TIRE DES ACTES DU COLLOQUE KARST ET MINES OCTOBRE 1988 SOREZE

 

 

MINES ANTIQUES ARIEGEOISES

Par Jean Paul Calvet 

S’inscrivant dans le cadre du programme H3 « Mines et métallurgie », un  Projet Collectif de Recherche se mettait en place en 1991 (pendant deux années) sous la direction de Claude Dubois archéologue.

L’objectif de ce programme était essentiellement d’obtenir une reconstitution diachronique du lien sociétés-mines et métallurgie-forêts, dans ses implications historiques, technologiques et paléo-écologiques.

 Les Pyrénées ariègeoises constituent un terrain de prédilection pour ce type d’étude.
 Les gisements polymétalliques, à prédominance cuivreuse ont été mis en place par des montées filoniennes  dans des fractures d’âge hercynien. Ces fractures ont pu « rejouer » lors de l’orogène pyrénéen.
Ces fractures ont le plus souvent une direction nord-sud et affectent essentiellement les terrains « dévoniens ».

Un second modèle de mise en place pourrait être évoqué. Son origine se placerait au Permo- Trias lorsque la région connaît une activité volcanique sous marine. Des montées hydrothermales minéralisées se seraient alors épanchées en intercalation entre des couches de sédiments. 

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Les gisements de cuivre, plomb et argent ont fait l’objet d’une mise en exploitation intense et soudaine vers la fin du second siècle avant notre ère. Les gisements de fer, n’ont par contre, connu qu’un développement progressif et lent jusqu’au moyen âge.
Les exploitations antiques se sont faites à « ciel ouvert », mais aussi dans un contexte minier, le creusement de galeries « ouvertes au feu » étant le plus souvent la méthode employée avec dépilage à la pointerolle .
Cette activité métallurgique s’alimentait en combustible dans la forêt, et c’est sans peine que l’on peut s’imaginer l’impact de la déforestation dans l’espace montagneux à cette époque.
Les charbons résiduels permettent de reconstituer ces paysages forestiers bien localisés et bien datés (chêne –hêtre – sapin).
Dans le cadre de ce projet collectif, les spéléologues ont été sollicités pour effectuer le relevé topographique des mines, mais aussi pour leur compétence pour équiper certaines mines réputées dangereuses (des puits de plusieurs mètres existent). Le projet étant assez large , nous ne présentons ici,  succinctement, que quelques mines remarquables et ne développerons pas (ou très peu)  les résultats archéologiques largement publiés dans d’autres revues scientifiques. 

 

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LES MINES D’HAUTECH

Situées dans la commune de Larbont, elles présentent plusieurs modes d’extraction. A « ciel ouvert » mais aussi en partie souterraine, présentant ainsi après creusement une dénivellation pratiquement verticale de 35 m.
Plusieurs filons de barytine minéralisée en cuivre gris, sont encaissés dans la dolomie dévonienne.

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Dans la partie inférieure un « exhaure » permettait de drainer les eaux d’infiltrations vers l’extérieur.
La colline d’Hautech s’avère avoir été le siège d’une intense activité minière pour l’extraction du cuivre gris., à la fin du second siècle ou au début du premier siècle avant notre ère.
Des cupules sont parfois taillées sur les parois ; elles ont pu servir d’espace d’ancrage pour des poutres placées horizontalement et permettaient ainsi l’accès aux conduits. L’exploitation de cette mine devait être difficile, puisqu’il s’agit d’une extraction verticale vers le bas (le feu « étonne » avec efficacité les roches dures latéralement ou vers le haut, vers le bas il faut beaucoup plus de combustible et d’énergie. 

 

Mine antique d'Hautech (Larbont,Ariège). Cette cavité creusée artificiellement " au feu " a un profil vertical.

