Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol                                        LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE - N°18 - Année 2013

 

 

Barthélémy Félix François Joseph de LAS CASES
(Poudis 1819 - Béziers 1880)
Premier évêque du diocèse de Constantine et d’Hippone (Algérie)

 

Par Christiane Vialelle

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Lien vers un livre de M. Henri Barthés
Monseigneur de Las Cases
- Evêque de Constantine (Algèrie)

Poudis (Tarn) 1819 - Béziers (Herault) 1880 - Sa vie et son oeuvre

Préface de M. le Professeur G. Cholvy

Université Paul Valéry Montpellier

 

 

Le petit village tarnais de Poudis, situé à quelques kilomètres de Puylaurens, peut être fier d’avoir vu naître en 1819, Félix de Las Cases, neveu d’Emmanuel de Las Cases,  célèbre Mémorialiste de Napoléon. Cet homme au destin tourmenté a vécu sa jeunesse dans le Tarn et l’Hérault ; après une formation d’ingénieur à l’Ecole Centrale de Paris, il rejoint ses deux cousins à Chalonnes-sur-Loire (49) pour les seconder dans l’exploitation des mines de charbon. Il s’y marie en 1856 mais un an plus tard,  il perd sa fille et sa femme en l’espace de quinze jours. Il décide alors d’entrer dans les ordres et devient prêtre à Angers en 1861  puis évêque en Algérie en 1867. Après avoir donné sa démission au pape Pie IX à la fin du 1er Concile du Vatican en 1870, il retrouve sa famille à Corneilhan (34). Il y passera la fin de sa vie ; décédé à Béziers en 1880, il repose dans le cimetière de Corneilhan, berceau de sa famille maternelle les Baderon de Thésan.

 

Une famille célèbre

 

La famille de Las Cases, implantée depuis le XVI ème siècle en Languedoc, était installée dans le secteur de Couffinal, près de Revel, depuis le début du XVIIIème siècle. Jean de Las Cases, chevalier seigneur de la Caussade, marié en 1716 à Elisabeth Marque Talon, eut 9 enfants dont 5 décédés en bas âge.  L’un de leurs fils,  François Hyacinthe (1733 -1780), le grand père de Félix, épousa Jeanne de Naves de Ranchin en 1765.
Il était seigneur justicier de Puylaurens, Revel et Palleville et seigneur dominant de la Mothe et Dournes.
Quatre enfants naquirent à Couffinal (31) dans « le château » de Las Cases, en fait une maison de maître, actuellement située sur la commune de Blan (81) : Emmanuel, le 21/6/1766, baptisé à Belleserre qui deviendra le célèbre Mémorialiste de Napoléon, une fille  ondoyée le 31/7/1767, François né le 20/4/1769, le père de Félix et Charlotte née le 12/5/1770 qui décèdera le 23/10/1774.

 

 

Maison natale de son père à Blan (81)
Photo : Bernard Vialelle


 

Le père de François se suicida le 23/7/1780 à Couffinal et sa mère décéda le 7/4/1816 alors que son fils aîné, Emmanuel accompagné lui-même de son propre fils Emmanuel, âgé de 15 ans, était à Ste Hélène avec Napoléon.

Les parents de Félix

Le père de Félix, François Alexandre Jacques Marc, est inscrit sur un tableau comme élève de Sorèze en 1779/1780 sous le nom de « Las Cazes de la Caussade, diocèse de Lavaur ». Il y restera pensionnaire jusqu’en 1783 et sera cadet gentilhomme en 1785 puis  officier au régiment d’Auvergne en 1787, réformé en 1791 à la formation du 17° d’Infanterie, il sera enfin  garde de Monsieur en 1792.
A la Révolution, il émigre en Angleterre avec son frère Emmanuel et rentre en France en 1802 ; abandonnant la carrière des armes, il entre dans l’Administration Préfectorale.
Il se marie le 23/2/1808 à Béziers avec Marie Claire Joséphine de Baderon de St Génies née le 23/5/1779 à Béziers, fille d’une riche famille biterroise.

 


Ecole royale militaire de Sorèze  (81 ) créée en 1776

 

Le couple qui vivait à la métairie d’En Gras à Poudis (81), eut 6 enfants : Alexandrine née à Sorèze le 18/3/1809, Henriette née aussi à Sorèze le 11/11/1810. Sur leurs actes de naissance figure le nom de Jean Antoine Clos, célèbre médecin de Sorèze. 
Leur premier fils, Barthélémy, né en 1813, est décédé l’année suivante sans doute à Figueras (Catalogne).  En effet, Emmanuel de Las Cases avait fait nommer son frère Sous-Préfet de Figueras en  1812.
Le 20/1/1815, Auguste naît aussi à Sorèze. Charlotte, quant à elle, naîtra à Poudis à la métairie d’En Gras le 22/2/1817 ainsi que  Barthélémy Félix François Joseph né le 12/9/1819.

