Société d'Histoire de Revel Saint-Ferréol                          -                                      Cahier d'Histoire de Revel  N°  20      pp 35-44

 

Mathieu-Guillaume-Thérèse Villenave
Un Saint-Félicien  oublié …

par Jean Paul Calvet

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RETOUR CAHIER DE L'HISTOIRE N°20

Villenave est surtout connu par le fait qu'il est un homme de lettres distingué.
Il est aussi journaliste, avocat, bibliophile et a une grande passion, celle de collectionner les autographes et documents rares. Il aura aussi été abbé puis homme politique plongé dans les soubresauts de la Révolution.
La période d'instabilité de la Révolution française aura été pour lui une grande opportunité pour récupérer de nombreux documents parfois exceptionnels.
Nous l'avions découvert,  il y a plusieurs années, par un texte qui concerne « Une exploration à la grotte du Calel en 1783 ». La curiosité et notre démarche d'historien nous en a appris beaucoup plus sur sa vie mouvementée.

Mathieu-Guillaume-Thérèse Villenave est né le 13 avril 1762 à Saint-Félix de Lauragais 1 d'une vieille famille de protestants convertis et solidement apparentés (son père Antoine était docteur en médecine). Sa mère  Catherine née David était de la maison des Séverac de Saint-Félix.
Son oncle, Pierre Villenave était chanoine du chapitre de Saint-Félix, il intégra le 15 janvier 1789 la nouvelle organisation municipale comme quatrième consul.

Un deuxième oncle (Villenave – Larrivière) fut même élu maire de St-Félix après destitution « manu-militari » le 1er novembre 1789  du Conseil politique en place 2 .

En juin 1794, « la citoyenne » Christine Villenave (lien de parenté non retrouvé) était institutrice des « enfants femelles » de Saint-Félix. La société l'engageait vivement de leur faire des cours le jour de repos,  « le décadi » ….

Mathieu-Guillaume-Thérèse est le frère aîné d'autres enfants (cf. registres paroissiaux de St-Félix - archives municipales) :
- Jean-Pierre Villenave né le 3 septembre 1765
- Barthélemy Jacques Villenave né le 7 janvier 1767
- Jeanne Raymonde Villenave née le 10 avril 1768
- Jeanne Jaquette Victoire Villenave née le 17 novembre 1770
- Félicité Villenave née le 6 décembre 1771.

Mathieu-Guillaume-Thérèse Villenave (1762-1846) par Gavarni en 1839

Texte de l'inventaire du
« Catalogue raisonné de  l'Œuvre de Gavarni » :
71 RRR. — M. G. T. VILLENAVE (homme de lettres).
Buste, de 3/4 à D.
Longs cheveux gris bouffants des deux côtés, cravate noire et col droit, ruban de la Légion d'honneur à la boutonnière. — A G. Gavarni, 39. — Claire-voie.
Pièce inédite. = H. 140, L. 130.
Domaine public

- Jean-Antoine Villenave né le17 mars 1774 (il n'aura pas connu son père)

Ses parents destinent Mathieu-Guillaume-Thérèse à l'état ecclésiastique mais son père 3 décède le 29 novembre 1773, alors qu'il n'a que onze ans.
Villenave se montre dès son jeune âge doué pour les lettres. Villenave est alors élevé par son oncle qui lui donnera une solide et brillante instruction…

Il compose à l'âge de  16 ans, en 1778,   un  « Hymne à la mort » (voir la page de garde ci-après publiée).
Il met en introduction de cet hymne l'Ep. 30- 18  de Sénèque (lettres à Lucillius) : «  Mortem ut numquam timeas Semper Cogitas » 4 .
Comme ses parents l'avaient décidé, il devient « l'abbé Villenave » et prend le « petit collet » 5 . A vingt ans il quitte le Languedoc pour n'y plus revenir 6 .Villenave est « lettré, érudit même, plein de feu, d'esprit charmant, de mœurs aimables et de commerce facile, lié avec de nombreux littérateurs à une époque où la littérature était inséparable de la politique et de la philosophie ».

 

 

« Hymne à la mort  composée en 1778
refaite le 4 mars, jour du Mardi-gras, 1783
«  Mortem ut numquam timeas Semper Cogitas ».
(Sénèque epit.30)
J'avais dix-sept ans. J'étais encore au collège quand j'écrivis ce discours à Toulouse.
C'est ma première composition en prose, c'est mon premier pas dans les lettres.
Je viens de le relire, pour la première fois, depuis un demi-siècle, et je n'ai voulu y rien changer.
Paris ce 17 février 1835

Villenave

par M.G.T. Villenave à l'âge de 17 ans.  


En 1783, il s'installe à Paris et devient précepteur des enfants de M. le comte de Pontgibaud. Il achève l'éducation des deux fils du Duc de  Richelieu 7 , des ducs d'Aumont et de Piennes . Il concourut pour le prix de poésie à l'Académie française 8 .

Il va fréquenter les milieux intellectuels de la Capitale et se lie d'amitié avec Madame de Staël 9 .

Le 15 janvier 1789,  il est l'un des signataires de la déclaration demandant que les membres de la municipalité soient «librement nommés par les habitans, responsables et périodiquement destituables, etc., qu'ils jouissent enfin, dans toute leur étendue, de tous les libres droits sur lesquels l'auteur de la nature a fondé leur bonheur ».

On le présentera à la reine Marie-Antoinette mais la Révolution l'empêchera de devenir précepteur du Dauphin …10

 

Villenave vient d'un milieu familial assez libéral et lorsque la Révolution éclate, il la salue mais avec quelques nuances tout de même  11
On notera que le contact avec Madame de Staël l'aura prédisposé aux idées prorévolutionnaires, il va d'ailleurs quitter l'habit ecclésiastique dès le début de la Révolution.

Il prononce d'ailleurs une phrase qui à l'époque a du produire son effet :

 «Le soleil ne doit plus éclairer la République que libre ou déserte. La liberté régnera dans la France, debout, avec vingt-cinq millions d'hommes, ou le despotisme n'y trouvera que le silence de nos tombeaux. »

Il se positionnait aussi en écrivant : «J'embrassai, avec l'ardeur des âmes généreuses, cette grande cause du peuple. »

Au début de la Révolution, il n'est connu que par une Ode en vers sur le dévouement héroïque du duc de Brunswick et par la fondation d'un journal littéraire fin 1789 – «  le Rôdeur français ».

Vers 1792, il accueille l'astronome et homme politique Bailly  12  juste avant que celui-ci ne soit arrêté un peu plus tard à Melun et envoyé à l'échafaud. Il noua aussi quelques relations avec Bertrand Barère, homme important de la Révolution française.
Il va à Nantes en 1792 et rencontre « Miss » Tasset (Jeanne-Marianne), une Française qui avait passé sa jeunesse à Londres; il se marie avec elle.
Ils auront quatre enfants (deux seulement survivront ; Mélanie 13 , poète et romancière, née en 1796 et Théodore, poète né à Nantes en 1798 14 ). Mélanie sera d'ailleurs la maîtresse d'Alexandre Dumas.

