SYNTHESE

  

I. L'ARCHITECTURE RELIGIEUSE DANS LE TARN.

 
A. Eléments de comparaisons. Saint-Martin de Soréze.

 

Seule église du canton ayant déjà fait l'objet d'une monographie Saint-Martin, daté de la fin du XVe siècle ou du début du XVIe siècle, peut servir de point de comparaison.

 

D'abord ses bases prismatiques (fig.86), que l'on retrouve dans presque tous les édifices du canton. Elles présentent certes, différents degrés de finitions, mais sont toutes attribuables à la même génération d'édifices.

 

Le principe des retombées ondulantes de l'arc triomphal (fig.86) sont repris pour celles des arcs doubleaux de la nef de Saint-Pierre de Dourgne (PL.XV) (fig.48). Sans être aussi similaires, des piles ondulantes se retrouvent aussi à Arfons, Saint-Valentin et Verdalle mais ici accompagnées d'une imposte moulurée (PL.LXV) (fig.136), pouvant laisser croire à une construction un peu plus récente, mais pourtant certainement avant 1537 date d'érection de la porte d'entrée. En revanche, les piles de la nef adossées au mur par l'intermédiaire de deux cavets semblent plutôt annoncer les piles ondulantes, l'arc triomphal de Saint-Valentin peut quant à lui, venir se placer chronologiquement entre les deux, une simple arête venant briser l'ondulation (PL.XV).

 

Les bandeaux remplaçant les chapiteaux et placés un peu bas par rapport aux retombées des ogives (fig.85), se retrouvent à Dourgne (fig.32,43) plus stylisés, leur sécheresse fait penser à une simple reprise sans imagination des mêmes motifs et donc plus tardive. Dans les autres églises du canton, les retombées se poursuivent en général sans interruptions jusqu'au sol.

 

Les modénatures des arcs (fig.85) sont proches de celles de Dourgne (PL.XIV), mais encore une fois leur lourdeur fait penser à une construction ultérieure. Le même cas de figure se présente à Saint-Avit (PL.XTV). Dans les autres cas la section la plus communément répandue est celle des ogives prismatiques, à deux ou trois cavets, que l'on retrouve le plus fréquemment à la fin du Moyen-âge.

Ces arcs de façon systématique s'achèvent par pénétration dans leur support. D'ou l'absence fréquente de chapiteaux.


 

Deux édifices majeurs permettent de sortir du canton et de valider les datations proposées. Il s'agit de la collégiale Saint-Salvi d'Albi et de la cathédrale Saint-Alain de Lavaur.

 SOMMAIRE

 

Saint-Salvi d'Albi.

 

Pour la période qui nous intéresse Saint-Salvi a connu un programme de grands travaux durant la seconde moitié du XVe siècle1.

Il débute en 1444 par la construction de la chapelle Saint-Augustin, accolée au mur oriental de la tour sud. Ensuite, les trois dernières travées de la nef et du transept sont exhaussées et totalement reprises, le chœur est entièrement reconstruit. Les piliers de la nef sont carrés, cantonnés de colonnes engagées et reposent sur de hautes bases prismatiques. Les arcades sont composées de nombreuses nervures parallèles qui pénètrent directement dans les piles et les murs des bas-côtés. Les arcs doubleaux et diagonaux sont en pierre, mais la brique forme le matériau des voûtes.

 

Le réaménagement de l'accès à la tour sud, est vraisemblablement de cette même campagne. La porte d'entrée de cet escalier est couronnée d'un arc en anse de panier et d'un décor d'accolades et de pinacles. Ces caractéristiques comme la base prismatique du pivot de la dernière hélice de l'escalier situent, selon J. L. Biget, l'ensemble dans le seconde moitié du XVe siècle. Et très certainement entre 1470 et 1490, où Louis d'Amboise consacre un nouvel autel dans le sanctuaire.

 SOMMAIRE

 

Saint-Alain de Lavaur.

 

La cathédrale Saint-Alain de Lavaur a aussi connu des transformations importantes sous l'impulsion de Jean Vigier2 entre 1480 et 15003.

 

Il s'agit de l'édification du clocher occidental, achevé après la mort de l'évêque en 1499. De cette même campagne résulte la première travée, avec le nouveau porche d'entrée, ainsi que la première chapelle sud.

La porte latérale, au sud, présente un décor en arc en accolade orné de choux frisés et de pinacles à crochets. La porte latérale nord de Saint-Pierre de Dourgne, présente les mêmes caractéristiques (fig. 16).

 

La première travée possède au nord une chapelle dont l'arc d'entrée et les ogives sont formés d'un tore à listel et de cavets qu'un filet vient séparer, cette modénature est celle que l'on retrouve à Saint-Martin de Soréze, à Dourgne, ainsi qu'à Saint-Avit (PL.XIV). Toutes les moulures des arcs s'achèvent par pénétration dans les supports, sans aucune interruption. Ces supports s'appuient sur des bases de section prismatique.

 

La première chapelle sud possède une fenêtre au remplage flamboyant, mais dont les formes qui restent assez circulaires rappellent encore les tracés rayonnants. La baie de la chapelle sud de Saint-Jean d'Arfons, présente les mêmes caractéristiques (fig.2).

 

B. Une famille architecturale dans le sud du Tarn ?

 

L'absence d'églises autres que celles de la fin du Moyen-âge, ne permet pas de dégager plusieurs grandes familles stylistiques pour la région étudiée. Toutefois, pour le sud du Tarn, V. Allègre met en valeur quelques spécificités4 dont le canton de Dourgne n'est pas dépourvu.