 

 Il fut baptisé le 19 septembre dans l’église de Poudis alors située dans le cimetière et démolie vers 1890. L’actuelle église de Poudis  abrite les fonds baptismaux sur lesquels fut baptisé Félix. Il avait pour parrain son oncle Emmanuel de Las Cases, futur Mémorialiste de Napoléon, qui orientera ses études et le dirigera vers une carrière d’ingénieur et pour marraine sa grand-mère maternelle, Marie Anne Françoise de Bourdeille.

 

 

 

 

 

Maison natale de Félix de Las Cases

 

  

 

 

Métairie d’En Gras à Poudis 1828 – A.D.T

 

En 1812, François accompagne son frère Emmanuel et son neveu en mission en Illyrie.
Après son passage en Catalogne, le père de Félix fut nommé Sous-Préfet à Tournon- sur- Rhône (07).
En 1814, il revint à la vie civile et se consacra à l’exploitation de ses biens à Poudis et à la Chartreuse de Corneilhan (34), propriété de sa femme.

 

La jeunesse de Félix


On ne sait pas grand-chose sur l’enfance et  la jeunesse de Félix de Las Cases. Il fit de brillantes études  au Grand lycée  de Montpellier (actuel Musée Fabre). Quand son père, à 67 ans, décéda à Corneilhan le 5/9/1836, Félix avait 17 ans.

Il désirait faire carrière dans les armes  comme son frère Auguste mais, vu le peu de fortune de sa famille, son oncle Emmanuel, alors à Passy, l’inscrivit  à l’Ecole Centrale des Arts et Manufactures, fondée en 1829 à Paris (devenue Hôtel Salé, actuel musée Picasso).

Il fut sans doute dirigé vers cette voie  par son cousin Emmanuel qui faisait des recherches avec l’ingénieur Jacques Triger dans les mines de charbon en Anjou.
Après des études sérieuses, il obtient le titre d’ingénieur  civil, chimiste. 

 

 

 

Grand Lycée impérial de Montpellier (34)
Inauguré le 3/11/ 1804 - Ancien collège des Jésuites
L’aile de droite et le mur de clôture ont été détruits en 1960

 


Ecole Centrale des Arts et Manufactures
Actuel musée Picasso, Paris IIIème.

 

C’est pendant cette période d’études que ses deux sœurs se marient « au domaine de la Chartreuse » à Corneilhan, en raison de « l’indisposition » de leur mère : Alexandrine, le 25/4/1838, épouse Jean de Mellier de Labarthe, né à Sorèze le 2/7/1806.
Charlotte se marie le 24/1/1841 avec Joachim de Guérau d’Arellano, magistrat d’Espagne, né à Valence le 26/1/1802.

Ces deux couples gèreront le domaine familial en compagnie d’Henriette la troisième sœur de Félix, sans alliance. Le domaine viticole de la Chartreuse à Corneilhan,  accueillit tout au long de sa vie Félix de Las Cases qui venait s’y ressourcer. On peut y voir les murs d’une petite chapelle ainsi qu’une stèle dédiée à St Philippe de Las Cases, franciscain, ancêtre de la famille né en 1597, crucifié à Nagasaki au Japon en septembre 1622, béatifié en 1627 et canonisé en 1862. 

 

 

Domaine de la Chartreuse, Corneilhan (34).
Photo Bernard Vialelle.

 

 

 

 

La Chartreuse de Corneilhan (34) en 1873. coll. part.

 

 

Domaine de la Chartreuse de Corneilhan (34). photo B.Vialelle

 

Le 15/5/1842, l’oncle et parrain de Félix, Emmanuel de Las Cases, le Mémorialiste de Napoléon, décède à Passy,   après avoir assisté au retour des Cendres de Napoléon à Paris, le 15 décembre 1840.
Son fils Emmanuel avait fait  partie du voyage à Sainte-Hélène avec le Prince de Joinville.