Villenave décrit son arrivée et sa vie à Nantes :

« Je me rendis à Nantes, en 92, pour me marier à une anglaise, femme aussi supérieure par le cœur que par l'esprit. Ce mariage me fixa à Nantes, et j'y embrassai la carrière du barreau. J'ai été avocat, ou plutôt défenseur officieux, à Nantes, depuis la fin de 1792 jusqu'après le Consulat. Ma première cause fut un triomphe ; je fus depuis heureux dans presque toutes les causes qui se présentèrent, excepté dans la mienne. Arrêté le 9 septembre 1793, je ne devins libre que deux mois après le 9 thermidor. J'avais couru les dangers de mourir du typhus dans les prisons de Nantes, d'être fusillé à Ancenis, noyé à Angers, guillotiné à Paris, où j'eus des conclusions à mort, et où le jugement des 132 Nantais, qui fut imprimé et qui commence par moi, me déclare atteint et convaincu d'avoir conspiré contre l'unité et l'indivisibilité de la république, avec ce raisonnement singulier : « Mais, attendu qu'il ne l'a pas fait avec des intentions contre-révolutionnaires, déclare qu'il est acquitté et mis en liberté. »
Je retournai à Nantes en l'an III; j'y défendis Charette, le général Montbrun, gouverneur de Saint-Domingue, tous les émigrés,  tous les prêtres mis en jugement. Je ne demandais rien et je fus  mal payé. A me voir plaider tant de causes majeures, toute la ville et ma famille même croyaient que je gagnais annuellement des sommes considérables, tandis que j'avais bien de la peine à recevoir un millier d'écus par an. L'ingratitude de tant de nobles clients, qui m'embrassaient, qui pleuraient même de joie d'avoir  conservé par mes soins leur vie et leur fortune, me dégoûta. Lorsque l'établissement de l'Université régla l'ordre du barreau, je négligeai de prendre mes degrés. J'eus peut-être tort. A la fin de l'année 1803, je vins me fixer à Paris, et je me logeai rue Saint-Victor, à un cinquième étage, dans l'appartement du poète Delille. J'embrassai avec ardeur la carrière du savant et de l'homme de lettres. 15»

Dès les premiers jours de 1793 Villenave devient membre de la société « Vincent-la-Montagne » 16 et à ce titre reçu trois membres de la Convention désignés pour organiser la défense des côtes du risque d'invasion anglaise (la guerre venait d'être déclarée à l'Angleterre).

Villenave fit valoir les titres de civisme de la ville :

« Dites à la Convention que vous avez vu des républicains fiers sans insolence, chauds sans exagération, sages sans modérantisme; des républicains qui n'appartiennent à aucun parti, ralliés à la volonté générale, soumis aux lois, pleins                                                                de respect pour leurs représentants, se confiant sans inquiétude, mais sans aveuglement, dans les autorités qu'ils ont constituées au milieu d'eux. » 

Il avait déjà atteint les hauteurs du patriotisme !
On ressent par la suite de son discours son positionnement face aux massacres des journées de septembre :

« Dites à la Convention que les troubles n'ont point agité notre ville, que le sang de nos frères n'a point souillé nos mains, et que la loi, s'il est des traitres parmi nous, sera le seul ministre de la vengeance populaire. » 

Le 13 mars de la même année, Villenave est au club des Girondins et demande « le tribunal révolutionnaire et l'exécution immédiate des traîtres, la guillotine sur la place »; de plus, « une cour martiale ambulante qui, parcourant le département avec la force armée, jugerait et exécuterait. »

Le 18 mars 1793, il est nommé deuxième-adjoint de Giraud, accusateur public. Il cessa de les remplir le 6 juin 1793 17 .

Le 25 juin 1793, Villenave rédige une adresse aux habitants des autres départements de la Bretagne, pour appeler les forces départementales au secours de Nantes 18 . Le 27, il se met en relation avec la commune de Paimbœuf, dans le même but.

Suite à la bataille de Nantes, les dissensions, les dénonciations, les malentendus prévalent. La « Terreur » est en route.

Le 3 septembre 1793, Villenave fait une oraison funèbre à Nantes dans le local de la Société des Amis de la Liberté et de l'Égalité, puis le 5 du même mois, devant les deux sociétés populaires de la ville.
Cette oraison est dédiée à Louis-Michel Lepeletier, marquis de Saint-Fargeau blessé à mort le 20 janvier 1793 quelques heures après avoir voté pour la mort de Louis XVI.  19. Lepeletier mourra le lendemain matin  vers une heure et demie juste avant la mort de Louis XVI guillotiné vers 10h00 ce matin du 21 janvier sur la place de la Révolution (ancienne place Louis XV, devenue en 1795 la place de la Concorde).

Le 9 septembre 1793,  la situation devient dramatique pour le couple Villenave. Ils sont à leur tour arrêtés 20 .
Madame Villenave est incarcérée au château de Luzancey de triste réputation 21 .

Villenave est accusé d'opinions contre-révolutionnaires. Il fera partie du convoi des 132 nantais envoyés à Paris 22 dont l'arrestation fut résolue le 14 septembre 1794.

A Ancenis, le groupe échappe de justesse à la décision d'être fusillés ; à Angers, c'est à la noyade …
Villenave est malade à Blois (cf. « Relation du voyage … »).
A Paris, il est enfermé d'abord à la Conciergerie puis à la maison Belhomme. C'est à ce moment-là qu'il écrit « Cri du républicain persécuté » 23. Dans son écrit - pour sauver sa tête - Villenave dit comment « il se fit terroriste, et va exagérer sa conduite révolutionnaire à tel point, qu'il désavouera plus tard sa brochure et déclarera qu'il l'avait écrite sous l'influence de la fièvre et de la peur » (cf. « Relation du voyage … »).

Durant cet épisode  « des 132 nantais » un certain nombre de personnes meurent durant le voyage.
Villenave fera partie du groupe des seize Nantais accusés d'avoir adhéré à la « faction liberticide du fédéralisme». On trouve parmi ceux-ci tous les supposés Girondins de Nantes, les deux Sotin, Pecot, sans oublier François Louis Phelippes-Tronjolly (ex-président du Tribunal Révolutionnaire).
Dans le contexte post-thermidorien, l'accusation de fédéralisme demeure d'une extrême gravité; elle peut conduire à la guillotine.
Durant le procès (plaidoyer du 25 frimaire), Villenave s'exprime ainsi :
« Pénétrons nous bien de cette maxime : que le jour ou le sang d'un Français coule sur l'échafaud, est un jour de deuil pour la République 24 . »

Ils auront la chance d'être jugés juste après la chute de Robespierre et seront acquittés par le tribunal 25 .
Libéré, il reprend à Nantes ses activités d'avocat 26 . Il va toutefois défendre quelques membres du Comité Révolutionnaire de Nantes (des modérés certainement) ainsi que la plupart des chefs vendéens, dont le général Charrette en 1796 27.
Villenave après les évènements de la Révolution ne se consacre plus qu'à la littérature.

