sci. du  canton de Castres, tome V, p. 301-302.
              8-  BOURDASSE, 1978 - Tête de lance en fer gallo-romaine découverte à Berniquaut près  de Soréze, Bull. Commission des Antiquités de la ville de Castres tome I, p.  18.
              9  - LACROIX E., 1913 - Quelques renseignements sur la vieille ville de Soréze,  Toulouse, Privat in - 8e, 31 pages.
              10  - ASTRE C., 1943 - Faune pléistocène des Chambres de Berniquaut à Soréze. Bul. de la Soc. d'Hist.  Nat. de Toulouse, tome 78, Fasc. 1, p. 17-22.
              11  - BACCRABERE G., 1963 - Stations gallo-romaines en Lauragais, Mémoires de la Soc. Archéologique  du Midi de la France,  tome 29, p. 47.
              12 - MEROC L., 1962 - Gallia Informations,  tome X, p. 89.
              13  - LABROUSSE M., 1968 - Toulouse antique, Paris, Ed. de  Boccard, 644 p.