 

 

Emmanuel de Las Cases, auteur du "Mémorial de Saint-Hélène" dicté par Napoléon (1766/1842)

 


 

Les mines de charbon de Chalonnes-sur-Loire

 

Félix, diplômé,  travaille d’abord dans l’Aisne comme ingénieur dans une usine puis vient s’installer à St Baudel (18) dans un domaine agricole « Le Moulin d’Orléans » pour y pratiquer de l’agriculture intensive.  Cette exploitation ne réussira pas.
Troublé par cet échec, il  voulut aller travailler en Algérie comme colon pour exploiter des terres. Auguste, son frère ainé, alors sous-intendant militaire en Afrique,  l’accueillit chez lui.
En 1851, son cousin Emmanuel qui était entré dans le capital des mines de St Georges-Châtelaison (aujourd’hui St Georges-sur-Layon) près de Doué-la-Fontaine (49), l’appela près de lui et lui en donna la direction. Ensuite, il le plaça au centre des concessions minières qu’il avait réunies à Chalonnes-sur-Loire en février 1854. A cette époque, Félix, Vicomte de Las Cases,  travaillait  sans doute avec l’ingénieur Jacques Triger qui avait mis au point un appareil à air comprimé pour le percement des puits de mines de charbon, afin d’extraire le minerai qui se trouvait sous le lit de la Loire.

 

 

Mines de charbon de Chalonnes-sur-Loire (49).

 

Depuis 1844, son cousin Barthélémy qui achevait sa carrière dans la Marine, avait rejoint son frère Emmanuel à Chalonnes-sur-Loire.
Les  Las Cases avaient  fait construire, au pied du coteau du Roc, entre Chalonnes et Rochefort,  une maison dite « maison Las Cases » inspirée de celle de Longwood à Sainte-Hélène où Emmanuel,  alors âgé de 15 ans, avait résidé avec son père le Mémorialiste de Napoléon. Barthélémy y demeurera avec sa femme, Isaure Bigot de la Presle native de Neuvy, près de Moulins (03) et leurs 7 enfants.  Félix y habitera,  en compagnie de ses cousins, jusqu’à son mariage.

 

 

Maison des Las Cases à Chalonnes-sur-Loire (49) dite de sainte-Hélène

 

 

Une série de décès

 

Le 21/4/1853 à Paris II°, Auguste, le frère de Félix, se marie avec Cécile Robin née le 12/3/1828 à Nevers. Leur fils Emmanuel nait le 2/4/1854 à Auxerre : c’est l’ancêtre de la seule branche des Las Cases qui perpétue aujourd’hui le nom de la famille, actuels  propriétaires du château de La Baume à Prinsuéjols.
De retour de la guerre de Crimée, Auguste, alors en convalescence à Chalonnes fut victime d’une insolation et mourut d’apoplexie, le 15/11/1854.
Le 25/11/1853, la mère de Félix, décède à St Chinian (34) à l’âge de 74 ans.

 

 

Emmanuel de Las Cases (1800-1854)
Coll. Comtesse G. de Bellescize

 

Barthélémy de Las Cases (1811-1877)

Coll. Comtesse G. de Bellescize

 

 

 

Le 25/6/1854, son cousin Emmanuel épouse, à Passy, Elisabeth Poudret de Sevret, riche héritière, propriétaire du château d’Epiré à Savennières (49). Quinze jours plus tard, Emmanuel, décède à Passy le 8/7/1854 des suites d’une hernie étranglée. Après le décès de son cousin, Félix devient administrateur en second des mines de charbon de la Prée à Chalonnes, dirigées par son autre cousin Barthélémy, frère d’Emmanuel.

 

Félix de Las Cases était-il indécis sur son avenir ou seulement très absorbé par son travail ? Toujours est-il que ce n’est qu’à 37 ans, le 2/12/1856, qu’il  se marie civilement à Chalonnes (49) avec Berthe Virginie Merlet, 20 ans, née à Angers le 2/11/1836, fille d’Henry Merlet,  notaire, riche négociant, propriétaire terrien et époux de Virginie Brichet. Le mariage religieux eut lieu dans la chapelle du château de La Barre, situé au hameau de Villeneuve à Martigné-Briand, devenu monastère Notre Dame de Compassion et habité par des Bénédictines depuis  1961. Il avait fait la connaissance de sa femme à Savennières où la famille de Las Cases se rendait souvent dans les châteaux de Varennes et des Vaults. Après son mariage, il logera dans une maison entourée de jardins,  que  sa belle mère Mme veuve Merlet, avait fait construire pour le couple, en contrebas de l’actuelle  chapelle Ste Barbe des Mines à Chalonnes. Il n’en reste qu’un pan de mur.