En l'an III, il publie un poème satirique intitulé « La Jacobinade », puis un traité sur « Les Jurés en l'an IV ».
Il fonde le « Journal de Nantes et du département de la
Loire-Inférieure » en l'an V et le rédigea jusqu'à l'an IX, Il continue ses plaidoyers tout en étant professeur de belles-lettres au « Collège des Amis Réunis ».

Il va notamment se lier avec les esprits libéraux et tout particulièrement avec son compatriote chaurien 28 Coffinières. Il saura garder toute son indépendance de pensée… Il participera à la fondation de la Société de Morale Chrétienne 29 et du Comité de la Paix 30 .
Il écrira de nombreux ouvrages   (voir bibliographie) ainsi que de nombreux articles à la « Bibliographie Michaud » et à « l'Encyclopédie des gens du monde ». Mais il est surtout connu par sa Continuation de l'Histoire de France de Velly 31 et sa belle édition qui est aujourd'hui encore très recherchée des Métamorphoses- d'Ovide 32 .
Il traduit aussi Virgile.
Villenave sera nommé «Historiographe de France » dans «  La feuille nantaise » du 13 vendémiaire, an XI.

En 1803, la nouvelle organisation va exiger des diplômes universitaires que Villenave ne possédait pas, il est obligé d'abandonner le barreau.
Il tente alors de briguer les fonctions de Secrétaire Général de la Préfecture, mais c'est un échec …

A la fin de l'année 1803, Villenave déçu part de Nantes. Il se fixe à Paris dans la rue Saint-Victor, à un cinquième étage, dans l'appartement du poète Jacques Delille.

Il participe à la rédaction de divers journaux pendant l'Empire et la Restauration 33.


Il cultive une grande passion celle de collectionner les autographes et documents rares. Il est amateur de souvenirs littéraires et sa collection va devenir très importante. Il est un des pionniers qui vont propager le goût des collections d'autographes en France.
Villenave profitera de la Révolution pour acquérir à peu de frais cette documentation 34 . Ainsi lors de la prise de la Bastille, il récupèrera de nombreux documents  35 .

Lorsque Villenave quitta Nantes à la fin 1803, avant son départ pour Paris, il fit vendre sa bibliothèque. Le catalogue en fut imprimé chez P.-J. Brun, en floréal, an XI (mai 1803). La vente eut lieu le 19 prairial (8 juin) et les jours suivants.
Il semblerait que toute sa collection ne fut pas dispersée à cette occasion puisque le lundi 25 février 1848 fut un véritable évènement littéraire. La vente de ce qu'il restait de sa collection fut proposée. D'extraordinaires documents changèrent de main comme par exemple l'exemplaire de « Pancirola (Notitia dignitalum) » qui avait été donné en prix à Pierre Corneille au collège des Jésuites de Rouen, en 1620, el le fameux exemplaire de la Constitution de 1793, relié en peau humaine, qui se trouve aujourd'hui au musée Carnavalet.

Sous l'Empire, Villenave « ancien abbé »,  prendra la Direction du « Journal des Curés »( subventionné par le gouvernement de l'époque) et fondera sous la seconde Restauration  le « Mémorial religieux, politique et littéraire » (Mémorial de l'Église gallicane)  devenu « le Courrier français » en 1821., puis les Annales politiques et littéraires qui devinrent « le Courrier », organe des doctrinaires.

En 1815, Villenave est l'un des collaborateurs de «La Quotidienne » (journal royaliste). 
Il reniera la Révolution de 1789, ne voyant dans la révolution que des crimes, dans l'Empire que son despotisme.

La correspondance de Villenave pendant les heures difficiles de la Révolution …

Correspondance n°1

Nous venons d'échapper à quatre jours d'un danger perpétuel, et le plus grand que nous ayons jamais couru. Le 1er prairial, Féraud fut tué à la tribune, comme il allait y monter, à la place que j'y occupais cinq minutes auparavant. Nous sommes restés sous les baïonnettes des assassins depuis midi jusqu'à onze heures du soir. Ma digne femme avait trouvé moyen de se mêler avec les brigands, avec eux elle est entrée. Elle était venue s'asseoir auprès de moi, n'ayant pas l'air de me connaître, et ne pouvant combattre que par son silence les outrages, les imprécations, les menaces de toute espèce qu'on nous prodiguait. Nous sommes restés ainsi jusqu'à onze heures, que de dignes gens vinrent nous délivrer, après que Bergoeing et Kervélégan se furent ouvert un passage avec quelques braves, le sabre à la main. Nous sommes restés jusqu'à onze heures, et à minuit nous devions être massacrés.

Villenave

Correspondance n°2

Correspondance de Jean-Baptiste Louvet de Couvray, lettre du 5 prairial, An III, à Mathieu-Guillaume-Thérèse Villenave.

Au citoyen Villenave,
rue Vignolle, n°2, cours de la Fédération, à Nantes.

Votre lettre, digne citoyen, m'a péniblement affecté. Ce qui se passe chez vous se passe sur presque tous les points de la République. Il est assez simple que vous soyez réputé terroriste dans Nantes, quand on s'efforce de me donner cette odieuse qualification à Paris. On a longtemps proscrit les républicains sous différents prétextes; il y manquait celui-ci, le plus absurde de tous. Et c'est ainsi qu'ils feront jusqu'au triste jour où il leur sera donné de nous honorer, dans leur fureur, du seul titre qui nous convienne, celui de républicains. En attendant, il faut combattre, et combattre encore: une aussi belle cause ne devrait pas être abandonnée, même après qu'elle serait perdue.
Je voudrais bien vous trouver ici quelque occupation, mais d'abord vous savez qu'il y a foule. Si le mérite passait le premier, peu de gens passeraient avant vous. Malheureusement, c'est l'intrigue qui domine au sein de notre triste République.

Ensuite les denrées sont ici tellement rares et chères que les fonctionnaires publics ne peuvent vivre avec leurs appointements. Je chercherai néanmoins; j'en ai parlé à Lanjuinais, Lanjuinais qui prend à vous un intérêt vif, et m'a promis de saisir la première occasion au Comité de législation.
Donnez-moi de vos nouvelles, je vous prie, et des nouvelles des vôtres. Pardonnez-moi la brièveté des réponses. J'aimerais bien à les faire longue avec vous, si j'étais moins occupé.

Salut et fraternité.
J.-B. LOUVET, du Loiret.
Quintidi prairial an III.

La position  de Villenave pour la monarchie durera  peu de temps. En 1819, il passe dans l'opposition.
Ses écrits se positionnent différemment. En 1829, on le trouve en contact avec Benjamin Constant et Guizot 36 . En 1830, il célèbre « les Trois Journées » 37 .
De 1824 à 1831, Villenave fit à « l'Athénée » des cours d'histoire littéraire de la France 38 , et fut décoré de la Légion d'honneur sous le ministère Salvandy, en février 1839.

Villenave fut aussi :
- Secrétaire général de l'Académie celtique, puis de la Société des Antiquaires de France,
- Président de la Société philotechnique et de la deuxième classe de l'Institut historique,
- Membre du comité grec et du comité de la paix,
- etc.,

Il mourut à Paris (sur certaines biographies on mentionne son décès à Nantes) le 16 mars 1846.