 

D'abord les clochers, composés d'un massif rectangulaire percé généralement de meurtrières, surmonté d'une tour octogonale ouverte sur les côtés de baies géminées, supportant elle même une flèche. Ce sont ceux de Sainte-Sigolène de Soual (fig.91), et dans une moindre mesure celui de Verdalle (fig.121), qui selon V. Allègre sont des adaptations locales des clochers de type toulousain dont le prototype, car il est daté avec certitudes, serait celui de Labruguière (fig. 161). Mais il s'agit bien là d'une adaptation et non d'une simple imitation, comme par exemple à Saint-Félix de Lauragais, où le clocher en pierre reprend les arcs en mitres de Saint-Sernin de Toulouse. Ce type de clocher ne se limite pas au simple pays castrais, on en retrouve jusqu'à Saint-Amans-Soult, vers Saint-Pons de Thomières.

 

Les plans de ces édifices modestes du gothique finissant, sont tous assez similaires. Ils se composent en général d'une nef unique, à jamais plus de cinq travées (Dourgne, PL.XXII), prolongée d'un chœur polygonal à cinq pans, hormis Verdalle qui en possède sept (PL.LXI). La nef peut être flanquée de chapelles latérales, et le plus souvent simplement à la travée orientale. Toutefois le plan en croix latine ne semble pas être systématiquement de rigueur, comme à Verdalle dont la chapelle sud n'est que du XIXe siècle, ou à Dourgne qui bien que très remaniée, semble avoir adoptée le système de plusieurs chapelles le long de la nef dès l'origine. Le cas de Saint-Avit (PL.XLVI) est différent car il est possible que le bâtiment initial n'ait pas compris de chapelle, mais clans cette hypothèse il faut y voir un édifice plus ancien. Pour Durfort les remaniements de la nef au XIXe siècle ne permettent d'émettre aucune hypothèse.

 

Une particularité, qui selon V. Allègre ne se retrouve pas dans le nord-Albigeois, réside dans les culs-de-lampes ornés qui il est vrai, plus que par l'aspect qualitatif, dénotent par leurs variété et originalité. Le canton est assez représentatif par les cul-de-lampe de Verdalle soutenant les demi-colonnettes tronquées du chœur (fig.145 à 150), les chapelles sud de Dourgne adoptant le même système (fig.25,28), ou bien ceux supportant l'arc triomphal du chœur de Saint-Jean d'Arfons (fig.7,8).


 

 SOMMAIRE

II. APRES LE MOYEN-AGE.
A. Les temps modernes.

 

Après ce que V. Allègre appelle la seconde floraison gothique, c'est à dire la dernière grande période de construction de la fin du XVe siècle et de la première moitié du XVIe siècle, le sud du Tarn ne connaîtra plus de campagnes équivalentes. En effet de la seconde moitié du XVIe siècle jusqu'à la paix d'Alais le 27 juin 1629, le peu d'accalmie, que les guerres de Religion autoriseront, ne laissera suffisamment de place aux restaurations ou reconstructions, et c'est encore plus vrai en ce qui concerne les petites églises rurales.

 

Durant le XVIe siècle, la Renaissance ne fera qu'une timide apparition. C'est dans les décors que l'annonce du changement se trouve, ainsi sur les bandeaux ornés de Saint-Martin de Soréze et de Saint-Pierre de Dourgne, plus que le répertoire iconographique, le style pré-renaissant laisse sous entendre le devenir de l'architecture médiévale dans la région, malheureusement interrompu par la guerre civile. Le seul cas daté avec certitudes sur le canton, d'ailleurs curieusement assez précoce, est celui de Saint-Jean-Baptiste de Verdalle, dont la porte d'entrée porte la date de 1537 (fig.128), elle use d'un vocabulaire renaissant mais ses chapiteaux, aux volutes tournées vers l'intérieur et les écussons aux extrémités de la frise sont encore un rappel du Moyen-âge.

 

L'effort de reconstruction, après les guerres de Religion, ne touchera essentiellement que les hauts lieux de la région tarnaise, comme à Albi, Lavaur ou Castres, et beaucoup plus partiellement les églises rurales. L'attachement au style gothique fera que nombre de restaurations ne subiront que très peu d'influences de la Renaissance. Dès le début du XVIIe siècle, les voûtes de la nef de Saint-Pierre de Dourgne, par exemple, après l'incendie occasionné par les protestants, sont reconstruites dans le style initial5. De même elles sont reprises en 1755 et restent identiques à celles existantes6. Seule l'entrée occidentale, qui serait datée de 1782, reste le témoin visible d'une « incursion » classique (fig. 17) dans un édifice, qui bien que très remanié, reste médiéval.

 

Mais les XVIIè et XVIle siècles ont pu lors de restaurations laisser des traces propres à leur style et plus convaincantes. C'est le cas de Saint-Valentin de Saint-Avit où tout l'intérieur, avec l'adjonction des quatre chapelles occidentales, a certainement été refait entre 1679 et 1725 dans un style classique; dépassant cette fois la simple décoration avec l'emploi, dans presque tout l'édifice, de l'arc en plein cintre et de la voûte d'arêtes.

 

 

Le seul cas de reconstruction est celui de Saint-Jean de Massaguel, l'église en effet porte sur le linteau de son entrée la date de 1619, rare édifice ayant profité de la courte trêve des guerres à la charnière des XVIe et XVIIè siècles. Ici les archives paroissiales semblent venir confirmer cette construction, il s'agit d'un livre de comptes commencé en 1766 qui consigne les recettes et les dépenses de l'église. Les différents desservants y ont noté les événements qui ont marqué la paroisse, c'est ainsi qu' en 1923, l'abbé Pierre Eugène Bastide retranscrit une lettre qu'il a adressée à Mgr. Pierre Célestin à l'occasion de sa tournée de confirmation « L'église primitive date de 1619, date gravée sur la porte qui regarde l'orient. Elle fut reconstruite par mon prédécesseur en 1868, sur l'emplacement de l'ancienne, mais avec modification du plan primitif. Elle est du style roman, elle a la forme à-peu-près d'une croix grecque, est voûtée en briques doubles et a 23 m de long, 18 m de large et 9 m de hauteur... »7. Il s'agit là de la description actuelle si ce n'est que l'on peu parler de style néo-classique plutôt que roman. Il est difficile de savoir dans quelles mesures l'église de 1619 a été conservée mais il semble bien, puisque son plan a été modifié, qu'il n'en subsiste que peu d'éléments8.