 

 

Berthe Merlet (1836-1858) épouse de Félix de Las Cases.
Coll Comtesse G. de Bellescize.  

 

Félix de Las Cases en habit de deuil
Coll Comtesse G. de Bellescize. 
 

 

 

 

Alors que, fatigué, Félix était parti se reposer dans sa famille à Corneilhan, un an après son mariage, sa fille Henriette naît, le 15/12/1857 au château de La Barre à Martigné-Briand (49). Deux semaines plus tard, elle y décède  le 30 décembre. Le 8 janvier 1858, c’est au tour de sa mère de trépasser après une courte maladie. Elle est  inhumée, en robe de mariée avec sa fille en robe de baptême dans ses bras, dans la crypte qui se trouve   sous le chœur de la chapelle Ste Barbe des Mines,  inaugurée en 1860 en mémoire d’Emmanuel de Las Cases. Leur tombeau fut longtemps surmonté d’une mitre léguée par testament par Félix devenu  Mgr de Las Cases, celle-ci est maintenant dans la sacristie de l’église St Maurille de Chalonnes ainsi que ses vêtements sacerdotaux.

 

Félix rentre dans les ordres

 

Félix, si durement frappé par ces malheurs successifs, cherche des conseils à St Chinian (34) auprès de l’abbé Caucanas puis à Sorèze auprès du père dominicain Henri Lacordaire. Il  se tourne enfin  vers le confesseur de sa femme, l’abbé Henri Bernier, chanoine de la cathédrale d’Angers.
Il décide alors de se consacrer à Dieu et  entre finalement au séminaire de Saint-Sulpice à Issy-les-Moulineaux, le 15 mars 1858, pour devenir prêtre.

 

Séminaire Saint Sulpice, Issy-les-Moulineaux  (92).

 

 Cathédrale de Périgueux (24).

 

 

 

Le 30 septembre 1860, la chapelle Sainte Barbe des Mines, érigée en mémoire d’Emmanuel de Las Cases,
à l’initiative de sa veuve Elisabeth  Poudret de Sevret,  est bénite à Chalonnes.

 

Inauguration de la Chapelle Sainte  Barbe des Mines Chalonnes (49)
A gauche, la maison de Félix de Las Cases
L’Illustration 1860 Paris

 

Maison de Félix de Las Cases,  au nord de la chapelle.
Association Ste Barbe des Mines et Corniche Angevine

 

Le 14 juillet 1861, Félix de Las Cases est ordonné grand vicaire honnoraire par Mgr Angebault dans la cathédrale d’Angers. Le lendemain, il dit sa première messe dans la chapelle Ste Barbe. Le 10 décembre, rendant visite à sa famille dans l’Hérault,  il célèbre une messe dans l’église de Corneilhan.
Pendant ses études au séminaire, Félix de Las Cases était devenu le confident de son professeur de dogme, l’abbé Charles Baudry, un angevin, né à Montigné-sur-Moine (49),   devenu évêque de Périgueux en 1861.
La santé de ce dernier déclinant, il demanda à son élève de venir l’assister. C’est ainsi que l’abbé de Las Cases fut nommé chanoine de la cathédrale de Périgueux et Vicaire Général. Le 28 mars 1863, Mgr Baudry décéda ; Félix rejoignit alors le diocèse d’Angers dont il dépendait.

 

Supérieur au Bon Pasteur d’Angers 1863 - 1866

 

Une nouvelle mission fut alors confiée à l’abbé de Las Cases. La  Mère Marie-Euphrasie Pelletier, devenue en 1832 supérieure du monastère du Bon Pasteur d’Angers qu’elle avait fondé, devint Supérieure Générale de l’Ordre en 1836. Elle devait être assistée par l’évêque pour les affaires importantes.
Pour ce faire, l’évêque Mgr Angebault avait délégué  un Supérieur Général.  Fin 1862, l’abbé Le Boucher, en conflit avec la Mère Marie-Euphrasie Pelletier, avait démissionné. Début 1863, cette dernière demanda la nomination d’un nouveau supérieur.

 

 

Marie-Euphrasie Pelletier
(1796 Noirmoutier – 1868 Angers).

 

Notre-Dame de Charité du Bon-Pasteur d’Angers (1835).

 

 

Le 9 août, ce fut l’abbé Félix de Las Cases qui fut nommé successeur. Il était fort apprécié : « C’est un homme de cœur, d’un excellent jugement, d’une excellente éducation et d’un dévouement sans bornes, il donne tout à notre institut et prend intérêt à tous nos monastères » disait la Mère Euphrasie Pelletier dans une lettre adressée à ses religieuses le 13 décembre 1863.