Après sa mort sa collection est dispersée ; une partie a été mise en vente (aux enchères) par sa fille Mélanie en 1865 (voir annexe consacrée à cette collection).

 

ANNEXE 1 : la collection de Villenave

Au XIXème siècle, de nombreuses personnes se passionnent pour les collections d'autographes.
Villenave est un véritable précurseur  dans ce domaine et fait office de pionnier.
Il est considéré comme « une étape essentielle » dans l'engouement pour la collection d'autographes.

Son influence dans ce domaine est reconnu par les plus grands de l'époque, son prestige  est national notamment à cause des témoignages écrits, documents  et quantité impressionnante d'autographes qu'il réunit sous la Révolution.

La page de couverture du catalogue de 1865 (30 pages)
Imprimerie P. Briez - Abbeville  

Les 25, 26 et 27 mai 1822, plus de 550 pièces de sa propre collection sont ainsi  publiées sur un premier catalogue de vente spécialisée 39 . Ces trois journées sont organisées par la Librairie Pluquet.
Villenave en retira peu d'argent, mais il fit office de pionnier  en démarrant ainsi un véritable marché public. L'année suivante (1823), c'est en Angleterre que l'on signale une autre vente importante, celle de la collection Anderson par Sotheby's.
En 1836, Pierre –Jules Fontaine publie  un « Manuel de l'Amateur d'Autographes » de 360 pages.  La collection de M. Villenave est un véritable musée autographique et est en partie décrite dans cet ouvrage ; la collection est exceptionnelle !
Elle se compose d'environ 600 cartons et portefeuilles (remplis de pièces autographes ou authentiques, avec portraits, gravures, livres corrigés par les auteurs, procès pour la canonisation de Saint Vincent-de-Paul, etc … ) et embrasse l'histoire et la littérature 40.
La collection sera malheureusement dispersée après sa mort. Les 17,18 et 19 avril 1865 sa fille mettra une partie de sa collection aux enchères 41 .

ANNEXE 2 : l'œuvre de Villenave – les publications et ses contributions

Villenave a signé ses œuvres de signatures diverses 42 :
•  Abbé de Villenave


•  Citoyen Villenave
•  Villenave Père
•  Laporte aîné (pseudonyme)
•  Nolin (pseudonyme)

On trouve l'indication de ses œuvres avec une notice dans « la France Littéraire » de Quérard (Firmin-Didot 1839) et « la Littérature Française Contemporaine » (de Laroque 1859). Nous avons essayé de compiler les titres de ses principales œuvres :

- « Une exploration au Traouc del Calel en 1783 » par Villenave alors âgé de 21 ans (présenté par Louis de Santi dans la Revue des Pyrénées tome 26 – 1er trimestre 1914). Il s'agit de la description de la descente dans la célèbre grotte du Calel à Sorèze – Tarn. L'article de Villenave avait été publié en 1830 dans « l'Itinéraire descriptif de la France de Vaïsse de Villiers » qui était une sorte de « Guide-Joanne ».
- Ode sur le dévouement héroïque du prince Maximilien-Jules-Léopold de Brunswick, 1786
- Relation du voyage des cent trente-deux Nantais envoyés à Paris, 1794


- La Jacobiniade, poème héroï-comique sur l'horrible catastrophe des Jacobins, 1794
- Vie d'Ovide, contenant des notions historiques et littéraires sur le siècle d'Auguste, 1809
- Les Destins de la France dans les élections de 1815, 1815
- Les deux genres 1834.
- Abélard et Héloïse, 1834.
- Lettres d'Héloïse et Abélard. Traduction nouvelle par le bibliophile Jacob de Pierre Abaillard et Mathieu-Guillaume-Thérèse Villenave (1865).
- De l'Amour, considéré dans tout ce qu'il y a de grand et de beau. Fragment en vers, 1841.
- Extrait d'un poème sur la vie future, 1842.
- Société de la morale chrétienne, 1842.
- Catalogue de Lettres Autographes Rares (1865) de M- G- T. De Villenave.
- Héloïse et Abélard: Lettres de Peter Abelard et Mathieu Guillaume Thérèse Villenave 1834.
- Les Métamorphoses d'Ovide: traduction nouvelle avec le texte latin, suivie d'une analyse de l'explication.
- Le testament de la vieille cousine par Charlotte Smith, G. Mathiot, Mathieu-Guillaume-Thérèse Villenave, Hortense Céré-Barbé (de) - 1816.
- La France Littéraire (ou dictionnaire bibliographique) par Mr. J-M. Quérard; tome X.
- Biographie Universelle de Michaud (volume 43).
- Extrait de la "Séance extraordinaire de la société de la morale Chrétienne - inauguration du buste de M. Villenave." Paris, imprimerie Maulde et Renou, Rue Bailleul, 9-11-1847 cote Ln 27 3307(écrit par sa fille Mélanie Waldor) voir aussi pour l'inauguration du buste de Villenave le samedi 16 janvier 1847 : « Annales de la Société Académique de Nantes » (lettre de Mme Mélanie Waldor) pp. 134 – 135.  Le buste de Mathieu Guillaume Villenave a été sculpté par Duseigneur Jean-Bernard  au salon de 1835.
- Notice historique sur F.-J. Noël, inspecteur général de l'Université, par M. Villenave Éditeur : impr. de Bruneau ((Paris) – 1844 - format : In-8° à 2 col., 8 p
- « Des Jurés et de la conviction intime », par le citoyen Villenave, Mathieu-Guillaume-Thérèse (1762-1846), éditeur : impr. de A.-J. Malassis (Nantes) -1795, format  In-8° , 34 p., fig.
- Le danger des préventions nationales, ou Court exposé de la conduite d'Yves Proust, membre du Comité révolutionnaire de Nantes par Villenave, Mathieu-Guillaume-Thérèse, éditeur : impr. de Guérin (Paris) – 1795, format : 36 p. ; in-8.
- Éloge historique de M. le comte de Lacépède,... par M.-G.-T. Villenave, Mathieu-Guillaume-Thérèse (1762-1846) , éditeur : Fournier-Favreux (Paris) – 1826, format : In-8° , 76 p.
- Notice sur S. Vincent de Paul , par M. Villenave, Mathieu-Guillaume-Thérèse (1762-1846) , éditeur : impr. de E. Duverger ((Paris) – 1843, format : In-8° à 2 col., 4 p.
- Plaidoyer (prononcé le 25 frimaire), dans le procès du Comité révolutionnaire de Nantes ; par le citoyen Villenave, ci-devant adjoint de l'accusateur public, près le tribunal criminel du département de la Loire-Inférieure, l'un des 94 Nantais acquittés le 28 fructidor, éditeur de la « Relation du voyage des 132 Nantais envoyés à Paris », etc... par Villenave, Mathieu-Guillaume-Thérèse (1762-1846) – 1794,  format : 8-95 p. ; in-8.
- Œuvres complètes. Tome 7 / Marmontel ; [par Villenave], auteur : Marmontel, Jean-François (1723-1799) , éditeur : Slatkine reprints (Genève), date d'édition : 1819-1820. Contributeur : Villenave, Mathieu-Guillaume-Thérèse (1762-1846) - éditeur scientifique, format : 7 vol. ; 23 cm
- Œuvres complètes de J.-J. Barthélemy (tome 3) (avec une notice sur la vie et les ouvrages de Barthélemy, par M.-G.-B. Villenave) auteur : Barthélemy, Jean-Jacques  (1716-1795), éditeur : A. Belin (Paris), édition : 1821-1822, contributeur : Villenave, Mathieu-Guillaume-Thérèse (1762-1846). Préfacier, format : 5 vol. (dont 1 atlas) ; in-8.
- Œuvres complètes de Virgile. Tome 2 / traduction nouvelle par MM. Villenave et Charpentier (et Amar, Valentin Parisot, Fée). Auteur : Virgile (70-19 av. J.-C.), éditeur : C.-L.-F. Panckoucke (Paris), date d'édition : 1831-1835, contributeurs : Charpentier, Jean-Pierre (1797-1878) traducteur / Villenave, Mathieu-Guillaume-Thérèse (1762-1846) traducteur/Amar Du Rivier, Jean-Augustin (1765-1837), traducteur / Parisot, Valentin (1800-1861), traducteur / Fée, Antoine Laurent Apollinaire (1789-1874), traducteur.
Langue : Latin. Format : 4 vol. ; 21 cm
- Le « Mercure de France » annotations sur Villenave :
. numéro du 15 août-15 septembre 1927 tome 198, page 148
. numéro du 1 novembre 1931 - tome 232, page 591
. numéro du 15 septembre 1925 – tome182, page 770
- Journal de la Société de la Morale Chrétienne volume 19 – séance du 11 janvier 1841 (Villenave en est le Vice-président et préside cette séance). Cette société agira, entre autre, pour l'abolition de l'esclavage.

