Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol                                      LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE - 2000 - N°6

 

USAGES ET COUTUMES D'AUTREFOIS

Par Bernard Blancotte

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« Quand tu vas sur le chemin et que tes pieds foulent la terre de tes ancêtres, fais qu'ils se posent doucement car sous l'humus et les feuilles mortes, reposent peut-être ceux qui t'ont donné la vie » (Prince Samad Khan)

 

 

 

 

CES PAGES QU'IL FAUT TOURNER...

A l'heure des explorations spatiales, du triomphe de l'informatique, de l'évolution des mœurs, il peut paraître désuet d'évoquer les veillées françaises, mariages, funérailles, superstitions, vie communautaire dans les fermes, et petits métiers d'autrefois, tels que les connurent les Revélois et habitants de la campagne environnante jusqu' avant la Grande Guerre. Ne pas rappeler ce qu'étaient les usages, les coutumes, le mode de vie de ceux qui nous précédèrent serait supprimer de nos cœurs et de nos mémoires quelques aspects - et non des moindres - de notre patrimoine local !

Pour faire resurgir d'un temps qui n'est plus toute une imagerie, nous gommerons l'antenne de télévision, les tracteurs et autres engins modernes d'une de ces fermes de brique crue, toute en longueur près d'une mare, avec, non loin de là, un pigeonnier en donjon souvent perché sur quatre piliers. Nous trouverons, cette ferme entre deux champs de blé, parmi les chemins bordés de prunelliers, et veillant sur les cultures, une statue du Saint ­Patron des laboureurs.

La construction s'étire sous la toiture de tuile à faible pente. Percée de petites fenêtres, la façade de l'habitation paraît bien modeste par rapport au reste des bâtiments aux grandes ouvertures en arcades donnant sur la grange, les écuries, les magasins abritant les outils et le matériel aratoire.

Extérieurement, le décor a peu changé. C'est là, derrière les lucarnes en losange, ou carrées ou rondes, cernées de briques avec ornementation géométrique très wisigothe (dans l'opposition du blanc et du rouge) que se tenaient les veillées.

 

RÉUNIONS FAMILIALES OU DE VOISINAGE : LES VEILLÉES

Tantôt dans une de ces fermes, tantôt dans une autre, se rassemblaient le père, la mère, les grands-parents, les enfants, les voisins.

 On prenait place dans la cuisine à la longue table de bois entourée de bancs, avec, en bout, le siège réservé à l'« ancêtre » : une signification toute patriarcale. Un décor simple : l'antique « aïé » (évier) parsemé de cruchons verts ou bruns, parterre de briques rouges, poutres noires apparentes flanquées de barres à saucissons ; un plafond paré de jambons, lard et vessies de graisse, quelques images pieuses - dont celle de Sainte Germaine de Pibrac - de grands chaudrons de cuivre (les païrols) voisinant avec les chapelets d'oignons et d'aulx.

 

Les veillées étaient consacrées au travail (essentiellement féminin), mais présentaient aussi un délassement.

Les voisines apportaient chaises et chaufferettes.

 Couseuses, dentellières, fileuses œuvraient à la lueur d'un calel et d'une chandelle de suif, tandis que les hommes, près de la table, rempaillaient des chaises ou « descoufelaient » le maïs (dépouillaient le maïs). On observait un certain ordre dans la disposition des participants.

Au premier rang, face au manteau de la cheminée aux plaques allégoriques, les fileuses et les dentellières ; au second rang, les tricoteuses et les couseuses. A tour de rôle, les femmes payaient une chandelle.

Par souci d'économie, on plantait une épingle dans la mèche tressée enveloppée de suif. Lorsque la flamme arrivait à hauteur de l'épingle, on mettait un terme à la veillée. Parfois, on jetait des graines d'ambre dans le feu, qui provoquant des lueurs, permettaient de mieux compter les mailles. Parfois aussi, pour augmenter l'éclairage, on frottait des tisons les uns contre les autres. A l'aïeule, placée près du feu, revenait le privilège de prendre le bébé sur les genoux et de le distraire en chantant :

 

«Arri, arri bourriquet aniren a Castanet !

 Aniren a San Julia,

Per beze les gats laura».

 

(Trotte, trotte, bourricot, nous irons à Castanet!

nous irons à Saint-Julia

pour voir les chats labourer).

 

Si l'enfant tardait à s'endormir, on le berçait en psalmodiant :

 

«Nono, nono petitou

la mama es al cantou

le papa es a Rebel

te pourtara un aouzel

sur la punto d'un coutel».