 

 Au début du mois d’août 1865, l’abbé de Las Cases entreprit un voyage pour visiter les monastères de Moulins et de Perpignan.
Il en profita pour assister à l’érection de la statue honorant son oncle, le Mémorialiste,  le 8 octobre à Lavaur (81).

 

A son retour, la mère supérieure qui voulait secouer la tutelle exercée par l’abbé sur l’institut au nom de l’évêque, lui fit des reproches. Le conflit s’envenima. L’abbé de Las Cases, au caractère bouillant, ayant jugé que sa patience était épuisée, présenta sa démission à Mgr Angebault, le 1er juin 1866. Celui-ci en avertit la mère Pelletier, la rendant responsable de l’échec de l’Abbé.

 

 


Le 4 novembre 1866, Mgr Angebault nomma Félix de Las Cases, « desservant » c'est-à-dire curé de  la paroisse de Notre-Dame d’Angers.
Trois mois auparavant, le 3/9/1866, ce dernier avait   célébré le mariage d’Ofrésie, fille de  son cousin Barthélémy, avec Jules des Michels dans la chapelle Ste Barbe des Mines à Chalonnes.

 

 

Eglise Notre-Dame d’Angers (49).

Portrait de Mgr Angebault,
Evêque d’Angers de 1842 à 1869.

 

 

Evêque de Constantine et d’Hippone en Algérie 1867-1870

 

Les relations épistolaires de l’Abbé de Las Cases avec Mgr Maret, évêque de Vannes, lui avaient permis d’entrer en relation avec Mgr Lavigerie, évêque de Nancy. Celui-ci, souhaitant quitter son diocèse, se proposa pour l’archevêché d’Alger. Sachant que l’Empereur Napoléon III n’était pas favorable à sa nomination, il proposa l’Abbé de Las Cases pour occuper le siège du diocèse de Constantine, créé par Pie IX le 25 juillet 1866. Pour obtenir gain de cause, il comptait sur le renom de la famille Las Cases à la cour Impériale. En effet,  Barthélémy de Las Cases, cousin de Félix, était député et chambellan de l’Empereur.

 

 

Mgr Lavigerie (Bayonne 1825- Alger 1892).
 Evêque d’Alger de 1867 à 1892


Monseigneur de Las Cases, évêque de Constantine et  d’Hippone de 1867 à1870. 
 Association  Ste Barbe des Mines et Corniche Angevine (49)

 

Chapelle des Bénédictines du Temple de l’Adoration perpétuelle, actuel hôtel Montesquiou,
20    rue Monsieur, Paris VIIème.

 Anneau épiscopal de Mgr Félix de Las Cases.
Association  Ste Barbe des Mines et Corniche Angevine (49)

 

 

Le 12 janvier 1867, un décret impérial nommait Mgr Lavigerie évêque d’Alger et Mgr de Las Cases premier évêque du diocèse de Constantine. Le 27 mars cette nomination fut approuvée par la commission des évêques à Rome. Le Sacre épiscopal eut lieu le 5 mai 1867 dans la chapelle des Bénédictines du Temple de l’Adoration perpétuelle, actuel Hôtel Montesquiou,  à Paris VII. L’évêque consécrateur était Mgr Lavigerie assisté de Mgr Maret.

 

L’anneau épiscopal de Mgr de Las Cases était constitué d’une améthyste entourée de son alliance et de celle de sa femme décédée. Il fut légué à Jules Merlet,  le frère de sa femme.

 

Le 14 mai, Mgr de Las Cases  prit possession de son siège.  Le 10 juin, il fut reçu à Rome par le pape Pie IX et sollicita le titre épiscopal d’Hippone (devenu Bône et aujourd’hui Annaba) qui fut joint à celui de Constantine. Le 23/9/1867, on accola le nom d’Hippone à celui de Constantine pour rappeler l’antique siège épiscopal de St Augustin au IV° siècle. La cathédrale d’Hippone avait été construite en 1842.