 

En fait, la présence d'un édifice cultuel y est attestée dès 1357. Une chapellenie de Saint-Jean de Massaguel est en effet mentionnée dans le compte des annates9. Lors de travaux effectués dans l'église, des ossements humains ont été mis à jours. D'autres ossements ont été découverts dans la cour de la maison des sœurs, au sud de l'église. La présence d'un cimetière prés de l'actuel monument et sous ce dernier laisse croire que le lieu de culte s'est perpétué dans cette zone, au nord-ouest du village 10. En effet selon M. Fabre de Massaguel, l'ancienne église se trouverait « un peu au sud de l'actuel édifice en bordure de celui-ci »11.

 

Le manque d'éléments caractéristiques et datant, dans de nombreuses églises comme celles de Cahuzac, Belleserre, Lagardiolle, les Cammazes, mais aussi le peu de fonds d'archives, les rendent difficilement datables. Sortant du cadre de mon mémoire je n'ai pas approfondi la question, mais elles sont vraisemblablement d'époque moderne, voire contemporaine, très peu d'édifices ont en effet pu passer entre les mailles du XIXe siècle, comme nous allons le voir.

 

  SOMMAIRE

B. Le XIX` siècle.

 

Le siècle du romantisme a vu un regain d'intérêt pour le Moyen-âge et plus largement pour le passé. Cela s'est traduit par un effort de reconstruction, d'ailleurs dans la plupart des cas commandé par la nécessité. En effet, en raison de l'absence de grandes campagnes de constructions, comme celle que l'on a pu connaître durant la première moitié du XVI` siècle, après les sévices des guerres de Religion et sans oublier la

 

 

Révolution, le besoin de rénovation se fait sentir. C'est dans ce sens là que la démarche est la plus positive. La toute nouvelle notion de patrimoine culturel n'a pu en fait s'appliquer qu'aux grands ensembles, non sans parfois quelques dégâts, et très peu d'églises rurales, pourtant souvent porteuses de données archéologiques estimables, ont pu bénéficier de ce nouvel intérêt. La plupart des petites églises de campagne ont en effet été trop souvent laissées « aux bons soins » d'artisans et d'architectes locaux sans réel souci de cohérence et de respect du bâti existant.

 

Le sud du Tarn a donc connu de nombreuses restaurations, à tel point qu'aujourd'hui aucun édifice ne se présente sans d'importants remaniements. De ce fait, les églises actuelles ne peuvent être totalement représentatives de ce qu'a pu être l'architecture religieuse médiévale dans cette région. Mais le XIXC siècle, conséquence encore plus fâcheuse pour notre patrimoine, a souvent été le théâtre de reconstructions totalement nouvelles, aux dépens, la plupart du temps, des anciens édifices. Un point positif de ce siècle, est d'avoir laissé suffisamment de documentations sur les différents travaux, ce qui permet d'évaluer l'ampleur des modifications avec une relative certitude. Mais c'est surtout de la notion de préservation du patrimoine, dont nous pouvons lui être redevables.

 

Les interventions au XIXC siècle ont essentiellement porté sur les voûtes et sur les ouvertures. En ce qui concerne les voûtes, plusieurs cas de figures se présentent. Tout d'abord les reconstructions qui n'ont pas tenu compte du bâti existant, comme à Saint-Jean d'Arfons où les quatre travées de la nef sont refaites dans un premier temps, puis ce sont celles de la première travée, du chevet et de la chapelle des fonts baptismaux qui sont reconstruites. Elles sont en bois et cimentées, les arcs doubleaux en revanche semblent être en pierre et donc plus anciens, peut être issus de l'église du XVe siècle, mais comme pour effacer toutes traces du Moyen-âge ils sont plâtrés dans un esprit « classique », ce qui rend la lecture moins aisée leur profil n'étant plus apparent. Ici les voûtes d'arêtes et le plâtrage des doubleaux défigurent, il est vrai le bâtiment primitif, mais l'on ne connaît pas le type de voûtement qu'il pouvait y avoir auparavant, en effet l'état antérieur pouvait très bien avoir déjà supprimé les voûtes sur croisées d'ogives.

 

Le même cas de figure se présente à Saint-Etienne de Durfort où toute la voûte de la nef, ainsi que très certainement celle du chœur, "a été refaite en briques et plâtre. Bien que les devis parlent de reconstruction, il est probable que la nef n'ait pas été voûtée antérieurement comme le laisse croire le plan de 1891 (PL.XXXV). Le chœur lui l'était, ce qui suppose que la nef devait l'être aussi dans son état originel.

 

Saint-Jean-Baptiste de Verdalle est sur le canton l'unique exemple où les reconstructions des voûtes se sont faites avec un réel souci d'homogénéité et de cohérence. Les voûtes primitives que sont celles de la chapelle nord (fig.138) et du chœur (fig. 140) autorisent la comparaison et ont pu servir de référence lors des travaux, avantage que les églises de Durfort et Arfons n'ont visiblement pas pu avoir. Ici deux cas se présentent pour la nef, les deux travées orientales étaient déjà voûtées, mais ont été refaites avec les deux premières travées qui elles ne l'étaient pas. La chapelle sud, érigée en 1878, reprend les mêmes caractéristiques que celle en symétrie, ce n'est qu'à la sécheresse des ses moulurations, plus stéréotypées, que l'on peu la distinguer de sa consœur. Les modénatures des ogives et des doubleaux ont été respectées (PL.XIV), seules des différences de proportions sont remarquables 12. Les arcs doubleaux et les voûtes sont en briques et plâtre et les briques des voûtes sont posées horizontalement.