 

(Nono - onomatopée pour dodo)

 

Dodo, dodo tout petit

la maman est dans le coin

le papa est à Revel

il te portera un oiseau

sur la pointe d'un couteau.

 

Tout au long de la veillée, on parlait beaucoup et on mangeait des châtaignes chaudes arrosées de quelques bolées de vin cuit avec rasades d'eau-de-vie. Des conversations naquirent des contes ; ces récits d'aventures imaginaires reposaient sur la peur des ténèbres et des ombres extérieures.

  

 

LA « COURTISATION » ET LES BALS

Bien des épousailles se décidaient là, les veillées étant le moment privilégié qui avait nom : la courtisation... en fait, manœuvres amoureuses entre les jeunes gens. Les garçons faisaient des niches aux filles, telles qu'embrouiller leurs écheveaux de laine ou de les faire tomber brusquement en tirant leur chaise.

C'était là toute l'intimité de la période précédent les « accordailles »... les jeunes filles regagnant le toit paternel en compagnie des parents.

Lors de la fête locale, les garçons dès leurs dix-sept ans pouvaient faire danser les filles, au son de la boudego (genre de corne­muse), ou de la biolo (la vielle).

 

Il advenait souvent que pour accéder au cercle des danseurs, il fallait s'acquitter d'une sorte de dîme versée au « chef » des jeunes gens, d'ordinaire, un vieux garçon.

 En certains lieux de la Montagne Noire, quand le printemps venait, les jeunes villageois gagnaient la campagne pour y capturer un roitelet (oiseau passereau plus petit qu'un moineau) ; celui qui en ramenait un était proclamé roi de la jeunesse pour une année, et sacré comme tel par les consuls, à la Saint-Michel : une coutume qui cessa à la Révolution.  Mais la jeunesse continua longtemps « à faire régner l'ordre » parmi ceux et celles qui la composaient.

A eux les jeunes, de mettre en jugement les filles peu sages ! Le caractère organisé de la jeunesse devait disparaître peu à peu, pour ne plus être que souvenir à la veille de 1914.

 

 

FIANÇAILLES ET MARIAGES

Lorsque des fiançailles étaient conclues, elles intervenaient généralement au sein du village même, ceux qui s'accordaient appartenant à des familles de même profession et surtout de conditions sociales semblables. La loi n'interdisait certes pas les unions entre cousins, mais on condamnait ce type de mariage, alléguant que si les promis passaient outre, l'un des conjoints mourrait dans un bref délai, et s'il y avait des enfants, ceux-ci seraient infirmes ou idiots. Quant à ceux qui allaient prendre femme dans un autre village, ils devaient payer l'apéritif à toute la jeunesse du pays de la future. De même, l'apéritif était à la charge du veuf qui se remariait, et qu'on jugeait être trop vieux.

Pour marquer leur refus à se laisser courtiser, les jeunes filles, lors d'une fête ou d'un bal prenaient un balai dont elles dirigeaient le manche vers le bas, une pratique qui avait cours dans l'ensemble des pays de langue d'oc.

 

Le mariage, célébré au lieu de naissance de l'épousée, obéissait à différentes coutumes et pratiques. Ainsi le repas de noces se déroulait-il dans la famille de la mariée.

Le jeune époux se devait d'enlever la jarretière de la mariée, après quoi on découpait cette bande élastique dont les morceaux étaient distribués à chacun des parents. Défense expresse à la mariée de chanter le jour de ses noces pour éviter, disait-on, que le mauvais sort ne frappe le couple. Quant à leur nuit de noces, il était d'usage que les époux passent celle-ci dans une chambre autre que la leur. Ni chez lui, ni chez elle, mais bien ailleurs. Le marié et la mariée s'y attendaient certes, mais ils étaient l'objet de plaisanteries telles que manger la soupe à l'ail ou à l'oignon dans un vase de nuit, en présence de leurs invités. Certains parmi ceux-ci poussaient l'audace jusqu'à vérifier les draps pour voir s'il y avait eu défloraison ou pas !

 

A l'image des Romains, on évitait de se marier durant le mois de mai, « mois des fleurs, mois des pleurs »... d'autres disant ingénument « qu'il n'était pas convenable de célébrer les noces à une époque où les ânes sont amoureux »!

