Société d'Histoire de Revel Saint-Ferréol                          -                                      Cahier d'Histoire de Revel  N°  20      pp 97-108

 

Que reste-t-il de l'immortalité académique ?
Sur les pas de Jean Mistler en Lauragais

en quête de son  « Bout du Monde »

par Jean Pierre Gaubert

 

RETOUR ACCUEIL

 

RETOUR CAHIER D'HISTOIRE N°20

Jean Mistler a revécu le dernier week-end de janvier 2015 à Castelnaudary à l'occasion d'un colloque organisé par l'Association culturelle du Razès. Une façon de marquer la place de l'écrivain dans le Panthéon personnel de  ses amis, désireux de témoigner de sa mémoire. Jean Mistler est sans doute parmi les auteurs qui ont le mieux pénétré cette région chevauchant allègrement  le Tarn et l'Aude riverains de la Haute-Garonne, et dont les écrits et la pensée peuvent être consultés avec profit.
               
Il s'agit ici de terroirs qu'il a approchés et labourés, à sa manière  qui fut aussi celle d'un élu du peuple, avant de nous les révéler dans ses romans ou récits. A travers lui, le Lauragais vient à nous, dépouillé, lavé, originel et profond. Ainsi dans Le Bout du Monde de sa petite enfance qui restera toujours pour ce pays un message de sensible fraternité. Ou encore  dans « La route des Etangs », toute empreinte du souvenir de son camarade du lycée de Carcassonne Joé Bousquet, futur poète qui, frappé par une balle en 1918, supporta, paralysé, trente années de souffrances, en trouvant son ressort dans une vie intérieure particulièrement riche.

Un élève en avance…

Jean Mistler était né le 1er septembre 1897. Albert, son père, d'origine alsacienne, avait choisi la France en 1871. Sa mère, Berthe d'Auriol, appartenait à une vieille famille languedocienne avec armoiries « au figuier chargé d'un auriol d'or », c'est-à-dire un loriot.

   Les armes de la famille d'Auriol.
(Collection particulière)

Sa maison natale se trouvait en plein cœur du village,  à quelques dizaines de mètres de la célèbre Ecole.   disait aussi le Collège,- devenue depuis les années 1993-1994 Abbaye-Ecole gérée par un syndicat mixte.

La commune a, par ailleurs donné le nom de Jean Mistler à une place du village en 1997 à l'occasion du centième anniversaire de sa naissance qui donna lieu à un colloque présidé par Michel Déon et qui se déroula sur trois jours à Sorèze, Revel et Castelnaudary où une plaque fut également posée 9 square Victor-Hugo en souvenir d'une maison où il  habita .au début de sa carrière.

La maison natale de Jean Mistler,place Dom Devic à Sorèze.

Le couple parental était artiste jusqu'au bout des doigts qui pinçaient des cordes de violon (pour son père), ou appuyaient sur des touches de piano (pour sa mère, qui donnait des leçons). L'enfant se souviendra avoir grandi, bercé de quatre heures de musique quotidienne, établissant ainsi avec cet art un lien d'origine filiale qui fera à jamais de lui un mélomane et un connaisseur de premier plan de l'art musical et lyrique où il puisera toujours la paix du réconfort.
               
Il avait trois ans, portait « un costume marin à col Jean Bart », quand il  fut inscrit, a la rentrée de 1900 à l'Ecole de Sorèze « aux sept hectares de parc et aux trois hectares de toits », où son grand père d'Auriol enseignait la musique. On raconte qu'espiègle et sachant déjà lire, il manifesta le désir d'apprendre aussitôt à écrire.  Les Dominicains quittant en 1903 l'Ecole (où ils reviendront ultérieurement), on l'inscrira au collège de Castelnaudary où sa mère, auquel le petit Jean voua toute sa vie un amour quasi exclusif, séparée de son mari, pas fait davantage pour le mariage que pour la paternité, écrira son fils, vivra courageusement de leçons et d'un emploi de professeur à l'école primaire de jeunes filles. Au collège, on finit par convenir de l'avance de plus de deux années qu'il conserva jusqu'à la fin de sa scolarité. On dirait aujourd'hui qu'il était un surdoué.
               
