Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol                                       LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE

 

 

 

 

" LE LAURAGAIS, BERCEAU DU CATHARISME OCCITAN - 1167 "

 

par Jean Odol

 

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C'est à Saint Félix, en 1167, que sont nés les quatre évêchés cathares d'Agen, Toulouse, Albi et Carcassonne. Plus tard, en 1226, un cinquième est fondé à Pieusse, près de Limoux.


Le catharisme est une religion européenne hostile à l'église de Rome, qui apparaît vers 950 en Bulgarie sous le nom de bogomilisme. La tradition en attribue la paternité à un prêtre : Bogomil (ami de Dieu).

 

L'hérésie gagne ensuite la Dalmatie et tout particulièrement la Bosnie où le bogomilisme est religion d'État en 1199. Le catharisme est particulièrement développé en Italie du nord (Lombardie) avec six évêchés, en Allemagne dans la vallée moyenne du Rhin, dans la région de Liège, en Flandre, en Bourgogne et en Champagne.

 En Occitanie, l'imprégnation cathare est d'abord précoce avec un premier bûcher à Toulouse en 1022. Mais elle sera aussi tardive puisque le dernier bûcher est élevé en 1329 à Carcassonne.



Le catharisme est une religion chrétienne régie par un livre sacré : l'Évangile selon Saint Jean, un seul sacrement : le consolament, par imposition des mains, et une seule prière : le Pater.

 Les Parfaits sont des sortes de prêtres qui ont reçu le consolament et mènent une vie très austère. Les croyants ne se distinguaient pas du commun peuple. Le catharisme est une religion évangélique, un essai de retour au christianisme des premiers siècles.


UNE PREMIÈRE RELIGION EN OCCITANIE AU XIÈME SIÈCLE

 

En Occitanie, la nouvelle religion apparaît vers l'An 1000 comme une sorte de génération spontanée : de simples individualités qui affirment leur hostilité à l'égard de l'Église catholique et romaine et au culte des reliques et des Saints. Ils rejettent aussi le culte de la croix, la messe et l'Eucharistie. Vers 1030, le prêtre Oldaric prêche contre le culte rendu à la statue de Sainte Foy de Conques.

Le chroniqueur Adémar de Chabannes dénonce l'hérésie dans sa chronique, vers 1018-1022. Le duc d'Aquitaine Guillaume V réunit un concile en 1028 à Charroux, afin d'étudier les moyens propres à combattre ceux qui propageaient l'erreur. En 1049, un concile à Reims signale " que de nouveaux hérétiques surgissent dans toutes les parties de la Gaule ". À Toulouse en 1056, on condamne les hérétiques mais on leur laisse la possibilité de se racheter.

 

 

L'ÉCHEC DE ST BERNARD À VERFEIL - 1145

 

Les progrès de l'hérésie sont rapides au XIIème siècle comme en témoigne l'échec de Saint Bernard dont le voyage à Toulouse, Albi et Verfeil révéla l'ampleur du phénomène.


Bernard de Clairvaux est la figure la plus prestigieuse de la première moitié du XIIème siècle. Il prêche la seconde Croisade et il est le fondateur de l'Ordre de Citeaux. Il vient prêcher dans le Midi. A Verfeil, les fidèles venus l'écouter quittèrent l'église à la suite de la noblesse locale que Bernard avait attaquée pour le soutien qu'elle apportait aux hérétiques. Le peuple s'emporte et l'empêche de parler en faisant un énorme vacarme. Furieux, Bernard quitte les lieux non sans avoir maudit ce castrum en ces mots : " Verfeil, que Dieu te dessèche ".
C'est dans cette phase de développement spectaculaire du catharisme que se place le concile cathare de St Félix en 1167.

 

RASSEMBLEMENT DE SAINT FÉLIX DE 1167

 

Le choix de Saint Félix n'est pas dû au hasard. Deux raisons paraissent justifier pareille localisation ; d'abord, pour assurer la sécurité de l'assemblée cathare sous l'autorité du seigneur du lieu, Guillaume, un personnage des plus puissants dans cette région placée sous la souveraineté du vicomte de Carcassonne (tout à fait acquis au catharisme) et du comte de Toulouse. Une suzeraineté toute théorique car, trente ans plus tard, Jeanne d'Angleterre, épouse de Raimon VI devra faire le siège du castrum des Cassès contre les seigneurs rebelles de Saint Félix.


La deuxième raison est géographique : Saint Félix est à peu près à égale distance de Toulouse, Albi et Carcassonne, une position idéale alors que l'on pouvait craindre quelques difficultés pour le bornage précis des futurs évêchés cathares.

À Saint Félix, voici le texte de la naissance des évêchés cathares d'occitanie : " en l'An 1167 de l'Incarnation du Seigneur, au mois de mai, en ces jours là, l'Eglise de Toulouse amène le Pape (ou père) Nicétas au château de Saint Félix et une grande multitude d'hommes et de femmes de l'Église de Toulouse et des autres églises voisines s'y réunit pour recevoir le consolament que monseigneur le pape Nicétas se mit à conférer.

Ensuite, Robert d'Épernon, évêque de l'Église des français vint avec son conseil ; Marc de Lombardie, de même avec son conseil ; Sicard Cellerier, évêque de l'Église d'Albi vint avec son conseil ; Bernard Cathala vint avec l'église de Carcassonne et le conseil de l'Église d'Agen fut là ".

L'assemblée procéda à la confirmation de l'évêque d'Albi, puis à la création de trois nouveaux évêchés et désigna les nouveaux évêques. Saint Félix est donc bien le berceau du catharisme occitan.

Une charte de bornage est ensuite élaborée. Elle traduit les difficultés pour fixer des limites entre les évêchés de Toulouse et de Carcassonne. Il faut une conciliation entre les deux nouveaux évêques, avec une limite " qui, à partir de Saint Pons, traverse la montagne, entre le château de Cabaret (à Carcassonne) et celui d'Hautpoul, entre Saissac et Verdun (à Toulouse), entre Montréal et Fanjeaux (ce sont les limites anciennes du comté de Lauragais) et ensuite de la sortie du Razès jusqu'à Lérida ". Les évêchés cathares correspondent à peu près aux évêchés catholiques.

 

L'importance historique du rassemblement de Saint Félix est évidente.

Les Actes sont le témoignage d'une religion qui s'organise, se structure dans une sorte de Contre-Église, avec ses évêques et ses évêchés soigneusement bornés. Le catharisme est ainsi devenu en 1167 un phénomène de masse avec la mise en place d'une administration.

 

Référence bibliographique : Jean ODOL, article paru dans Couleur Lauragais N°9 - Février 1999

 

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