 

Les fenêtres sont avec les voûtes les éléments les plus touchés lors du XIXe siècle. Les ouvertures n'ayant pas subi de modifications sont loin d'être les plus nombreuses sur le canton. La chapelle sud de Saint-Jean d'Arfons présente une fenêtre du XVe siècle (fig.2). Les remplages du chevet de Saint-Martin de Soréze ont un dessin flamboyant mais où les tracés encore circulaires rappellent les modénatures rayonnantes. Et enfin la petite fenêtre trilobée sur le mur sud du clocher de Soual, peut remonter aux XIVe ou XV siècles. Ce qui sur une quinzaine d’églises peut paraître peu conséquent.

 

En 1877 l'église d'Arfons voit ses deux ouvertures dans le chœur refaites, ainsi que deux autres au sud dans la nef, et pour la symétrie deux nouvelles sont percées au nord. De plus en 1872 un oculus est ouvert dans le mur oriental du chevet. Le même sort attend les ouvertures ouest de la nef de Saint-Etienne de Durfort, qui sont elles aussi elles aussi remaniées en 1899. Dans ces deux cas, entre la reconstruction des voûtes et les modifications des ouvertures, il ne reste plus beaucoup de matière à l'historien de l'art pour se faire un jugement, surtout en l'absence d'éléments sculptés. Seul alors, les murs peuvent parfois conserver la mémoire des édifices, mais une mémoire trop souvent dissimulée sous d'épaisses couches de crépis. Pour Saint-Etienne le chevet, bien qu'il ait conservé quelques éléments caractéristiques, a vu aussi ses ouvertures transformées. Ses deux fenêtres actuelles semblent de la même génération que celles de la nef (fig.62), en revanche deux autres anciennes sont encore visibles sur les pans ouest et nord-est, elles sont en arc brisé et en grés (fig.64,65). Une troisième en anse de panier et en schiste certainement plus récente et aussi visible sur le panneau nord-ouest, enfin le panneau axial semble avoir, lui aussi, été ouvert. Ici lors des derniers travaux l'ors a pris soin de laisser apparentes les différentes étapes de rénovations de l'édifice13, la même remarque est à faire pour les demi-colonnettes conservées, qui aujourd'hui n'ont plus de fonctions architectoniques.

 

Les ouvertures aux chevets de Saint-Pierre de Dourgne et Saint-Jean-Baptiste de Verdalle ont elles pu bénéficier de l'intérêt des restaurateurs, en effet, même si l'on ne sait rien de leurs aspects initiaux, elles présentent des modénatures au tracé flamboyant mais encore d'esprit rayonnant pour Dourgne (fig.13) et plus franchement flamboyant pour Verdalle (fig.120). Les fenêtres de la nef de Saint-Jean-Baptiste ont elles aussi subie des modifications. En effet, elles ont été agrandies mais cette fois ci c'est aux dépens d'un des principes du gothique méridional qui, contrairement au nord, n'accorde que très peu d'importance à la lumière et préfère les petites baies.

 

Le clocher de Saint-Pierre de Dourgne (fig.l1) a été profondément remanié et l'on peut difficilement imaginer son état initial, du moins en ce qui concerne ses parties hautes. Au contraire celui de Sainte-Sigolène de Soual (fig.91) a connu des restaurations plus heureuses, qui malgré la surélévation de la flèche ont conservé son aspect médiéval.

 

Mais le XIXè siècle a aussi vu l'édification de nouvelles églises, trop souvent aux dépens des anciens édifices. Seule Notre-Dame des Escudiés semble avoir été bâtie ex nihilo en 1867. Sainte-Sigolène de Soual a été totalement reconstruite (hormis le clocher) sur l'emplacement de l'ancienne en 1877, uniquement par manque de place.

 Heureusement les archives ont conservé le plan de l'édifice précédent (PL.LVI). L'église paroissiale de Saint-­Amancet a aussi été rebâtie sur l'emplacement de l'ancienne, ainsi que celle de Massaguel.

 

 

      1 - J. L. BIGET, « Collégiale Saint-Salvi », dans, Congrès archéologique de France, 140` session, 1982, Albigeois, Paris, 1985, pp. 147-174.

2 - Evêque de 1469 à 1497.

    3 - G. AHLSELL DE TOULZA, « La cathédrale Saint-Alain de Lavaur », dans, Congrès archéologique de France, 140 ème session, 1982, Albigeois, Paris, 1985, pp. 325-344.

4 - V. ALLEGRE, Les richesses médiévales du Tarn, Art Gothique, Toulouse, 1954, pp. 363-366.

5 - Il s'agit du chœur et des deux travées orientales.
6 - Certainement les quatre travées occidentales.

7 - Archives paroissiales de l'abbé SABLAYROLLES, desservant des paroisses de Massaguel et de Verdalle, p. 248.

8 - Sortant du cadre chronologique de mon mémoire, je n'ai pas vérifié les sources déposées aux archives départementales.

9 - J. M. VIDAL, Documents pour servir à dresser le pouillé de la province ecclésiastique de Toulouse, au Xl} siècle, Foix, 1900, pp. 85-88, dans, S. CAMPECH, L'occupation du sol du piémont nord de la Montagne Noire, au Moyen Age, Toulouse II, maîtrise, 1988, p. 89.
10 -
S. CAMPECH, op. cit., p. 89.

11 - J. FABRE DE MASSAGUEL, « Le château de Massaguel. », dans RD.T, 80, hiver 1975, pp. 421-437. Dans, S. CAMPECH, op. cit., p. 89.

12 - Le rapport largeur-longueur n'est pas le même pour les arcs du XIX° siècle, voir p. 74.
13 - Ce n'est peut être au XIX` siècle que les encadrements des fenêtres ont été mis à jour.

 SOMMAIRE

III. L'OCCUPATION DU SOL.

 

Ce chapitre, est un développement visant à compléter le tableau de l'occupation du sol (PL.X, XI), de façon à pouvoir l'exploiter au maximum.

En l'absence de fouilles et de documentations la toponymie, l'étude des vocables et des hagiotoponymes restent, malheureusement dans la plupart des cas, les seuls indices de la présence de lieux de culte aujourd'hui disparus, ou de l'ancienneté des différents sites.