Sa mère et lui revenaient au berceau de Sorèze à Pâques, à Pentecôte et aux grandes vacances. Quand Jean arriva en classe de 4ième, il fut décidé qu'il retournerait pensionnaire à l'Ecole de Sorèze.. Bien qu'indiscipliné, ce qui le priva des grades quasi militaires accordés aux élèves « sainte-nitouches », jugera-t-il, il obtint de nombreux prix dès la première année, et s'imposa à tous. .
                                              
Il comprenait tout, assimilait tout, retenait tout. Il  méprisait la bibliothèque des Collets jaunes (classes de 5ième et 4ième) dont il écrira qu'elle « ne contenait que des sottises », et, parvenant à se faire exempter de promenades pour cause de rhumes et d'engelures, trouvait son bonheur dans l'étude des Collets bleus - les grands - où il dévorait Hugo, Lamartine,  et autres pages choisies de Michelet, Daudet, Flaubert, Maupassant, Mérimée, etc. Les livres seront toujours sa passion.

N'ayant que 13 ans et dix mois au 1er juillet 1911, la demande de dispense de plus de deux ans nécessaire pour affronter le bachot, fut refusée par l'inspecteur d'académie qui demanda si l'on se moquait de lui. Plutôt que de redoubler sur place, on l'inscrivit au lycée de Carcassonne. Il quitta Sorèze avec regret, « sentant mes maîtres tristes de me voir partir sans avoir pu me conduire au bout de mes études ».Il écrira plus tard « qu'à Sorèze la lâcheté et la trahison rapportaient moins que dans la vie… » et il affirmera toujours son horreur du mensonge.

Découverte de l'Aude 

A Carcassonne il lui manquait encore en juin 1912 une année et quelques mois pour se présenter au baccalauréat, et la dispense qu'il obtint ne valut que pour la session d'octobre. Entre temps, sa mère lui offrit un séjour de deux mois à Bamberg afin qu'il améliore sa pratique de la langue germanique.
C'est ainsi qu'il découvrit en Bavière l'œuvre d'Hoffman (1776-1822), la plus illustre figure du romantisme allemand, célèbre pour avoir  transposé « Ondine », œuvre de Friedrich de la Motte Fouqué, en opéra, et qu'il entendit pour la première fois à Bayreuth « Parsifal ». Richard Wagner sera désormais l'un des compositeurs qu'il admirera le plus en regrettant que l'on retienne davantage les sonorités d'ouverture que le reste d'une œuvre, infiniment plus profonde dans l'harmonie de ses nuances.

A son retour, la première partie du baccalauréat obtenue, une seconde année l'attendait au lycée auquel il reconnaîtra devoir une première vraie connaissance des hommes et la découverte virile du  rugby qu'il pratiqua aux postes de demi de mêlée et de troisième ligne. On voit ainsi que le fort en thème savait être également ouvert aux activités physiques qu'il ne méprisait aucunement.
A la rentrée 1913, il intégra à Paris la khâgne du lycée Henri IV où professait Emile Chartier, qui deviendra célèbre sous le pseudonyme d'Alain. L'année suivante éclata la guerre,  « engrenage mû par la fatalité », dira-t-il, qui, très vite, éclaircit les rangs des grands élèves de la rue d'Ulm. Pour Jean Mistler, ces vies fauchées à vingt ans seront le scandale par excellence, expliquant le pacifiste qu'il deviendra et le combat ardent de toute sa vie qui sera, hélas, un combat perdu. Le concours d'entrée à Normale supérieure n'ayant pas eu lieu, il obtint  à la Sorbonne sa licence ès lettres et commença en octobre 1915 sa troisième année de khâgne  en sachant qu'il n'irait pas jusqu'au bout. En effet, il fut incorporé fin décembre 1915 au 9ième d'Artillerie de Castres. « J'avais dix-huit ans, le savoir d'un homme mais l'expérience d'un enfant…. »

Il a tout écrit sur les diverses étapes visant à former un artilleur. Bon élève, comme toujours, il suivit les pelotons successifs de brigadier, puis sous-officier, avant de connaître une première fois le front en juin 1916. Retenu pour une formation d'officier à Fontainebleau, il sera promu sous-lieutenant après l'offensive allemande du 20 février 1918 en direction de  Vitry-le-François. Il connaîtra à nouveau la guerre et tiendra en particulier garnison à Bar-le-Duc « que la sollicitude du président Poincaré avait équipé d'une puissante D.C.A. », et qu'il évoquera longuement dans son roman « Gare de l'Est », cinquante ans plus tard.

Son livre de souvenirs, « Le bout du Monde », apporte sur ces mois de guerre l'éclairage que seul peut donner un grand écrivain qui n'oublie pas, au passage, l'émotion fugace d'un sourire féminin traversant un  monde en folie.