   

   


Biographies concernant Villenave
et références bibliographiques

. J-M. Quérard, La France Littéraire (ou dictionnaire bibliographique), tome X
. Michaud, Biographie Universelle, volume 43
- Séance extraordinaire de la société de la morale Chrétienne — inauguration du buste de M. Villenave, Paris, Imprimerie Maulde et Renou, 1847 (cote Ln 27 33078)
. Émile Gabory : historien, poète et auteur dramatique (1872 – 1954) - Liste des 132 Nantais transférés à Paris pendant la Terreur
. Comte Bernardin-Marie de la Guère (ex-noble et chevalier de Saint-Louis) – 1794 - Guillaume-Mathurin-Thérèse  Villenave - biographie dans : « Voyage des 136 Nantais de Nantes à Paris par Angers & Orléans du 20 septembre 1793 au 5 avril 1794
. Evariste Colombel (avocat ancien maire de Nantes)
-1855- VILLENAVE (Nantes 1792 – 1802) . Revue des Provinces de l'Ouest – 2° année – 1854 – 1855. Nantes And Guéraud et Cie imprimerie librairie du  passage Bouchaud (excellente biographie de Villenave).
. « Histoire de Saint-Félix de Caraman » par l'abbé G.B. Morère
. Santi  L. (de) – 1914 – Une exploration au Traouc del Calel en 1783 par Villenave. In Revue des Pyrénées tome XXVI,  1er trimestre 1914, pp.15 - 33 – (une biographie de Villenave est écrite par L. de Santi) édité par Association pyrénéenne, Union des Sociétés savantes du Midi. Revue des Pyrénées et de la France méridionale : organe de l'Association pyrénéenne et de l'Union des sociétés savantes du Midi. 1889-1914.
. Annales de la Société royale académique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure, 1911, série 9 volume 2, p. 212.

   

 

UNE DES PREMIERES PRODUCTIONS LITTERAIRES DE VILLENAVE

« Une exploration au
Traouc del Calel à Soréze » (Tarn)

Cet article de Villenave avait été publié en 1830 dans « l'Itinéraire descriptif de la France de Vaïsse de Villiers » (concerne le récit du Calel par Villenave en 1783 - texte de Louis de Santi)

« L'article que nous donnons ici, une Exploration au Traouc del Calel, est sinon inédit, du moins absolument inconnu, car il n'a été inséré que dans l'Itinéraire descriptif de la France de Vaïsse de Villiers (1830), sorte de Guide-Joanne, que l'établissement des chemins de fer fit rapidement tomber dans l'oubli.
C'est très vraisemblablement la première des productions littéraires de Villenave, et elle se ressent de son inexpérience.
Bon élève de Rousseau et de Buffon, Villenave en imite à la fois l'emphase et la technicité scientifique; il veut évidemment passer pour un naturaliste ou, du moins, pour un écrivain familiarisé avec les questions les plus ardues de la physique, de la géologie et de la minéralogie. Aussi abuse-t-ii des stalactites et des stalagmites et nous donne-t-il à sourire quand il appelle concrémation le fait d'une chauve-souris qui se brûle à sa chandelle, ou quand il nous dit encore que les « richesses », c'est-à-dire les cailloux qu'il a placés dans sa chemise, ont « meurtri sa machine » au passage d'un défilé. Mais il ne faut pas s'arrêter à la forme de ce récit d'un écrivain de vingt ans.
Il faut seulement, à l'époque où les découvertes de Martel ont attaché un intérêt nouveau à la spéléologie, faire voir que déjà au dix-huitième siècle quelques esprits curieux s'y étaient attachés.
Cette notice est d'autant plus précieuse que le Trou du Calel, au voisinage de Sorèze, sur lequel on trouvera quelques renseignements dans l'ouvrage de Clos, est aujourd'hui comblé presque complètement * , et qu'il ne peut plus être exploré que très incomplètement.
Enfin le récif de Villenave a encore le mérite de nous donner sur l'école de Sorèze à la veille de la Révolution quelques renseignements pleins d'intérêt. »
L. de Santi

*  N.D.L.R : la grotte du Calel n'est pas du tout comblée comme cela est écrit dans le texte et ne l'a jamais été !

 


1. A l'époque la ville s'appelait Saint-Félix de Caraman. Les habitants s'appellent les Saint-Féliciens.
Mathieu-Guillaume-Thérèse est baptisé le lendemain 14 avril son parrain est Mathieu Villenave, sa marraine demoiselle Thérèse David (cf. registres paroissiaux de St-Félix de Lauragais – archive municipales).

2. Voir « Histoire de Saint-Félix de Caraman » par l'abbé G.B. Morère page 165 (réimpression de l'édition Privat de 1899 – par l'APAMP – 1991). C'est le 31 janvier 1790, suite au décret du 12 novembre 1789 de l'Assemblée Nationale prescrivant l'élection des nouvelles municipalités, que les « citoyens actifs » de la commune de Saint –Félix s'assemblèrent dans l'église paroissiale pour élire leur maire et Conseil Municipal.

3. Le grand père paternel de Mathieu Thérèse Guillaume s'appellait Mathieu, son père Antoine avait un frère : Barthélemy.