 

 

A. La toponymie.

 

Les indications fournies par la toponymie, si elles peuvent être un bon marqueur chronologique, sont toutefois à relativiser. Nous verrons plus bas que les indices fournis ne se suffisent pas à eux mêmes et prennent tout leurs intérêts, quant aux fourchettes chronologiques proposées, qu'en comparaison avec les autres données que sont l'hagiotoponymie, l'archéologie et les sources. Le classement proposé est celui de E. Nègre1.

 

 

1. Les noms de formations gauloises. Les noms descriptifs:

 

VERDUN, (Soréze), ancien nom de Berniquaut, formé de « verdunum », « superforteresse ».

 

2. Les noms de formations latines et romanes.

 

Trop souvent difficile à distinguer, E. Nègre les regroupe en tachant dans la mesure du possible de préciser les appartenances. Les formations latines se retrouvent jusqu'au V` siècle et les formations romanes se développent entre les Vè et Xè siècles. Cinq communes se retrouvent dans cette catégorie:

 

Les noms descriptifs:

 

ARFONS, vient de « orbi fontes », sources cachées, nom de formation latine. SOREZE, est un diminutif en « -icinu » du ruisseau du Sor, « le petit Sor », le Sor est un nom de formation gauloise.


 

1 - E. NEGRE, Les noms de lieux du Tarn, Toulouse, 1986, 127 p.

 

Les noms communs:

 

CAHUZAC, vient de « chat-huant », auquel le suffixe « -acus » puis « -ac », d'origine gauloise, a pu être rajouté entre les II' et Ve ou VIe siècles.

 

Les noms de personnes:

 

DOURGNE, pour E. Nègre serait un nom de personne roman suivi du suffixe « - anum », mais il paraîtrait plutôt correspondre à un nom d'origine gauloise « durno » signifiant le « poing », souvent employé dans le sens de « fortin », et suivi du même suffixe.

MASSAGUEL, viendrait de « Massac », « Mattius », « Massus », nom latin suivi d'un diminutif occitan, il est aussi possible que ce soit simplement le diminutif de « mas » en occitan.

 

 

3. Les noms de formations germaniques.

 

Ces noms ne se développent qu'à partir du Ve siècle. Deux toponymes sur le canton sont concernés par ce cas de figure.

 

Le noms de personnes:

 

SOUAL, est « Ansoaldus », nom de personne seul.
      BERNIQUAUT, (Soréze), nom de personne seul, voir: Verdun.

 

 

4. Les noms de formations occitanes.

 

Ils se développent, pour l'occitan médiéval, entre les Xe et XVIe siècles. Ce sont les noms les plus répandus sur le canton, huit toponymes sont concernés.

 

Le relief:

 

BELLESERRE, vient de « la serra », croupe allongée.

MONTMOURE, (Saint­Amancet), « mont du museau », ou alors d'après la mention de 1246 « Montis Mauri » on pourrait peut être y voir le « mont brun -» ou « maure ».

 

Les noms de personnes:

 

LES ESCUDIES, (Arfons), nom de personne au pluriel pour désigner l'ensemble d'une famille.

 

Les habitations:

 

LES CAMMAZES, vient de « capmas », « mas » à d'abord signifié la ferme, puis au moins à partir du XVIIè siècle le hameau, « capmas » est à prendre au sens de ferme principale au singulier, qui au masculin pluriel donne les Cammazes.

DURFORT, signifie le château « dur » et « fort ».

LAGARDIOLLE, vient aussi de fort ou poste de garde.

L'ESTAP, (Soual), vient de relais, étape.

 

La nature du sol:

 

VERDALLE, viendrait de « verdâtre », qui décrit l'environnement du village.

 SOMMAIRE


B. Vocables et hagiotoponymes.

 

L'étude des noms de saints est en général plus fiable et moins aléatoire que la toponymie, toutefois encore ici, ces informations doivent être mises en rapport avec le contexte. S. Campech dresse un tableau récapitulatif 1, je le retranscris ici en l'adaptant au canton de Dourgne.

 

 

 

1 - S. CAMPECH, Occupation du sol au Moyen-âge dans le pays Castrais : synthèse des connaissances bibliographiques, Toulouse II, D.E.A., 1989, pp. 287-290.

       

   

Nbre.

Vocables. Hagio.

Identité du saint

Communes

1

Saint-Alby

évêque - VI`

Durfort

1

Saint-Amans

évêque de Rodez -V`

Saint­Amancet

1

Saint-Antoine

ermite égyptien - IV`

Dourgne

1

Saint-Avit

évêque de Vienne -VI`

Saint-Avit

1

Saint-Barthélémy

apôtre

Saint­Amancet

2

Saint-Etienne

Saint-Estèphe

protomartyr

Durfort

Dourgne

1

Saint-Ferréol

évêque- VI`

martyr -III`

Dourgne

1

Saint-Hippolyte

martyr italien - III`

Dourgne

1

Saint-Jacques

le Majeur, apôtre martyr

le Mineur, martyr - I`

Soréze

2

Saint-Jean

apôtre

Arfons. Massaguel

1

Saint-Jean-Baptiste

précurseur - I`

Verdalle

1

Sainte-Marie-Madeleine

pénitente - Y

Saint­Amancet

2

Saint-Martin

évêque de Tours - IV`

Lagardiolle. Soréze

1

Saint-Michel

archange

Soréze

2

Notre-Dame

mère du Christ - I'

Les Escudiés.

Les Cammazes

2

Saint-Pierre

apôtre

Belleserre. Dourgne

2

Saint-Sernin

évêque de Toulouse

martyr - III`

Lagardiolle

Soual

1

Sainte-Sigolène

abbesse albigeoise -VII`

Soual

1

Saint­Stapin

évêque ? -VII` ?