Enfin  sonna le clairon de l'armistice « où la France commença à perdre la paix le lendemain même du jour où elle avait gagné la guerre… » jugera-t-il, observant que dans les promotions de candidats à Normale Sup,  « les morts étaient deux fois plus nombreux que les survivants. » 

Débuts en Europe centrale

Après quatre mois d'occupation en Allemagne  près de Wiesbaden, Jean Mistler put se présenter à la session de rattrapage ouverte aux étudiants mobilisés. Ainsi intégra-t-il en 1919 l'Ecole Normale Supérieure, obtenant dans la foulée, l'agrégation de lettres classiques où il se classa premier.

L'enseignement s'ouvrait devant lui, mais il choisit de postuler au ministère des Affaires étrangères qui le nomma en Hongrie attaché culturel à la légation de France de Budapest. Il eut l'occasion de donner des cours à l'université de Budapest, et de sillonner l'Europe Centrale à laquelle il restera toute sa vie attaché. Ces années seront à l'origine de la publication de ses premières œuvres, dont en particulier ses romans : « Châteaux en Bavière », puis « Ethelka », ainsi qu'une étude concernant les amours à Vienne de Mme de Staël avec un gentilhomme irlandais, Maurice O'Donne, dont il avait eu connaissance grâce à la mise à jour d'une correspondance qui lui fut confiée.

A son retour à  Paris en 1925,  le Quai  d'Orsay lui confia le Service des Œuvres françaises à l'Etranger où il succéda à Paul Morand. La carrière de nature diplomatique qui semblait s'ouvrir devant lui n'eut cependant pas de vraie suite, dès lors que la politique intervint. En effet le même Jean Mistler que son camarade à Henri IV, Marcel Déat, invitait en 1913 à s'intéresser aux questions sociales, et qui répondait : « Moi, je ne m'intéresse qu'à mon examen… »,  se fit remarquer dans l'Aude en diverses occasions, dont des conférences. Sollicité (On cite à ce propos les noms de M.M. Bordenave, Maurette, conseiller général radical de Castelnaudary, Jean Durand, plusieurs fois ministre, etc…),Jean Mister s'inscrira au parti radical-socialiste en 1924.

L'engagement politique

Il faut croire à des débuts remarqués puisque  on raconte qu'André Maginot, ancien ministre de la guerre, venu inaugurer le monument aux morts de Castelnaudary, le mit en cause pour avoir fait profession de foi du devoir d'aider la jeune démocratie allemande de Weimar dans le but (prophétique) d'éviter et ce pays la dérive nationaliste qui suivra.
Des élections ayant lieu en 1925, Jean Mistler demanda un débat public au député sortant Georgin, que vint soutenir Paul Reynaud, chef de file de la droite parlementaire. Georgin refusa le débat.   
Il sera réélu, mais Jean Mistler sera adoubé en décembre 1927 au congrès radical-socialiste de Bram par les frères Sarraut, Albert, le ministre, et Maurice, directeur de la Dépêche. Il devra vaincre les réticences de vieux militants radicaux  laïques, mettant en avant qu'il soit passé par l'Ecole privée de Sorèze, mais sera finalement acclamé par les délégués qu'il a su convaincre : « Mon temps, je vous l'offre. Mon cœur inaccessible à toute ambition personnelle, je vous l'offre… » . C'est lui, désormais, qui gagnera les futurs scrutins.

Il sera élu aux législatives en 1928, à 31 ans, contre Georgin qui s'était désisté au deuxième tour pour le candidat socialiste Rivière afin de « vaincre la dictature sarrautiste », puis réélu député en 1932 et 1936. Entre temps, il accéda en 1931 au Conseil général de l'Aude où il siégea sans discontinuer jusqu'à la fin de sa carrière publique.

La politique exige des qualités basiques quasiment physiques. Le simple fait que Jean Mistler n'ait pas craint d'en affronter les joutes, en dit beaucoup sur sa personnalité où nous le découvrons « carré » au physique, autant que ferme et habile dans son expression et sa conduite.