Banni également le vendredi pour se marier, si on ne voulait pas que le mariage soit stérile. Le jeune couple allant vivre le plus souvent sous le toit familial du mari, la jeune épousée était accueillie à la porte de son nouveau foyer par le beau-père qui lui déclarait : « C'est près de ce foyer, mon enfant, que tu dois vivre et mourir !»

   

 

AUTOUR DE LA TABLE COMMUNAUTAIRE

A la campagne, dès le retour des champs, le père, distribuant le pain aux siens après avoir tracé un signe de croix sur la miche qu'il coupait, pouvait dire fièrement :

 

« Avem pa et vi, lè rey pot béni »  (nous avons le pain et le vin, le roi peut venir).

 

C'était le temps où, pour exciter l'appétit, (en guise d'apéritif) on prenait un morceau de pain, de l'ail ou de l'oignon... pour « tua lé berm » disait-on (tuer le ver).

C'est dans la cuisine, en fait, la pièce principale, que se célébrait avec plus ou moins d'éclat, la « festo pourcalo » (la fête du cochon)... une pratique qui subsiste encore.

 

 

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 Paul SIBRA

peintre de langue d'oc

Scènes de moisson en Lauragais

 

Femmes et hommes des fermes voisines, après la rude journée de l'abattage et des différents accommodements de viandes, célébraient l'événement en goûtant, au repas du soir « le fraïsinat » (morceau saignant du cou de la bête que l'on faisait cuire à la poêle avec ail, persil et pommes de terre frites). On préparait aussi quelques tranches de viande à la carbonade, et dans un papier sulfurisé, on enveloppait de la chair à saucisse que l'on déposait dans la cendre. Si de nos jours on consomme moins de millas, il faut savoir que cette bouillie de maïs était véritablement le « plat national » du Haut-Languedoc.

 

On sait qu'Henri IV, de passage dans la région, apprécia fort ce mets que lui offrait un paysan qui avait cru bon d'agrémenter de miel la pâte rissolée. L'illustre visiteur ayant apprécié le millas en aurait « conçu d'augmenter les impôts » (ce plat étant naturellement un « signe extérieur de richesse »).

Comme dans bon nombre de régions, l'exploitation de la terre relevait du métayage et du fermage. Le métayage particulièrement répandu avant l'époque contemporaine, était, rappelons-le, un mode de location de la terre reposant sur une redevance variable selon les années. (Métayage : de l'ancien français moitoiage : convention par moitié, de moitoier, partage par moitié).

Le fermage, mode d'exploitation agricole par ferme, relevait d'une « convention par laquelle, un propriétaire abandonnait à un fermier, pour un temps déterminé la jouissance d'un domaine agricole, moyennant une redevance en nature ou en argent ».

Ces deux types d'exploitation nécessitaient de nombreux bras avant l'ère de la mécanisation. Sous un même toit vivaient, deux, trois, voire quatre ménages ! La cohabitation n'était guère facile, on s'en douterait. Les fils qui se mariaient restaient dans la même maison. Un ménage ne quittait la terre de la ferme ou de la métairie que si elle ne pouvait nourrir tous les habitants. Pour quinze hectares de terre, il fallait pour le moins deux paires de bœufs et quatre personnes, et deux ou trois personnes pour le pacage.

En 1900 encore, les terres représentaient une surface de quarante ou cinquante hectares, d'où la nécessité d'un personnel important, travaillant, vivant sous l'autorité absolue du père. Etaient exclues l'idée de partages et l'idée de copropriété.

Les enfants ne possédaient rien, tout juste leurs hardes, qu'ils aient trente ans ou plus, qu'ils soient mariés ou non, qu'ils soient pères de famille ou pas ! Seule ressource pour leur bourse : la vente des pigeons qu'ils élevaient. Cet argent permettait à l'homme d'aller au café et aux femmes d'acheter un mouchoir ou des parfums !

A l'ancêtre, chef de communauté, de pourvoir à la nourriture, à l'habillement des siens, ainsi qu'à la dot des filles. A l'ancêtre, le pouvoir de gérer, d'acheter quand il avait l'argent. Le bien que la fille apportait en se mariant, consistait en une armoire avec linge, armoire qui se transmettait.

Au marié incombaient les frais de la noce. Le fils qui était obligé de partir, recevait une part de la récolte et quelqu'argent pour fonder une nouvelle communauté. On peut noter que si les communautés de métayers furent condamnées par la Révolution, ce mode de vie patriarcal subsista toutefois jusqu' après la guerre de 1914.

 

 

PRÉSAGES, RITES, PRATIQUES

Aux abords de Revel, et à travers la Montagne Noire, on croyait aux signes permettant de prévoir l'avenir, ainsi qu'à la vertu de certaines pratiques.