Dourgne

1

Saint-Valentin

martyr italien - III`

Saint-Avit

1

Saint-Vincent

martyr espagnol - IV`

Cahuzac

 

 

 

 

On sait que les plus anciennes dédicaces des églises ont été choisis parmi les premiers saints, personnages des écritures et martyrs. Mais sans toutefois que ce soit systématique, les cultes de Saint-Jacques et Marie-Madeleine par exemple, ne remontent pas au delà du XIe siècle. Selon M. Aubrun, la période de dévotion de leur culte se situe entre les IV' et VIII' siècles. Pour saint Etienne la fourchette chronologique peut être resserrée, son culte est particulièrement intense entre les Ve et VI' siècles. Saint Pierre, quant à lui, reste populaire jusqu'aux Xe et XI` siècles. Les vocables à la Vierge ne sont pas non plus des critères de datation très fiables, son culte se développe dés le Ve siècle et perdure jusqu'à nos jours. Les mêmes réserves sont à émettre pour saint Jean-Baptiste, vénéré depuis les premiers temps du christianisme mais remis à la mode au temps des croisades1.

 

Les martyrs semblent des critères de datation plus fiables. M. Roblin pour l'Oise, arrive à resserrer la chronologie. Pour les premiers d'origine orientale et italienne, il donne un terminus post quem du VI' siècle. A partir du VII' et jusqu'au VIII' siècle, se sont les martyrs gaulois à l'historicité douteuse qui prennent le relais, favorisés par les confesseurs mérovingiens2.

 

Pour résumer, on peut dire que les vocables mérovingiens sont ceux des saints des écritures et des martyrs, et les vocables carolingiens correspondent aux évêques3.

Paradoxalement, compte tenu du patrimoine bâti, on constate une majorité d'hagiotoponymes et d'églises à vocables anciens, ce qui sous entend une christianisation assez haute. Toutefois l'étude des noms de saints reste assez aléatoire tant qu'elle n'est pas mise en rapport avec son contexte. Faute dans la plupart des cas de documentation, seul un travail archéologique de terrain pourrait venir compléter ces recherches.

  SOMMAIRE

 

C. Les données archéologiques.

 

La carte archéologique du Tarn4, en plus des informations fournies dans les monographies, vient démontrer une occupation gallo-romaine dans la plupart des communes du canton. Le but de la carte n'étant pas de localiser précisément les vestiges, il est parfois difficile de les mettre directement en rapport avec les sites étudiés.

 

Parmi les toponymes de formations latines, Arfons serait à associer à un autel votif, dédié à « deo Sor », il se serait trouvé au lieu-dit Pré de Landry, aux sources du Sor5. Pour Dourgne, c'est l'oppidum de Saint-Chipoli qui semble avoir connu une occupation du premier âge du fer à l'époque mérovingienne6. Un habitat romain se trouverait dans un champ au nord de la ferme de Saint-Félix7, à environ 850 m au nord du village de Massaguel. A Saint-Avit, dans la parcelle au sud et en contrebas de l'église Saint Valentin, j'ai pu trouver des fragments de tuiles à rebords et des tessons de céramiques gallo-romaines, saint Valentin est un martyr du IIIè siècle. Ici s'arrête la correspondance avec les données archéologiques. Bien sur d'autres sites ont donné des vestiges, ce qui nous montre les limites de l'étude des noms, qu'ils soient de lieux ou de saints. Il n'en est pas moins évident que ces données archéologiques ne sont en rien exhaustives, une prospection de terrain systématique serait révélatrice des richesses de notre sol.

 

Sur la commune de Soual, nom germanique, dans la plaine du Sor, des tuiles à rebords, des monnaies, ainsi qu'un mors de cheval en or massif ont été signalés8. La localisation reste très imprécise, toutefois S. Campech associe la découverte des tuiles à rebords au site de Granier, à 1 km 250 au nord-est de Soual9.

 

Des vestiges romains et gallo-romains sont aussi à associer aux noms de lieux de formations occitanes. Ainsi à Belleserre, au lieu-dit Le Bosc, des moellons et des tuiles à rebords ont été trouvés10 ; saint Pierre est resté populaire jusqu'aux Xe et XIe siècles. Aux Cammazes, près du lac, un « aureus » d'Auguste a été ramassé11 ; les vocables à la Vierge se retrouvent du Ve siècle à nos jours. Un tesson de céramique sigillée est signalé à Durfort, au lieu-dit Saint-Alby12 ; saint Alby est évêque au VIe siècle. A Saint-­Amancet, vocable carolingien, deux amphores ont été trouvées au lieu-dit la Borie-Grande13. Deux pilons d'amphores et des tessons de céramiques gallo-romaines ont été ramassés au lieu-dit En Gourgory, à 1 km 250 à l'est du village de Lagardiolle14; saint Martin quant à lui est évêque de Tours au IV' siècle. A Verdalle une nécropole préhistorique se trouve à la grotte de la Frayssinette, et des tessons de la Tène III auraient été trouvés hors de tout contexte15.

 

En outre, S. Campech signale des fragments de tuiles et des tessons gallo-romains à En-Rivais, dans le champ qui borde à l'ouest la route de Soual16; saint Jean-Baptiste est le patron de tous les baptistères depuis les premiers siècles du christianisme. Même si les toponymes sont de formations occitanes, les différents vocables viennent ici sous entendre une continuité de l'occupation.

 

Afin de fournir des renseignements complémentaires sur le tableau d'occupation des sols (PL.X, XI), on peut noter le déplacement de certains sites, à des périodes qui restent trop souvent incertaines en raison du manque de données archéologiques ou de sources. Le village de Dourgne a été reconstruit sur l'emplacement actuel à partir de 1301. Celui de Durfort vers la moitié du XIVe siècle, l'église Saint-Etienne actuelle, en revanche ne doit pas remonter au-delà du XVe siècle. Le toponyme de Massaguel est cité pour la première fois en 115217, le château, quant à lui, n'apparaît que dans une mention indirecte, en 1226, où ce sont les seigneurs de Massaguel qui sont nommés18. Ce qui faitdire à S. Campech que l'on pourrait voir alors le village primitif sur le site de Contrast, au sud-est de Massaguel, sur les hauteurs immédiates19.


