Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE |
" SUR LA ROUTE DU SEL aux XIème et XVème siEcles "
D’après Jean ODOL
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Au Moyen-âge, il existait un intense trafic de Narbonne en direction de Toulouse, et qui suivait l'antique voie romaine : la voie d'Aquitaine (via aquitania). À l'origine de ce trafic, le sel, produit indispensable à la vie humaine comme à la vie animale, très utilisé à l'époque notamment pour saler la viande de porc.
Le sel venait de Gothie, c'est-à-dire des marais
salants qui se localisaient près de Narbonne, vers Gruissan et Sigean.
Cette région s'appelait au Moyen Age la Gothie et les marchands goths
vendaient leur sel jusqu'à Baziège. Ce terme s'explique par les
souvenirs historiques liés aux Wisigoths qui ont dominé la région
pendant plusieurs siècles. Le Lauragais, jusqu'à Bram, était tombé sous
la domination des Francs, mais au-delà de Carcassonne (dans la cité, il
existe des murailles wisigothiques) à Narbonne, les Wisigoths sont
demeurés plusieurs siècles et ont donné leur nom à la Gothie.
La route du sel
Les Romains s'installent à Narbonne puis à Toulouse en
118 avant Jésus-Christ et l'un de leurs premiers travaux est la
construction d'une route empierrée. Ce sera pour des siècles la seule et
prestigieuse route du Lauragais. Au Moyen Age, on l'appelait « le cami
ferrat », ce que l'on peut traduire par dur comme du fer, une route
solide et utilisable en toute saison. Le tracé correspond en gros à
celui la RN 113 d'aujourd'hui de Toulouse à Castelnaudary, puis elle
passait par Pexiora, Bram, Carcassonne (l'actuelle D33). Des cités se
développent autour de cet axe de communication : Bram (Eburomagus),
Castelnaudary (Sostomagus), Saint Pierre d'Alzonne, Montferrand
(Elusiodunum), Baziège (Badera).
Un marchE à Elusiodunum
Les travaux récents d'un historien concluent que Saint Pierre d'Alzonne
s'appelait, vers l'an 1000, l'Estap, avec un marché au sel . Il s'agit
d'une agglomération aujourd'hui disparue au pied de la colline de
Montferrand où l'on a dégagé des thermes, une basilique paléochrétienne
du IVème siècle et un antique cimetière contenant une quarantaine de
sarcophages.
Le marchE de l'an 1000 à BaziEge.
L'existence d'un tel marché nous est révélée par huit textes
transcrits dans un cartulaire (recueil de chartes) de Saint Sernin de
Toulouse. Parmi ces documents, on relève la charte de donation du marché
de Baziège au monastère Saint Sernin par le seigneur de Caraman, en
1005. Baziège, bien située près d'un gué sur l'Hers, est alors un
carrefour de routes médiévales où aboutissent deux voies romaines dont
l'une correspond à la route de Labège-Montaudran .
D'autres routes vont vers Caraman, Gardouch, Nailloux, la vallée de la
Hize jusqu'à Venerque ou encore la plaine de l'Ariège.
Au cours du Xème siècle, les seigneurs de Caraman sont,
par délégation, investis du pouvoir d'instituer un marché au sel à
l'endroit de leur choix, à condition que cela soit sur la section de
l'ancienne voie romaine entre l'Estap et les murs de Toulouse.
Cette autorisation est très rare à une époque où le pouvoir royal est en
pleine décomposition et où, partout, les seigneurs deviennent
indépendants. En 1005, ce marché est cédé au monastère Saint Sernin.
Le Salinum de
BaziEge
Le Salinum de Baziège se tient d'abord au bord de
la route. Au XIème siècle, des mesures sont prises contre les marchands
goths dont les ânes ont commis des dégâts aux moissons avoisinant la
voie. On peut d'ailleurs se demander pourquoi le transport est effectué
avec des ânes et non avec des chevaux et surtout des mulets. La raison
en est simple : l'âne transporte une charge importante (80 à 100 kg) et
surtout il est très rustique, se nourrissant seulement de l'herbe qui
pousse près de la « via aquitania ». Rustique, mais pas indifférent et
il importe bien sûr de ne pas le tenter avec des cultures plus
appétissantes.
En 1123, il est question d'un salin
(salinum) sur lequel le seigneur Guilhabert de Laurac perçoit des taxes
(la leude) qu'il a augmenté. Le marché se déroule trois jours par
semaine. Puis en 1145, il devient quotidien et il s'installe à
l'intérieur de la ville, le long de la grand rue (la carriera major) et
près d'une porte dans deux bâtiments spécialement affectés au commerce
du sel.
Un marchE
trEs convoitE
Les taxes perçues sur le sel devaient être
d'un très gros rapport ce qui explique les conflits qui éclatent parmi
les bénéficiaires. Ces derniers sont notamment le monastère Saint Sernin
de Toulouse, le seigneur Guillaume de Baziège mais également l'illustre
comte de Toulouse lui-même qui taxe illégalement les revendeurs de sel.
D'après cet épisode, il semble que les marchands goths apportent le sel
puis que des revendeurs procèdent à la redistribution. Le comte
Guillaume IX d'Aquitaine (qui occupe temporairement Toulouse et qui est
aussi le premier troubadour) rétablit une taxe qu'il donne ensuite à son
vassal : Guilhabert de Laurac. Les familles seigneuriales les plus
puissantes de Toulouse et du Lauragais s'intéressent donc à Baziège, ce
qui traduit bien l'importance de transactions devenues quotidiennes.
La route du sel est utilisée jusqu'au
XVIIIème siècle, date à laquelle on perçoit à Baziège des taxes sur le
sel qui traverse la cité. Mais on proteste contre la faiblesse des
revenus car les barques du canal du Midi ont alors accaparé le trafic.
L'époque de la route du sel a contribué à
la définition des tout premiers axes de communication du Lauragais et
constitue donc un des temps forts de notre belle région.
Bibliographie :
Pierre GÉRARD : « Le marché de Baziège » - 1961.
article paru sur Couleur Lauragais N°14 - Juillet/Août 1999