Autant d'augures funestes : le miroir qui se brise, le chien hurlant à la mort, la chouette qui hulule, la pendule qui s'arrête, la pie sautillante sur les chemins. Entendre le coucou pour la première fois de l'année l'estomac vide, équivalait à ne pas avoir de travail durant de longs mois ! Un enfant naissait-il le jour des morts ? il aurait à coup sûr le don de voyance ; il serait

« armassièr ».

Point de question de couper les ongles à un bébé non sevré : sinon, risque d'en faire un voleur ! Un enfant éprouvait-il des difficultés à percer ses dents ? On s'empressait de capturer une taupe, de lui arracher la mâchoire et de la déposer dans une petite poche de toile que devait porter le marmot ! Combien de fois, sorciers et sorcières étaient sollicités pour faire fuir les renards rôdant autour des poulaillers ! On craignait tellement les méfaits de cet animal qu'on s'abonnait pour quelques pièces auprès de ceux ou celles qui connaissaient les formules magiques.

Le sorcier ou la sorcière griffonnait les termes rituels appropriés sur un papier, puis, « le document » était déposé dans un arbre ! Ainsi les poules seraient-elles sauvegardées.

Au cours des veillées, les lueurs vacillantes des bougies ajoutant à l'inquiétude, on évoquait « l'homme noir » présent dans les orages, détruisant les récoltes et responsable de la maladie. N'agissant pas seul, ce diable avait sous ses ordres les jeteurs de sort ! Croyance aussi dans les génies, bons ou mauvais, doués du pouvoir de métamorphose. Autant de créatures capables de surgir dans les campagnes, forêts, champs et fontaines. De toute cette cohorte de fantômes et lutins, le Drac, lui, était plus mutin et fripon que méchant. Un bon tapage le faisait fuir !

Quant aux jeteurs de sort, pour les combattre, on se transmettait une recette infaillible : il suffisait de retirer sa veste, d'en retourner les manches et les poches. Déposée à même le sol, il n'y avait plus qu'à bastonner la veste et, l'ensorceleur plié en deux accourait, s'excusant même pour que soit mis fin à la volée de coups !

Voulait-on protéger récoltes, personnes, meubles et bétail, on accrochait dans les bâtisses, et on dispersait à travers champs, bouquets de buis et lauriers du jour des Rameaux, ainsi que fioles d'eau bénite de la Pentecôte. Vieilles pratiques encore que celles de suspendre, dans les bergeries au-dessus de Revel, les « peïros de picoto » (pierre de variole) pour protéger les moutons de la clavelée.

Une poule s'avisait-elle de « faire le chant du coq » ? C'était là un signe maléfique pour un membre de la famille. On se précipitait alors pour la vendre au plus vite, et grâce aux pièces recueillies, on faisait dire une messe pour conjurer le sort.

Ces pratiques, croyances ont-elles totalement disparu ? Qui pourrait l'affirmer ?

Bon nombre de présages, rites, augures, trouvent leur origine dans cette lointaine Galatie d'Asie Mineure où quelques-uns de nos ancêtres Tectosages firent d'importants séjours. Ils y implantèrent même des colonies parmi lesquelles on trouve l'antique Ancyre, aujourd'hui Ankara. Quelques-uns d'entre eux revinrent « au pays », et ramenèrent telles pratiques et croyances qui, jointes au polythéisme des Grecs et des Romains, devaient se perpétuer avec des aménagements dus au christianisme.

 

 

MALADIE ET DÉCÈS

Lorsque la maladie frappait, on se réunissait au chevet du malade.

A minuit, tandis que la pendule égrenait les douze coups, les assistants, à genoux, récitaient les prières de l'Eglise romaine en même temps que les supplications magiques.

Ces mouvements de l'âme et la suite de formules consacrées par le culte... et le sorcier... déclenchaient, chez le malade une grande confiance en la guérison. Se sentant protégé, un changement, paraît-il, s'opérait et il recouvrait la santé.

 

Un décès survenait-il dans une ferme où s'alignaient des ruches, on posait un crêpe dessus « afin que les abeilles ne meurent ». Les miroirs devaient être voilés et les pendules arrêtées.

Le mandäire - que l'on pouvait qualifier d'employé funèbre - généralement un intime de la famille du défunt, allait de maison en maison annoncer la triste nouvelle. C'est là une pratique qui subsiste encore de nos jours.