     Saint­Amancet est peut-être dans
le même cas, avec le site de hauteur de Saint-Barthélémy. Hagiotoponyme qui est aussi le vocable de l'actuelle église, c'est le seul rapprochement que l'on puisse faire en l'état actuel des connaissances. Rien ne vient le confirmer et de plus S. Campech émet prudemment l'hypothèse de l'existence d'une motte castrale sur le village actuel20, ce qui supposerait un déplacement plus ancien, ou alors simplement un regroupement de la population auprès de la motte. Quoi qu'il en soit, toujours selon S. Campech, le site pourrait, tout comme le castlar de Durfort, correspondre au Haut Moyen-âge. Le site de Berniquaut, à Soréze, aurait été abandonné définitivement durant la seconde moitié du XIIe siècle au profit du village actuel, auprès de l'abbaye, sur l'emplacement que l'on appelle encore aujourd'hui « vieille ville »21.

 

On constate par ces cinq cas, que les sites de hauteurs ont amorcé un mouvement de descente vers la plaine à partir de la seconde moitié du XII' siècle et jusqu'à la première moitié du XIVe siècle. Il va de soit que pour le déplacement de ces agglomérations aucun château n'a été l'élément fédérateur, ce sont même les anciens sites fortifiés qui ont été désertés. Les églises n'ont pas non plus été mobilisatrices, elles ne se sont même parfois qu'installées ultérieurement comme Saint-Pierre de Dourgne ou Saint-Etienne de Durfort. Elles ont d'ailleurs été bâties en bordure des villages afin de participer aux fortifications.

 

Le seul exemple d'un établissement religieux à l'origine de l'édification d'un village, est celui de l'abbaye bénédictine de Soréze fondée au début du XIe siècle. Village, peut-être attesté dès 1057, date de la première mention de « villa », si toutefois l'on donne à ce terme le sens d'un regroupement de population organisé. Il est dans tous les cas certifié à partir 1120, où est citée pour la première fois l'église paroissiale Saint-Martin, ce qui sous entend bien sa présence.

 

Un autre type de déplacement de la population est celui de Verdalle, plus ancien puisque l'habitat aurait pu abandonner la proximité de l'église pour venir s'installer auprès de la motte, qui se serait trouvée sur le site du village actuel22. En l'absence de sources et de données archéologiques, il est difficile de proposer de datations précises, mais ce type de mouvement se rencontre généralement au XIè siècle et jusqu'à la moitié du XII' siècle.

 

Pour les villages de plaine qui n'auraient pas bougé, je n'ai pas observé de mention de « villa », seules les premières mentions d'églises peuvent laisser supposer un regroupement de la population, ces sites n'étant pas visiblement accompagnés de châteaux. Pour les cas de Belleserre, Cahuzac et Saint-Avit, villages où les églises ont des dédicaces pouvant être assez anciennes, respectivement saint Pierre, saint Vincent et saint Valentin, on pourrait par simples constatations topographiques suggérer la présence de mottes castrales. En effet, ses villages de formes plutôt ovales et élevés sur des serres, auraient très bien pu profité de mottes aménagées sur des sites dominants de la plaine. Saint-Avit semble le cas le plus évident, la croupe de direction est-ouest, est coupée à-peu-près en son tiers par la route nord-sud, allant de Lagardiolle en direction de Soual, qui forme un fossé rappelant ainsi la séparation de la basse cour et du château, à l'extrémité est où le dénivelé est le plus important. Saint-Valentin se serait donc trouvée en bordure sud de la basse cour. Le fait que l'église paroissiale présente des aspects antérieurs au XVe siècle tend à confirmer cette hypothèse.

 

 De plus ces communes aux dimensions assez réduites, correspondant à l’étendue des paroisses, par rapport à celles du piémont apparaissent des découpages qui leur sont postérieures. Nous pourrions nous trouver, tout comme à Montmoure23, dans le cas de créations de paroisses entre le début du XIe siècle et le début du XII' siècle 24. Aucun texte ne vient confirmer, mais surtout contredire ces hypothèses. Lagardiolle possède un château en bordure de village, peut être rappel du château féodal, son saint patron, sa situation topographique et l'étendue de la commune, le font très certainement rentrer dans le même cas de figure. De plus une ancienne église se trouve, avec son cimetière, sur le flan sud de la colline, ce qui pourrait faire penser à une implantation plus tardive de l'actuelle au centre du village. A noter la position stratégique de ces quatre sites, qui de leurs hauteurs forment une ceinture sur la plaine, la communication est d'ailleurs tout à fait possible d'un point à l'autre.

 

Le cas de Soual pourrait être similaire si l'existence d'une motte venait à être confirmée25. Dans ce cas Sainte-Sigolène se trouverait à l'extérieur du premier agrandissement du village, c'est-à dire en bordure de l'enceinte formée par les maisons (PL.LIV). Cela dit la mention de « villa » de la fin du XI' siècle ou du début du XII' siècle, empêche d'y voir un village neuf érigé dans le courant des XIIIe et XIVe siècles, comme Dourgne ou Durfort, où les murs des maisons constituent sa propre défense. Sainte Sigolène, vocable mérovingien, exclue aussi l'hypothèse d'une création récente, et sous entendrait plutôt l'implantation première d'une église, alors peut être centralisatrice d'un habitat, ou simplement, compte tenu de la carte archéologique, confirme une occupation régulière depuis la période gallo-romaine. Soual anthroponyme germanique confirme cette idée. L'habitat implanté depuis longtemps aurait donc évolué, de la motte, au regroupement d'habitations formant remparts dans le style des bastides26 et se serait ensuite agrandi en repoussant les enceintes comme essaie de le représenter M. Gourdou (PL.LV).