4. «Songez toujours à la mort, pour ne la craindre jamais. » 

5.  Cf. : « Voyage des 136 nantais de Nantes à Paris par Angers & Orléans du 20 septembre 1793 au 5 avril 1794 » par le comte Bernardin-Marie de la Guère ex-noble et chevalier de Saint-Louis. Dans cette publication une biographie est proposée, avec certainement une erreur pour un des prénoms (Mathurin ou lieu de Mathieu …) : Guillaume-Mathurin-Thérèse  Villenave.
Un petit collet désigne un homme d'église car les ecclésiastiques avaient pour habitude de porter un collet plus petit que les bourgeois.

6. Il écrivit : «  Je partis, emportant avec moi les bénédictions de ma mère, un vague souvenir d'une novice du couvent des Saintes-Claires (NDLR : à Castres ? Détruit en 1976 pour faire place à un parking), mon bâton de voyage et une modique somme d'argent. Je laissai derrière moi bien des cœurs attristés, bien des yeux mouillés de larmes; j'avais promis de revenir. Je n'ai jamais revu ni ma mère, ni cette jeune fille, ni mon pays. »

7. Il s'agit de Armand-Emmanuel-Sophie-Septimanie de Vignerot du Plessis, duc de Richelieu. Officier, diplomate et homme politique franco-russe, il sera deuxième président du Conseil des Ministres.

8.  Le 25 août 1783, jour de la Saint-Louis, l'Académie française avait pour la première fois, remis le prix créé par Monsieur le Conseiller de Montyon « pour récompenser tout à la fois l'auteur d'un acte de vertu, homme ou femme, qui ne pouvait être « d'un état au-dessus de la bourgeoisie », choisi s'il se pouvait « dans les derniers rangs de la société » — et le membre de notre Compagnie qui en lirait publiquement l'éloge, « en prose », sans passer un quart d'heure ».

9. Cf. Villenave écrit : «Les belles années de ma jeunesse s'écoulèrent au château de Versailles et au château du duc de Pienne. Là, je voyais souvent Mme de Staël, et, je puis dire que, sans avoir rien fait pour mériter ses bonnes grâces, j'étais accueilli par elle avec toutes sortes de préférences.
Je n'en tirais point alors vanité. J'y ai songé depuis avec reconnaissance. » 

10.   Villenave : « Cependant, la fortune, qui semblait me sourire en toutes choses, avait poussé Mme la duchesse de Polignac à parler de moi à la reine Marie-Antoinette. On pensait à me nommer précepteur du Dauphin. Je fus présenté à la reine. Quelques mois après, la Révolution éclata et me jeta à 27 ans dans la tourmente politique. »

11.  Pour savoir exactement où se situe vraiment Villenave sur le plan politique, il faut déchiffrer ses écrits quand il parle de son arrestation – des dangers – des conclusions.
Il y a souvent une pointe d'ironie voilée contre l'unité et l'indivisibilité de la République, on le verra défendre Charrette, le général Montbrun, ses « nobles clients ».
Il n'est pas prorévolutionnaire en totalité et nourrit des sympathies pour le parti royaliste …
Attiré par le mouvement de liberté, il est certainement contre les exactions qui suivront. Il écrira d'ailleurs en parlant de 1789 :
« Je quittai l'habit clérical, et j'embrassai avec l'ardeur des âmes généreuses cette grande cause du peuple, au nom de laquelle,  plus tard, quelques hommes égarés devaient commettre tant de crimes irréparables. »

12. Bailly  est désigné maire de Paris le 15 juillet 1789 par l'acclamation d'une assemblée hétéroclite d'électeurs des soixante districts et de quelques députés de l'Assemblée nationale. C'est à ce titre qu'il remet la cocarde tricolore au roi lors de la visite que celui-ci rend à l'Hôtel de Ville, le 17 juillet.
Dans sa fonction de maire, il est le chef de la première Commune de Paris, et se trouvera attaqué par Camille Desmoulins et Jean-Paul Marat, pour être trop conservateur.

13.  Pour entrer dans l'intimité des enfants de Villenave et mieux connaître leur œuvre nous conseillons de lire la publication de Louis de Santi et les Mémoires d'Alexandre Dumas … Théodore est l'auteur d'articles littéraires, de poèmes et de pièces  de Théâtre bien connues dans le groupe romantique de 1830. Mélanie est une célébrité plus connue sous le nom de Mélanie Waldor. Elle était devenue la « plus échevelée du romantisme des Jeune-France ».
Article sur Mélanie Waldor le « Mercure de France » du 1 novembre 1931 :
« Compatriote et contemporaine à quelques années près d'Elisa Mercœur, elle naissait à Nantes le 29 juin 1796, de Mathieu-Guillaume-Thérèse Villenave et de Jeanne-Marianne Tasset. A 25 ans, elle épousait à Nantes, le 29 mai 1822, un lieutenant du 13° régiment d'infanterie de ligne en garnison dans la même ville, du nom de François-Joseph Waldor, né à Namur (Belgique), le 30 mars 1789 et naturalisé Français le 12 mars 1817.
Je ne crois pas que ce mariage ait été commandé par un amour mutuel. Toute l'existence militaire du mari se passa dans les fonctions d'officier payeur ou d'habillement. Il ignorait avoir donné à sa femme un nom sonore, retentissant, de belle allure romantique, qui aiderait à sa renommée. Mélanie avait des ambitions littéraires; son mari, de médiocre intelligence, semble-t-il, ne demandait qu'à être bien noté et à satisfaire ses chefs, tandis que sa turbulente compagne s'émancipait chaque jour davantage. Elle s'émancipa tellement qu'Alexandre Dumas lui ayant été présenté en mai ou juin 1827, elle devenait sa maîtresse le 12 septembre de la même année. »
Lire aussi : « Alexandre Dumas : un pour toutes et toutes pour un » par Michel de Decker édition Belfond – 2010.

14. « Il fut l'auteur de nombreux articles littéraires, de poèmes et de pièces de théâtre, parmi lesquelles on peut citer « Walstein », reçue à l'Odéon en 1828  (cf. Morère G.B. – 1899) . Il publia en 1847 une Histoire du Saint-Simonisme.

15.  Cf. Evariste Colombel.

16. A cette époque troublée, il semblerait que dans un premier temps Villenave ait fait partie de la Société des Amis de la Constitution de Nantes (Club de la Halle) qui était la rivale à Nantes de la  Société des amis de la Révolution. Fin 1793, la Société des amis de la Révolution prendra le nom de Vincent-la-Montagne.
Villenave aura certainement été un des transfuges qui ont changé de société…

17. Il y aura eu sous « son ministère » 22 condamnations à mort, 109 acquittements, 81 arrestations provisoires, 34 sursis. 

18. Il s'agit de « La bataille de Nantes » (29 juin 1793).
En effet en tant que port de premier plan, Nantes constitue un enjeu stratégique pour les insurgés et devient rapidement un objectif de premier plan. L'attaque de Nantes a lieu à la fin juin 1793. Villenave (avec Beysser et Baco) soutient fermement l'option de la défense de la ville. Le 27 juin, Nantes est encerclé. Le 29 juin 1793 la ville est attaquée par le nord et par le nord-ouest. La défense de Nantes est dirigée par le général Canclaux, arrivé à Nantes début juin, qui ne dispose au total que de 12 000 soldats face à l'armée vendéenne commandée par Jacques Cathelineau qui dispose de plus de 40 000 insurgés. Malgré leur supériorité numérique, les insurgés les assaillants sont cependant repoussés après des combats opiniâtres et meurtriers.. Sur la rive sud, Charette n'a pas pu faire grand-chose, il se retire vers la Vendée.