Disparues les lamentations, plaintes bruyantes orchestrées !

Disparu le portage à bras remplacé par le corbillard surchargé de moulures argentées et de larmes, fourgon mortuaire à son tour relégué au rang de pièce de musée.

Ce ne sont là que quelques traits.

 

 

LES PETITS MÉTIERS

Dans le décor de la vie quotidienne de Revel et des environs, passaient par intermittence des personnages pittoresques exerçant « des petits métiers ».

Tous étaient de véritables coureurs de chemin ! C'est ainsi qu'à l'automne arrivait « le brûleur de vin » venant de l'Ariège, tout de brun vêtu.

Bâton de houx à la main (lui servant à attiser le feu), portant au dos un système d'alambic et chaudrons, il allait de village en village, de ferme en ferme s'annonçant en criant « aigordent » (eau-de-vie) ! On devait le nourrir et le loger durant son travail.

Disparu depuis l'après-guerre de 1914. Plus proche de nous, jusque dans les années quarante, passait le ramoneur. Il arrivait de Savoie, assisté par un enfant d'une dizaine d'années qu'il faisait grimper dans la cheminée. Souvent, pour augmenter leurs ressources, l'homme et l'enfant faisaient danser une marmotte qu'ils tenaient enfermée dans une boîte à claire-voie.

De l'Hérault et du Minervois, arrivait un marchand d'huile de genévrier à usage vétérinaire.

Avant 1914, aussi, se manifestaient les colporteurs, ballots à l'épaule. Ils vendaient des almanachs, du papier, des mouchoirs, du fil, des aiguilles, chaussons, ouvrages de magie et souvent de petits miroirs cerclés de zinc permettant aux hommes de se faire la barbe.

Traversant la montagne, à Saissac, les marchands d'objets de buis tournés dans la haute vallée de l'Aude venaient vendre coquetiers, boules pour repriser, robinets, chapelets, jouets. Peu avant la deuxième guerre mondiale, passait régulièrement le chevrier, blouse courte et large béret. Il poussait devant lui son troupeau de chèvres aidé par un labri. Trayant ses biques sur les places, le chevrier vendait le lait à la tasse ainsi que des fromages.

Il n'est pas si loin le temps où le poste de radio à lampes n'étant pas encore dans tous les foyers (peu avant 1940), on appréciait les gens du voyage : montreurs d'animaux savants dont l'ours Martin exhibé par les Ariégeois, dresseurs de chiens et de singes faisant la pyramide sur des bouteilles. C'était le temps aussi des saltimbanques, lutteurs, équilibristes, jongleurs faisant leurs tours sur des tapis et qui, en fin d'exhibition, faisaient la quête.

 

Montant leurs tréteaux sur les places des villages, et même à Revel sous la halle, les comédiens des troupes de théâtre ambulant séjournaient là durant deux mois, jouant des mélodrames.

 

Comme tout cela nous paraît démodé, suranné... si loin de nous !

A l'instar de Victor Hugo, si l'on considère qu'un demi-siècle ou un siècle ne sont rien par rapport à l'Histoire de l'Humanité, on peut dire « que peu de temps suffit pour changer toutes choses ». Les quelques traits et aspects du mode de vie que nous avons rapportés sont là à titre indicatif et loin d'être exhaustifs.

 

 

 

« Le brûleur de vin ».
In « Le Monde Illustré »
Du 26 septembre 1896

 

 

Pour conclure, nous emprunterons un mot de F. Pariset (1857) ; non seulement il mérite réflexion, mais aussi il nous éclaire quant au comportement de tous ceux qui nous ont précédés :

 « La terre était le pivot unique sur lequel tournaient les existences, le point de mire de l'activité des habitants, la possession du sol. »

 

Les histoires que l’on raconte près du « cantou » (le coin du feu)
Dessin original de Bernard Velay (Société d’Histoire de Revel Saint-Ferréol)

 

 

Bernard BLANCOTTE

de l'Académie du Languedoc

 

 

Sources :

 

• Conférences « Folklore de la Montagne Noire » prononcées par Rémi Nelli, poète, écrivain, initiateur de l'ethnologie occitane à la faculté de Lettres de Toulouse en 1946.

• Marquis de Chesnel : « Coutumes, mythes et traditions des provinces de France » (1846).

•  F. Pariset : « Economie rurale, mœurs et usages en Lauragais » (1867).

• Sans oublier mes « Entretiens au coin du feu » avec Louise Aymés et Emile Carles tous deux disparus.

 

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