Marius AUDOUY (1889-1945)  

 

M.AUDOUY

 

Marius Audouy est né à Revel le 19 juillet 1889.

 

 Après l'école primaire, il poursuit ses études au Collège de Revel (qu'avait fréquenté son compatriote VINCENT_AURIOL).

Comme son père et son grand­ père, il choisit de faire carrière dans l'administration des Postes. Il est nommé au Havre.

 

Mobilisé en août 1914, il participe aux sanglants combats de Douaumont, pendant la bataille de Verdun.

La guerre finie, il travaille à Paris, puis au tri postal de Toulouse.

 Pour des raisons familiales, il démissionne de la Poste pour reprendre un petit commerce créé par sa mère : « Plumes et Duvets », installé rue Saint-Antoine (aujourd'hui rue Marius Audouy).

 Il rejoint ainsi Revel et sa femme, institutrice, épousée en septembre 1918.

Il s'engage alors dans la vie militante, aux côtés de VINCENT_AURIOL et du Parti Socialiste SFIO.

 

Au service de la population

 

À trente ans, le 30 novembre 1919, il est élu conseiller municipal socialiste à Revel.

En mai 1925, il mène la liste SFIO aux élections municipales, mais il est battu par le maire sortant. Il n'en continue pas moins son combat pour ses idées sociales et humanistes.

Au second tour des élections municipales de mai 1929, la liste d'union (regroupant, cette fois, le Bloc de Gauche et le parti radical), conduite par Marius Audouy, obtient 22 élus sur 23. Devenu premier magistrat de la Commune, Marius Audouy va pouvoir réaliser son programme et « défendre les intérêts de la cité par l'union de tous ses enfants ».

 

Il s'attache à venir en aide aux chômeurs par la création d'un bureau de placement (avec des représentants de la Mairie, des Administrations, des employeurs et des salariés) et d'une Caisse de chômage.

 

Il crée le premier service médico-chirurgical à l'Hôpital Roquefort et un dispensaire d'hygiène sociale ; il entreprend la construction des bains-douches municipaux, d'un nouveau stade (avec tribunes et vestiaires), d'un abattoir et d'un marché couvert. Il est aussi à l'origine d'un vaste projet d'adduction d'eau et d'un réseau d'égouts.

 

Arrivé en tête des trois candidats dès le premier tour des élections cantonales d'octobre 1934, il est élu Conseiller Général du Canton de Revel. Il va rester à ce poste jusqu'à la dissolution des institutions républicaines par Pétain en juillet 1940.

 

Cependant, aux élections municipales de mai 1935, une coalition des Radicaux et des modérés bat, au second tour, la liste du Bloc de gauche qui ne recueille que 9 élus sur 23. Marius Audouy reste conseiller municipal pour défendre ses idées et ses projets.

 

 

 

Républicain et patriote

 

Après la défaite de 1940 et les pleins pouvoirs à Pétain, la politique de collaboration se met vite en place avec son cortège funeste de répressions, de dénonciations, de ségrégations et d'exactions contre les patriotes et tous les esprits libres qui rêvent d'une France démocratique, débarrassée des occupants et de leurs complices.

Homme de conviction et patriote sincère, Marius Audouy, à cause de ses convictions, apparaît comme l'ennemi de tous les collaborateurs et des miliciens de Revel. N'étant ni poseur de bombe, ni soldat de l'ombre, ni membre d'un groupe armé de résistance, il est tout de même dénoncé par le chef de la milice de Revel pour « intelligences avec l'ennemi » ; en fait, on lui reproche d'avoir toujours défendu son idéal de liberté et son amour pour la France.

 

Dénoncé pour ses seules opinions politiques et ses principes moraux, il est arrêté par la Gestapo le 28 mars 1944 et conduit à la Prison Saint-Michel de Toulouse.

Isolé et privé de liberté, il y subit des interrogatoires et des sévices.

Raymond Durand, instituteur à Durfort, arrêté le 3 mars 1944, note, que, de sa cellule du deuxième étage, il voit celles du premier et, écrit-il dans ses Mémoires, « à plusieurs reprises, je reconnais Marius Audouy en blouse grise ».