 

Au mois d’août 1867, une épidémie de choléra et une famine touchèrent Constantine, laissant de nombreux orphelins et indigents. Mgr de Las Cases décida de fonder un hôpital et un orphelinat   qu’il mit sous la direction des frères de Sainte Croix du Mans. Il fonda aussi un établissement,  St Augustin et Ste Monique, pour les orphelins.
Le 1er août 1868, il recevra d’ailleurs la croix de Chevalier de la Légion d’Honneur en récompense de son dévouement pour soulager les cholériques.
Il fit entreprendre des travaux dans l’ancienne mosquée Souk el Ghezel, devenue   cathédrale Notre-Dame des Sept Douleurs : réfection de la toiture, installation de stalles dans le chœur, ouverture de fenêtres, décoration du chœur, pose d’un grand orgue, de vitraux, aménagement du parvis. 
Le 8 septembre 1868, l’évêque procéda au baptême de trois cloches fondues à Lyon. L’une d’elle qui sonne un ré et pèse 1430 Kg s’appelle Félix Louis.

 

 

Cathédrale de Constantine, ancienne mosquée

 

Intérieur de la cathédrale de Constantine.

 

 

Il envisagea de faire construire un petit et un grand séminaire, indépendants de ceux d’Alger. Ces projets n’étaient pas soutenus financièrement par Mgr Lavigerie qui gardait une grande partie des subventions ministérielles et des dons faits à l’Algérie, obligeant Mgr de Las Cases à organiser des quêtes en France et à financer ses œuvres avec ses propres deniers.
Des différends de plus en plus fréquents opposaient les deux évêques, Mgr Lavigerie allant jusqu’à interdire à Mgr de Las Cases de porter la barbe alors que lui-même la portait !

 

 

 

Cathédrale d’Hippone (ville devenue Bône puis Annaba).

 

Le premier Concile du Vatican (décembre 1869 - septembre 1870)

 

Désireux d’opérer un grand renouvellement de l’Eglise, le pape Pie IX ouvrit le 1er Concile du Vatican le 8 décembre 1869. Trois courants s’affrontaient parmi les ecclésiastiques : les Ultramontains affirmaient la toute puissance spirituelle du Pape ; les Gallicans, dont se réclamait Mgr de Las Cases, et les Libéraux s’y opposaient. Finalement, le dogme de l’infaillibilité pontificale fut proclamé le 18 juillet 1870.

 

Pie IX (1792/1878)   Pape de 1846 à 1878

Concile Vatican Ià Rome (1869-1870)

 

 

Pendant ce temps, les travaux engagés par l’évêque se poursuivaient à Constantine. Les sommes avancées par l’entrepreneur pour construire les séminaires et les asiles étaient énormes, elles devaient être remboursées en grande partie par des subventions ministérielles à venir. L’évêque, étant à Rome, ne pouvait poursuivre ses quêtes qui finançaient une partie des travaux. Suite à la défaite de Sedan, obligeant Napoléon III à capituler le 2 septembre 1870, un nouveau gouvernement fut mis en place, annulant les promesses de subventions et mettant le diocèse en danger de banqueroute.

 

La démission

 

Très attaché à l’Empire, Mgr de Las Cases apprit avec une grande émotion la chute de l’Empereur.
Fatigué par les visites pastorales en Algérie, les discours, les quêtes, les sermons, les voyages en France pour se procurer des ressources, les querelles incessantes et les tracasseries de l’archevêque d’Alger, les chaleurs de Rome et les travaux du Concile, Mgr de Las Cases finit par avoir de graves ennuis de santé. Son mental étant affecté, il fit une dépression.
Le 22 août, alors qu’il était chez un docteur à Toulouse, il adressa au Pape Pie IX sa démission qui fut acceptée le 29 août 1870.
Mgr Lavigerie fut nommé administrateur apostolique provisoire du diocèse de Constantine en attendant la nomination d’un successeur. Il le resta pendant presque deux années. Il réussit à faire face à la désastreuse situation financière, laissée par Mgr de Las Cases, provoquée par la situation tragique du moment. Les dettes furent acquittées par l’Etat.
Le 22 février 1872, Mgr Robert fut nommé évêque de Constantine et Mgr de Las Cases fut nommé chanoine d’honneur du diocèse de Constantine.

 

Les dix dernières années : la retraite dans l’Hérault

 

Quittant Constantine le 25 octobre 1870, Mgr de Las Cases retourna dans sa propriété de la Chartreuse, à Corneilhan,  qu’il possédait en indivision avec ses sœurs. Malade, ayant probablement de plus contracté le paludisme en Algérie, il n’était même plus capable de lire son bréviaire ni de dire la messe.
Il séjourna à plusieurs reprises à l’abbaye de Fontfroide où il rencontrait le Père Jean. A partir d’avril 1871, il put célébrer à nouveau la messe et en février 1872, il était rétabli. 

 

 

Cathédrale de Montpellier (34).