19. Le 16 mai 1789, il est élu député de la noblesse de Paris aux États généraux de 1789. D'abord hésitant sur le parti à suivre, il renie en juillet ses origines nobles et devient l'un des avocats les plus ardents de la cause du peuple. Après avoir été un opposant de la peine de mort, il se ravise et, non sans avoir hésité, il vote la mort de Louis XVI le 20 janvier 1793. Le 19 juin 1790, jour de la suppression des titres de noblesse, il fait voter qu'aucun citoyen ne pourra porter d'autre nom que celui de sa famille réduit à sa plus simple portion. Dès le lendemain, Louis-Michel Lepeletier, marquis de Saint-Fargeau, ne signe plus désormais que par Michel Lepeletier. Le 21 juin 1790, il devient président de l'Assemblée nationale constituante.

20.  Ces arrestations font partie de l'origine du complot contre les « modérés » 
Il reste à Nantes un grand nombre de personnes qui ne se plient que de mauvaise grâce aux injonctions de la poignée de sans-culottes maîtres de la ville. Et pour ceux-là justement leur seule présence, à Nantes, en liberté, devient insupportable. L'idée d'attribuer à ces « modérés » un complot vient tout naturellement. Villenave fait partie du « lot ». Du reste, l'alliance de Villenave avec certains hommes; sa démission des fonctions d'accusateur public; ses relations avec Bailly motiva le fait qu'on l'accuse de fédéralisme. Villenave devint suspect.
Dès le mois de mai 1793, Villenave avait été du parti de ceux qui voulaient secouer le joug de la Convention et méconnaître ses pouvoirs.

21.  Ce château est situé sur les bords du fleuve et sert de  « théâtre » aux massacres et noyades de Carrier de 1793 et 1794.

22. Villenave en a fait un récit dans sa « Relation du voyage de cent trente-deux Nantais ». Cette publication obtient immédiatement un grand succès. Sept à huit éditions seront éditées en quinze jours !
Voir aussi : « Le procès des 132 nantais avec une relation inédite de leur voyage à Paris » par le comte de la Guère et des notices biographiques, une préface et des notes par René Kerviler (ouvrage illustré de plusieurs portraits inédits), édité à Vannes par la Librairie Lafolye en 1804.

23. Edité à Paris, Galetti, 10 nivôse, an II.

24. cf. Plaidoyer du procès de Nantes page 95.

25. Le voyage des Nantais à Paris fut long, pénible, douloureux. Partis, de Nantes, au nombre de 132, ils arrivèrent  110 seulement à Paris.
Villenave décrit ses conditions :
« Convalescent, exténué, dans cet état de faiblesse physique morale qui suit d'ordinaire les grandes crises, je fus jeté dans les cachots de la Conciergerie, à Paris; à peine pouvais-je écrire, alors, à une mère infortunée dont mes malheurs ont détruit, sans retour, la santé ; à une épouse captive auprès de l'Entrepôt, non loin de la fatale galiote, et qui, peu touchée de ses dangers, ne s'alarma jamais que sur les miens.»
Mme Villenave, fut rapidement mise en liberté. Elle sollicita énergiquement la mise en liberté de son mari.
Fort heureusement pour Villenave et ses infortunés camarades, il s'écoula un long temps entre l'arrivée à Paris des Nantais et leur mise en jugement. Ce fut là leur salut. Les faits changent vite pendant une révolution. Carrier fut rappelé de sa mission ; Robespierre tomba…
Si les Nantais avaient été traduits devant le tribunal révolutionnaire soit pendant le proconsulat de Carrier, soit pendant la vie du chef de la Montagne, il est plus que probable qu'ils eussent été condamnés à mort et exécutés. Conduits devant les membres du Comité de sûreté générale, après le 9 thermidor, ils furent acquittés, le 14 septembre 1794. Ils n'étaient plus que 94  …
Voir : Armel de Wismes, Nantes et le pays nantais, France-Empire,‎ 1978, 315 p. (ISBN 2-7048-0094-4), p. 171-172

26. D'après L. de Santi, Villenave dans ses plaidoiries aurait rendu un grand service à la ville de Nantes et aux Nantais en portant des actes d'accusations contre le Comité Révolutionnaire nantais et les exactions de Carrier notamment.  Il saura (dans son rôle d'avocat) se préserver de réactions hostiles à son égard en défendant aussi quelques membres du Comité Révolutionnaire de Nantes.

27. Au collège de Sorèze, dans sa jeunesse, il a pu aussi rencontrer l'élève Henri du Vergier, comte de La Rochejaquelein …

28.  Coffinières (Antoine-Siméon-Gabriel), dont la famille était originaire d'Avignonet, était né à Castelnaudary le 5 janvier 1786 ( frère du médecin, Jean-Paul-Auguste Coffinières, et aussi le frère (quoique d'un autre lit) du général Coffinières de Nordeck.
Jurisconsulte distingué, il fut l'un des chefs écoutés du parti libéral, plaida avec autant de talent que de passion dans l'affaire des « Quatre sergents de la Rochelle », et, en 1830, par son influence sur son jeune frère, alors élève de l'École polytechnique, c'est lui certainement qui donna à la Révolution le concours de cette école.
Il est l'auteur de nombreux travaux politiques, littéraires et juridiques. Concernant ses relations avec Villenave, voir le « Journal intime » de ce dernier. (Revue rétrospective, 1894.)
Ses principaux écrits :
- Traité de la liberté individuelle : à l'usage de toutes les classes de citoyens.
- Réponse à la protestation des exécuteurs testamentaires du feu roi Louis-Philippe contre le décret: du 22 janvier...
- Examen du nouveau projet de loi sur la contrainte par corps, présenté à la Chambre des Pairs, le 31 mars 1829
- Éléments de notre organisation gouvernementale, administrative et judiciaire
- ‎Journal des avoués ou recueil général des lois, décrets impériaux, décisions du conseil d'état et des ministres, arrêts et jugements qui fixent un point de la procédure civile, criminelle ou commerciale , tome I au tome X.
- Jurisprudence des cours souveraines sur la procédure.
- Rapport sur le système cellulaire, Paris, Impr. de A. Henry, 1844, 52 p.
- Le Code Napoléon expliqué par les décisions suprêmes de la Cour de cassation et du Conseil d'État.
- Nouvelles observations sur le projet de loi relatif à la presse périodique, considéré dans son ensemble et dans chacun de ses articles

29. La Société de la morale chrétienne fut fondée à l'initiative du duc François Alexandre Frédéric de La Rochefoucauld-Liancourt le 19 novembre 1821. Elle se proposait de mettre en œuvre un évangile actif et utile, dégagé de tout dogme. Les membres étaient donc des militants qui s'engagèrent dans des combats aussi difficiles que l'abolition de la traite des Noirs, l'amélioration des conditions d'incarcération ou bien encore l'aide aux réfugiés. Les membres de la Société, très influents, poussèrent le ministère Laffitte à interdire la traite en 1831.