 

Son dernier message

 

Le 28 juin, du camion qui le conduit à la gare, Marius Audouy lance alors, comme une bouteille à la mer, une petite feuille de son carnet. C'est son dernier message :

 

Au recto : TRES IMPORTANT/ TRES IMPORTANT

Au verso : Très important. Prière à la personne qui trouvera ce mot d'aviser Madame Audouy École Revel Hte Garonne que je suis en bonne santé et pars avec un moral excellent vers une destination inconnue. Baisers à tous. AM. Merci d'avance.

 

Un passant trouve ce feuillet, et, sans hésitation, le fait parvenir à Madame Audouy.

 

La destination inconnue est le camp de Royalieu, près de Compiègne, qui sert de gare de triage vers les camps de concentration.

 

Dans l'univers concentrationnaire

 

Le 2 juillet, Marius Audouy fait partie des 2166 détenus entassés dans 22 wagons à bestiaux du fameux « train de la mort », le train 7909, car seuls 1630 rescapés parviennent, dans quel état, trois jours plus tard au camp de concentration de Dachau.

 

Quelques-uns de ses compagnons de déportation évoquent sa vie et ses souffrances au camp (souffrances accrues du fait que ses lunettes ont été brisées lors des interrogatoires).

 

« J'ai connu (M.Audouy.) au camp d'Allach (entre Dachau et Munich) le 1 er septembre (...) Nous étions affectés au Kommando du magasin (de l'usine B.M. W.) ... Votre mari y travaillait assis (...) On lui avait réservé, vu son âge, le moins fatigant des travaux (...) Un requis de Toulouse lui procurait du pain et de la soupe presque chaque jour (...) Il lui a trouvé de bons souliers, des chaussettes et un cache-col (...)

 Le matin, au réveil à 4 heures 30, je prenais votre mari par le bras et le guidais dans la nuit froide et humide pour aller au lavabo, à cent mètres du block (...) Puis venaient le rassemblement et le départ, je lui donnais toujours le bras pour le soutenir car la route à faire (2 km) était difficile et mal éclairée.

 Bien souvent, un camarade du Midi lui prenait l'autre bras (...) En février, fatigué et épuisé, il est entré au block de repos où il est resté une quinzaine (...)

 Fin mars, le kommando du magasin a été réduit et nous nous sommes perdus de vue ».

(P Prieur ISoissons)

 

 Début avril, Marius Audouy, « surpris par un Kapo allemand en train de dormir dans une travée de l'usine (...) est affecté, en raison de son âge, aux jardins de l'usine (...) Nous le voyions péricliter malgré les colis (de la Croix -Rouge). Il partageait les colis - quel socialisme généreux, quel sacerdoce - et se privait pour soulager volontiers un malade ou un affamé slave (...) Nous parlions durant ce simulacre de travail, de souvenirs communs, olfactifs et gustatifs même, de la famille, de la petite patrie, de la grande, (...) de l'épuration, car il savait qui l'avait dénoncé (...) Il ne regrettait rien, il aurait repris la même route face à l'ennemi de l'intérieur, car ce serment au Maréchal, (la dénonciation du milicien de Revel avait indiqué que Marius Audouy avait refusé de prêter serment à Pétain) on ne lui eût jamais arraché, jamais extorqué... » (C.Temerson/Paris)

 

« À cette époque, il revint au camp, et je fus moi-même envoyé à la réparation des voies ferrées et nos relations devinrent plus espacées. J'appris par des camarades que son état de santé devenait mauvais, qu'il souffrait de dysenterie ... Le 26 avril (1945), je le vis encore à l'appel de tous les détenus ; sa maigreur et sa mauvaise mine me peinèrent... » (P.Lecène/Cher)

 

 « Le 27 avril, sûr comme nous tous de la victoire, il a été admis à l'infirmerie.

Hélas, il venait trop tard (...) Je n'oserais affirmer qu'il pesait alors 40 kg (...)

 Il est mort sans souffrance, sans se voir mourir, avec l'espoir qu'en se réveillant, il verrait les Américains... » (G.Ory)

 

En fait, Marius Audouy s'est éteint le 30 avril 1945, le jour même où les Américains libéraient ce camp de la mort.

 

 
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