 

Le Bon Pasteur à Béziers (34) près de l’église St Aphrodise 

Abbaye de Fontfroide (11) et tombeau du père Jean,
dernier abbé cistercien (1815-1895)

 

 

En juin, il fut nommé chanoine évêque de l’abbatiale de Saint-Denis, il perçut alors une pension modeste  qui lui permit de sortir de la gêne financière. Le 8 juillet 1872, eut lieu la consécration de la nouvelle église de Corneilhan,  Mgr de Las Cases y donna la confirmation aux enfants du village.

 

Suite à la démission de Mgr Le Courtier, évêque de Montpellier, il fut nommé le 9 décembre 1873 Vicaire Capitulaire pendant la vacance du siège jusqu’au 19 mars 1874, date à laquelle   Mgr de Rovérié de Cabrières fut sacré évêque, dans la cathédrale de Nîmes et s’installa à la tête du diocèse. Celui-ci, malgré son anti-gallicanisme, rendra hommage à Félix pour sa conduite sage et pastorale à la tête du diocèse.

 

Depuis son retour d’Algérie, Mgr de Las Cases   résidait alternativement au domaine de la Chartreuse ou dans l’établissement du Bon Pasteur à Béziers, situé près de l’église St Aphrodise.
Le 15 août 1877, il bénit la statue de la Vierge de Corneilhan, installée à la place de l’ancien cimetière où reposaient auparavant ses ancêtres maternels. La colonne avait été sculptée par  Malacan.
Il aidait les évêques à administrer la confirmation et continuait à prêcher et à quêter pour recueillir des fonds pour ses fondations à Constantine.

 

 

 

Eglise de Corneilhan (34).
Photo : Claude Brugel

 

  Ayant été sollicité, contre toute attente,  pour se présenter aux élections législatives dans la seconde circonscription de Béziers pour être élu député, il fut battu le  14/10/1877.

 

Le 29/11/1877 à Passy, décédait son cousin Barthélémy avec lequel il avait passé une dizaine d’années de sa vie à Chalonnes-sur-Loire.
En février 1878, il revint à Angers recommander aux Angevins la charité pour ses œuvres en Algérie.

 

Le 26 septembre 1880, alors qu’il prêchait une retraite  à Fontfroide, une fièvre pernicieuse (paludisme)  se déclencha. Il vint à Béziers consulter son docteur, son mal avait empiré.
Assisté dans ses derniers instants par Antoine Delcellier, curé de  Corneilhan, il mourut le 1er octobre, âgé de 61 ans.
Le maire, anticlérical, s’opposa à ses obsèques à Béziers. Il fallut recourir à un stratagème : le corps fut emporté  par la famille dans la nuit du 2 au 3 octobre à la Chartreuse de Corneilhan.
Le cardinal de Cabrières, assisté de 6 évêques, célébra les funérailles le 4 octobre. Accompagné par une foule considérable, Mgr de Las Cases fut inhumé au cimetière de Corneilhan, dans le tombeau de la famille Guérau d’Arellano, son beau-frère.

 

On peut voir, dans l’église de Corneilhan, une vitrine dans laquelle se trouvent sa crosse et sa mitre.
Un buste sculpté par   Jean Malacan  s’y trouve aussi.
Une rue de Corneilhan, située en dessous de l’église, porte son nom depuis 1974.
 

 

Eglise de Corneilhan :
vitrine contenant la crosse et la mitre de Mgr de Las Cases.
photo B. Vialelle

Eglise de Corneilhan :
buste de Mgr de Las Cases par Jean Malacan 1880,
photo Claude Brugel

 

 

 

Tombeau de Mgr de Las Cases, cimetière
de Corneilhan (34), photo B. Vialelle.

Plaque de rue posée à Corneilhan en 1974.
photo B. Vialelle

 

 Les cloches de la cathédrale de Constantine et d’Hippone

 

En 1962, au moment de l’indépendance de l’Algérie, la cathédrale de Constantine dont l’évêque,  Mgr Pinier, était originaire de l’Anjou, redevient mosquée. Les frères Roland, entrepreneurs de travaux publics, font transporter à Orléans, à leurs frais, les 4 énormes cloches de la cathédrale. 
Cette année-là, l’église de Cunault, située entre Angers et Saumur, est en travaux. Le père Louis Boreau, informé de la présence des cloches à Orléans, souhaite les faire installer dans le clocher de l’église.
Grâce à l’aide financière du mécène Mr Lefèvre, leur transport est assuré. Un échafaudage modifié, de 25 tonnes de bois,  accueille les 4 cloches qui pèsent 6580 kg. Le 9 octobre 1966, l’inauguration officielle a lieu en présence de Mgr Pinier et Mgr Mazerat évêque d’Angers. Une médaille fut frappée à cette occasion. Ainsi, un souvenir de Félix de Las Cases carillonne dans la vallée de la Loire en Anjou. 