30. Cf. Villenave par Evariste Colombel – 1855.

31.  L'ouvrage de l'abbé Paul François Velly ( né en1709 – mort en 1759 – cet ouvrage n'a pas été terminé) a été poursuivi après sa mort par deux autres auteurs ; Claude Villaret et Jean-Jacques Garnier, avant de paraître à Paris en 1770. Villenave en assurera au début du XIXème siècle la continuation.
En 1806 Velly, Villaret et Garnier publiaient le 4° tome  de « Observations de l'histoire de France ».
Cf. ouvrage de Velly -  Histoire de France depuis l'établissement de la monarchie jusqu'au règne de Louis XIV, Histoire de France depuis l'établissement de la monarchie jusqu'au règne de Louis XIV.

32. 1807-1822, 4 vol. in-8°, accompagnées de la Vie d'Ovide (1809, in-8°).

33. Notamment les journaux « La Quotidienne » et le « Courrier Français » .
Le « Courrier français » existait déjà du temps de l'Empire : il était dirigé par Cauchois-Lemaire, futur éditeur du « Nain Jaune » sous la Restauration. « Le Courrier français » parut d'abord sous le titre « Annales politiques et littéraires. »
« La Quotidienne » est un journal royaliste créé en 1790 par M. de Coutouly  Villenave en fut le Rédacteur en Chef de 1814 à 1815. Face aux évènements, il cesse de paraître en 1792 puis reparaît en juillet 1794 sous le titre « Le Tableau de Paris » et reprend rapidement son nom. En 1817, Joseph-François Michaud devient rédacteur en chef et le restera jusqu'à sa mort en 1839.
Villenave a fondé, rédigé ou participé à d'autres journaux :
- « Le Rôdeur français », en 1789 (ce journal parut du 22 novembre 1789, au mois de mars 1790. Il comprend 43 numéros .
- Le « Journal de Nantes et du département de la Loire-Inférieure ». Cette publication, commença le 1er messidor an V (19 juin 1797), et fut terminée le 30 prairial an VIII (19 juin 1800)
- Villenave  a, en outre, collaboré à divers journaux du temps,
entre autres à « l'Ami des Lois » de Galetti (1794 et 1795).

34. Son journal fourmille d'anecdotes écrites « au jour le jour » et concernant la récupération des documents. 

35. Cf. Frantz Funck-Brentano, « Légendes et Archives de la Bastille », p. 7, 1898, Librairie Hachette Paris :
« La foule avait envahi l'enceinte du château, les curieux, les lettrés, s'empressaient d'enlever le plus possible de ces documents, où l'on croyait devoir trouver des révélations saisissantes. « On cite le fils d'un magistrat célèbre, écrit Gabriel Brizard, qui en a emporté plein sa voiture. » Villenave, alors âgé de vingt-sept ans, déjà collectionneur, y recolla une riche moisson pour son cabinet, et Beaumar-Moisson pour son cabinet et Beaumarchais, dans une tournée patriotique à l'intérieur de la Bastille conquise, eut soin de recueillir un certain nombre de ces papiers. »

36.  François Pierre Guillaume Guizot est né le 4 octobre 1787 à Nîmes et meurt le 12 septembre 1874. C'est un historien et homme politique français, membre de l'Académie française à partir de 1836, plusieurs fois ministre sous la Monarchie de Juillet, en particulier des Affaires étrangères de 1840 à 1848. Il devient président du Conseil en 1847, peu avant d'être renversé par la révolution de février 1848.

37.  Il s'agit de la révolution de Juillet 1830, à la faveur de laquelle un nouveau régime, la monarchie de Juillet, succède à la Seconde Restauration. Elle se déroula sur trois journées, les 27, 28 et 29 juillet 1830, dites «les  Trois Glorieuses ».

38. Villenave (avec d'autres professeurs) a enseigné l'histoire à « l'Athénée Royal de Paris. Dans l'article de Edgar Newman publié dans « Les Annales historiqus de la Révolution française, n° 222 – 1975 – pp.513 – 535 (« La blouse et la redingote. L'alliance du peuple et de la bourgeoisie à la fin de la restauration ») on peut lire page 523: « Le cours d'histoire du professeur Mathieu-Guillaume-Thérèse Villenave était  plus scandaleux encore, à cause des remarques anticléricales dont il remaillait et des nombreuses « allusions aux affaires politiques du moment, vivement saisies et applaudies par son auditoire ».
Dans une lettre autographe adressée à Eugène de Monglave – secrétaire perpétuel de l'Institut Historique - (mise en vente sur internet et datée du 8 novembre 1834) on mesure la rigueur de Villenave et son souci de précision en histoire :
«Mon cher collègue, c'est aujourd'hui le 8 ; je suis inquiet : je ne reçois pas mon article mis en page, comme je l'ai demandé. Les notes ayant été composées séparément du texte, courent risque de ne pas se trouver toutes en rapport avec lui. Obligez-moi donc de me faire envoyer la mise en page, avec l'invitation d'y joindre mes premières épreuves corrigées afin que je n'aye qu'à vérifier rapidement, et non à tout relire. Je ne donnerai point mon dernier article sur les gaulois pour le n° de décembre. Il faut qu'il y ait place pour tout ce qui est bon utile ou curieux. Veuillez mon cher collègue, me renvoyer les feuillets qui ne sont pas entrés sur les origines celtiques et sur les monuments antiques...

39. Voir aussi : Catalogue de Lettres Autographes Rares (1865) de Mathieu Guillaume Thérèse De Villenave

40. Cf. : page 343 de l'ouvrage de Pierre-Jules Fontaine, l'auteur décrit succinctement de la page 343 à 350 la collection de Villenave. Il termine le paragraphe consacré à Villenave par ces mots :
« Je ne présente ici qu'un léger aperçu : il faudrait un volume pour tout décrire. Le temps d'ailleurs m'a manqué, ou plutôt j'ai craint d'abuser de celui de M. Villenave et de son obligeance bien connue. On regrette, il faut le dire, que l'espace manque à ce riche cabinet : on y trouve, dans l'ordre d'ailleurs bien établi de chaque partie, un entassement qui nuit nécessairement aux recherches rapides, et surtout à l'aspect de l'ensemble qu'aucune autre collection particulière ne pourrait offrir, dans Paris, si celle-ci était disposée dans un local plus convenable. »

41S'y trouvèrent des pièces autographes de Bonaparte, Bossuet, le peintre Lodovico Carracci (Louis Carrache), Catherine de Navarre, Mlle Clairon, Condorcet, Diderot, Fénelon, Henriette de France, Louis XIV, Mirabeau, Primatice, Jean-Jacques Rousseau... etc …
De nombreux fonds d'archives témoignent de la qualité de ses pièces. Encore de nos jours, celles provenant de sa collection sont signalées lors des transactions. Les propres écrits de Villenave, annotations et plaidoiries, se vendent régulièrement sur le marché des manuscrits (Cf. site ARTECOSA).

42.  Cf. le site Wikipédia

 

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