 

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LA  MINE DE FER DE RIVERENERT

 

 

 

commune de Riverenert – Ariège) Cette mine s’ouvre par une galerie de 230 m de longueur (époque moderne) qui permet d’atteindre plusieurs niveaux d’exploitation.
Dans les archives du Service des Mines mention est faite de « vieux travaux romains ». Notre action a visé à retrouver ces « travaux ».
Une escalade de plus de 40m a permis d’atteindre une galerie supérieure  qui en effet portait des traces d’exploitation antiques . Ces travaux anciens étaient recoupés par d’autres travaux plus récents.
Le gisement se situe dans des schistes et c’est la sidérite hématisée qui a fait l’office de cette exploitation.
Dans le village de Riverenert un très important crassier est présent (près du cimetière). Le mobilier découvert et identifié permet de dater l’exploitation antique aux premiers siècles avant notre ère. La fusion du minerai extrait de cette mine a eu lieu sur place, à l’emplacement du village.

 

Mine de fer de Riverenert.

 

 

L’aspect du village qui a l’aspect d’un mamelon d’une dizaine de mètres de hauteur au bord du Nert, suggère la présence de ce crassier… Une grande partie du village est bâti sur ce crassier.
Les examens des minéraux démontrent un pourcentage de plus de 43% de fer.  
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Plan partiel de la mine de fer de Riverenert
Galerie antique de la Mine de Riverenert

 

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LES MINES DU GOUTIL

Les mines du Goutil (commune de La Bastide de Sérou) Il s’agit de plusieurs sites d’exploitation en milieu souterrain de cuivre gris et d’argent dans un remplissage de barytine, le tout étant dans un calcaire dolomitique roux tendre à pendage 35 grades nord.
Les parties  stériles ont été gardées pour faire des piliers, des cloisons ajourées, des niches coniques.
La « cavité » la plus importante avoisine le kilomètre. 
Il s’agit d’une cavité artificielle « ouverte au feu » au deuxième quart du 1er siècle avant notre ère.
Des traces de suie existent encore sur les parois. D’autres indices laissent à penser que l’exploitation ait pu perdurer jusqu’au 1er siècle ap.J.C.
Des cheminées creusées verticalement permettaient la ventilation du réseau.Les mineurs ont suivi les « filonnets » de cuivre argentifère dégageant ainsi une sorte de stockwerk

 

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Entrée de la mine du Goutil ( La Bastide de Sérou, Ariège)
Traces d'exploitation antique dans une galerie
"ouverte au feu".

 

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Une expérimentation d’ouverture par le feu a été effectuée, permettant d’avancer un bilan : en considérant plusieurs feux en même temps (la morphologie du site le permet – plusieurs ouvertures)

  1. un feu d’une durée de 3h
  2. le refroidissement, l’évacuation des fumées 6h  minimum
  3. le déblaiement, l’abattage manuel, la confection de bûcher pour une durée de 3h

on obtient un total de 12h soient 2 feux par 24h sur un même point.L’expérimentation a démontré que pour un quart de stère de bois on pouvait avancer de 10 à 15 cm, il faut donc 10 000 feux pour avancer de 1 km (5 000 à deux feux quotidiens – 2500 pour 4 feux). A quatre feux quotidien on atteint environ 7 années…Le « GOUTIL » a donc pu être creusé dans un délai de temps assez court.
On s’imagine l’énergie déployée pour obtenir du cuivre et de l’argent. A cette énergie d’extraction il faut compter le travail de triage, concassage, réduction du minerai, etc…

 

Plan de la mine du Goutil (La Bastide de sérou, Ariège)

 

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Résultat de l'expérimentation d'ouverture par le feu.

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Profil schématique des bûchers.

Si un hectare d’hêtraie-sapinière contient environ 100 m3, il aura fallu : 10 000 feux à ¼ de stère = 2500 stères = 25 hectares de forêt pour creuser  la mine …

Si la forêt a pu « timidement » se régénérer durant 7 années d’exploitation,  l’impact sur l’environnement devait être très important, à tout cela on n’a pas compté le bois utilisé dans les bas fourneaux pour réduire le minerai…

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