 

Cloches de la cathédrale de Constantine

  Cloches de la Cathédrale d’Hippone

 

 

Les 4 cloches de la cathédrale d’Hippone  sont, quand à elles, ramenées personnellement par le chanoine Léon d’Agon de la Contrie, ancien curé « pied noir » de la cathédrale de Constantine, et installées en 1964 dans l’église du Sacré-Cœur d’Antibes (06) ainsi qu’un autel en onyx rose de Constantine. C’est l’église du souvenir dédiée aux rapatriés d’Algérie.

 

 

 

Le 26 octobre 1980, une cérémonie du souvenir, présidée par Mgr Louis Boffet, évêque  de Montpellier, fut organisée à Corneilhan pour célébrer le centenaire de la mort de Mgr de Las Cases. De nombreux descendants des anciens diocésains d’Algérie, « pieds noirs » rapatriés du Constantinois,  furent présents et une plaque fut apposée sur son tombeau.

 

 

Plaque apposée par les anciens diocésains de Constantine.
Photo Bernard Vialelle

 

Conclusion

 

« Félix de Las Cases était un vrai languedocien au caractère bien trempé. Sa vie a été pleine de situations très diverses et d’émotions bien contradictoires.
Il contait à merveille et aurait amusé un public des plus moroses. Rapidité de compréhension, invention, richesse des projets ont tenu dans sa vie d’ingénieur, agriculteur, prêtre et évêque une place considérable.
Il entreprenait vite et persuadait ses auditeurs de l’aider dans ses œuvres mais la persévérance lui était difficile et les découragements prématurés ont été la cause de tous ses échecs.

 

Sa bonté de cœur ne peut laisser aucun doute, son désintéressement était certain. Sa foi profonde a été la consolation et la douceur de ses derniers jours».

(Extraits : Cécile Robin, femme de son frère Auguste)

 

Toute sa vie, Félix de Las Cases a œuvré avec zèle pour le bien de ceux qui l’entouraient.

 

 

Blason de Mgr Félix de Las Cases avec sa mitre, sa crosse et  sa devise
SEMPER PARATUS
La Chartreuse de Corneilhan

 

 

Les armoiries de Mgr de Las Cases sont « d’or à la bande d’azur, couronne de marquis, bordure de gueules ».
Sa devise « SEMPER PARATUS : Toujours prêt » a été honorée par cet homme au grand cœur dont le dévouement et la fidélité ont été exemplaires.

 

Sources

 

BARTHES Henri – Monseigneur de Las Cases : sa vie et son œuvre – Université Paul Valéry  - Montpellier 1980  - Préface de Gérard Cholvy, professeur à l’Université de Montpellier
HARANG Jean-Pierre, BOISNARD Jacques, MARTIN François : Gueules Noires au pays du vin blanc,
Les houillères de la corniche angevine - 2004  - Association Sainte Barbe des Mines et Corniche Angevine – Chalonnes-sur-Loire  - www.stebarbe.com
BRUGEL Claude – Association Apatrilhan – Corneilhan (34)  apatrilhan@hotmail.fr
GAUBERT Jean-Pierre – Las Cases L’abeille de Napoléon – Editions Loubatières – 2003
LAS CASES Emmanuel de – Las Cases le Mémorialiste de Napoléon – Fayard – 1959
Archives Départementales du Tarn (cadastre 1828)

 

 

 

Félix Vicomte de Las Cases. AD 49.

 

 

 

 

 

 

 

Remerciements

 

Mr et Mme Ressouche
H.  Barthès – Maire de St Genies de Fontedit (34)
C. Brugel – Association Apatrilhan – Corneilhan (34)
M.P. Martin – Association Ste Barbe des Mines (49)
Mr et Mme Lacombe
Mr et Mme Gabriel de Bellescize
M Gautier et Mme Casanova

 

 

 

Félix de Las Cases (Poudis 1819/ Béziers 1880)
Coll Comtesse G. de Bellescize

 

Un livre de M. Henri Barthés
Monseigneur de Las Cases
- Evêque de Constantine (Algèrie)

Poudis (Tarn) 1819 - Béziers (Herault) 1880 - Sa vie et son oeuvre

Préface de M. le Professeur G. Cholvy

Université Paul Valéry Montpellier

 

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