 

Après le piémont et la plaine, Saint-Jacques de Besaucelle est le seul exemple concernant la montagne où un site fortifié pourrait être mis en rapport avec l'église. Le cadastre (PL.XLIX-b) présente en effet un parcellaire rappelant les mottes de plaine, auprès de laquelle un habitat semble être venu se grouper. Doit-on associer ce site à celui de Saint-Jacques pourtant situé à 1 km au sud-est. Nous avons vu que ce vocable ne remonte généralement pas au-delà du XIe siècle, associer à une motte, cela ramènerait la fondation de l'église entre le début du XI' siècle et le début du XIIe siècle. Ces dates semblent pouvoir être confirmées par la technique de construction employée, qui bien que préromane se rencontre aussi plus tardivement27. Mais il s'agit là, du seul rapprochement que l'on puisse faire.

 

Le peu d'églises, encore debout, remontant au-delà du XVe siècle ne doit pas faire oublier la présence d'édifices antérieurs, dont Saint-Jacques de Besaucelle, en ruine, est un des rares vestiges encore apparent. Le canton compte au moins quinze édifices disparus, dont neuf seulement sont localisés avec précision (PL.VI). Ces disparitions nous font réaliser l'ampleur des événements qui ont bouleversé la région durant plusieurs siècles et, en conséquence, celle du patrimoine architectural perdu.

 

Très peu de documentation existe, tant sur le plan des textes que des données archéologiques. Certains vocables seulement, lorsqu'ils sont connus, peuvent nous fournir des indications chronologiques28. Les églises citées les plus tôt sont Saint-Michel en 1120, Saint-Pierre de L'Estap en 1122, celles de Berniquaut en 114129, Saint-Chipoli en 1179, celle de Contrast en 1237, Villenouette en 1258 et Saint-Saturnin d'Assoualet en 1267. Saint Hippolyte et saint Sernin sont très populaires à l'époque mérovingienne, les saints Pierre et Michel, eux, le restent jusqu'au XIe siècle et sont donc moins datables.

 

A Saint-Chipoli, Berniquaut et Contrast il s'agit d'édifices liés aux sites de hauteurs fortifiés et abandonnés par la suite. Les autres mentions sont plus récentes et ne servent en fait qu'à attester de l'existence des églises à une époque donnée mais à des dates trop peu révélatrices (pas avant le XVIIe siècle). Cependant la plupart de celles-ci, ont aussi des vocables que l'on peut qualifier de mérovingiens, comme Saint-Estèphe (Etienne) à Dourgne, Saint-Félix à Massaguel et Saint-Sernin d'Assoualet.

 

Aux vues de la carte (PL.VI) on constate que ces églises semblent se regrouper autour de pôles que sont Soréze, Dourgne, et Soual. Ces concentrations sont difficilement interprétables, d'autant plus que ces agglomérations possèdent toutes une église paroissiale.

 

   

1 - S. CAMPECH, op. cit., pp. 287,290.

2 - M. ROBLIN, Le terroir de l'Oise aux époques gallo-romaine et franque : peuplement

défrichement, environnement, Paris, 1978, pp. 181-196, dans: S. CAMPECH, op. cit., p. 289.

3 - S. CAMPECR op. cit., pp. 287,290.

4 - C.A. G.T., pré-inventaire archéologique publié sous la direction de Michel Provost, Candé; 1995.

5 - C.A. G.T., commune 16, p. 73.
6 - C.A. G_T., com. 81, p. 121.
7 - C.A.G.T.,
com. 160, p. 159.

8- C.A. G.T., com. 289, p. 246.

9 - S. CAMPECH, Occupation du sol au Moyen Age dans le pays Castrais : synthèse des

conaissances bibliographiques, Toulouse II, D.E.A., 1989, p. 256.

10 - C.A. G.T., commune 27, p. 75.
11 -
C.A. G.T., com. 55, p. 82.
12 -
C.A. G.T., com. 83, p. 121.
13 - C.A.G.T.,
com. 237, p. 234.

14 - Prospection de M. L. Escande en 1988. Information C.E.RA.C.
15 - C.A.G_T., com. 312, p. 250.

16 - S. CAMPECH, L'occupation du sol du piémont nord de la Montagne Noire, au Moyen Age,

Toulouse II, maîtrise, 1988, p. 149.

17 - Contrat de mariage entre Pierre de Puylaurens et Dias de Faberzan, « illum mansus de

Macaguel », H.G.L, T. V, col. 1150.

18 - J. FABRE de MASSAGUEL, « Le château de Massaguel », dans, RD.T, n° 80, hiver 1975, pp.

19 - S. CAMPECH, op. cit., p. 86.

20 - S. CAMPECH, op. cit., pp. 106-107.

21 - N. POUSTHOMIS-DALLE, « L'église paroissiale Saint-Martin de Soréze », dans, Archéologie

du midi médiéval, 1987, T. V, p. 119.
22 - S. CAMPECH, op. cit., pp. 146-149.

23- Commune rattachée à Saint­Amancet en 1824.

24 - M. Aubrun, défini les paroisses fondées entre 950 et 1100 ainsi, « La nouvelle paroisse est petite, voire minuscule, ses limites sont le plus souvent artificielles et son territoire est découpé comme à l'emporte-pièce dans le tissu paroissial préexistant », dans, M. AUBRUN, La paroisse en France des origines au XV° siècle, Paris, 1986, p. 75.

25 - Simple hypothèse développée p. , mais aucun texte ne vient la confirmer.

26 - Confirmé par la présence de fortifications percées de meurtrières, dans la maison dite de la tour (PL.L[V) (fig.116,117).

27 - Voir p. 58.

28- Voir plus haut l'étude des vocables et hagiotoponymes.

29 - « et exeptis fiarnis ipsis ecclesiis et localibus mansionwn quas praedictus abbas », don du vicomte de Béziers de sa part du château de berniquaut à Pierre-Guilhaume et ses fils, ainsi qu'à Jourdain et son frère Bertrand, membres de la famille des seigneurs de Roquefort, dans, H.G.L.,

T. V, col. 1046