Jeune député, il intervint, dès son premier mandat, dans plusieurs directions. il réclama le rétablissement du tribunal de Castelnaudary et la révision du tarif douanier  sur les chapeaux de feutre, laine et poils.  Il interpella le gouvernement sur la crise de la viticulture et défendit les victimes des inondations de 1930. Interventions encore à propos des négociations concernant les dettes de guerre, les conventions France-Hongrie, le cas des parents assumant eux-mêmes l'instruction de leurs enfants, la motorisation de la gendarmerie, l'installation de la Maison des Journalistes, l'envoi de livres à l'étranger, la bibliothèque Mazarine,  l'Académie de France à Rome, les commandes de monuments, la décoration des bâtiments publics, l'achat d'œuvres à des artistes vivants, etc…

 

Le virage à droite

Aussi ne doit-on pas s'étonner de le voir accéder à partir de 1932 et jusqu'en 1934, à cinq reprises à des fonctions dans différents cabinets ministériels radicaux, successivement Secrétaire d'Etat, chargé des Beaux-arts à l'Education Nationale, dans des cabinets Herriot (5 mois et demi) et Paul Boncourt (1 mois et demi), puis ministre des P.T.T. dans des cabinets Sarraut (1 mois) et Chautemps (2 mois), enfin ministre du Commerce et de l'Industrie dans un cabinet Daladier (mais seulement 8 jours). Soit au total, 11 mois et 8 jours de fonctions ministérielles, au cours desquelles il créa notament l'orchestre symphonique de la radio, ancêtre de l'Orchestre de Radio-France.

Ces débuts prometteurs vont cependant se heurter à la manifestation antiparlementaire du 6 février 1934 due à un ensemble de facteurs : l'instabilité politique, la crise économique, la propagande passionnée des ligues, les scandales (dont l'affaire Stavisky), la révocation du préfet Chiappe, etc…et le discrédit dont souffraient les radicaux à l'épreuve du pouvoir depuis deux ans. Il y aura quinze victimes, dont quatorze manifestants. Jean Mistler, fort de la conviction de réviser la Constitution en direction d'un exécutif renforcé, consulté par le président de la République, en sortira malmené par la presse. Fort injustement, juge l'ancien ministre et élu de Castres, Jacques Limouzy, qui s'est penché sur son parcours. Il sera traité, ainsi que d'autres jeunes radicaux, comme Frot, Cot, Daladier, Guy la Chambre, etc, de « galopin sanglant ».
Sur le plan local, la carrière de Jean Mistler ne s'en poursuit pas moins brillemment. Castelnaudary l'élit maire en 1935 avec 52% des voix, après qu'il se soit présenté  au second tour à la tête d'une liste d'union de 14 radicaux et 9 socialistes. Cette fois, Georgin est définitivement écarté. Mais l'union est fragile entre  Radicaux et Socialistes qui ne cesseront de s'opposer. Jean Mistler, hostile à l'adhésion du parti radical au Front populaire, défendra une position de juste milieu entre la coalition des royalistes et des fascistes d'une part, et celle des socialistes et des communistes de l'autre : « Je me refuse à envisager une collaboration durable sur ces bases avec le parti communiste dont l'attitude actuelle d'apparente modération n'a été prise que sur un mot d'ordre de Moscou… » déclare-t-il. Pour lui la France doit se diviser en deux partis : les marxistes et les antimarxistes.
Au plan local, il fait acheter l'ancienne sous-préfecture de Castelnaudary, faisant partie de la liste des sous-préfectures fermée alors en France par Poincaré, et qui deviendra le nouvel hôtel de ville.

Dans la tourmente

 Réélu député en 1936 malgré la campagne violente du socialiste Courrière, et  devenu rapporteur à la Chambre des propositions de lois visant à une représentation proportionnelle, il se prononcera fermement  pour leur rejet  en défendant le scrutin majoritaire, plus conforme, déclare-t-il, à la tradition française. Elu la même année président de la commission des Affaires Etrangères à la Chambre, il attaque Léon Blum qui vient de composer un gouvernement de socialistes et de radicaux, jugé par lui médiocre, mais défend le même Blum dans sa politique de non-intervention en Espagne, pour lui drame tragique mais régional. A ses yeux, les intérêts vitaux de la France sont davantage en Autriche et en Bohème, pays

livrés à eux-mêmes après le démantèlement de l'Empire austro-hongrois, que sur le Rhin.
               
On voit en lui un avenir politique. «  Il sera fatalement président du Conseil, et peut-être président de la république ! » … prédisent certains augures. Il assiste à Genève à des séances de la Société des Nations. Castelnaudary le reconduit au Conseil général en 1937 avec 72% des voix, devançant le socialiste Mas, son adjoint à la mairie.
               
Il se situe alors à  l'aile droite du parti radical-socialiste, au sein duquel il plaide pour l'avènement d'un  Etat fort qui entretiendrait par des liens diplomatiques la paix avec l'Allemagne. L'ascension d'Hitler l''inquiète.  Il déplore parallèlement « la médiocrité de l'appui des alliés de la France et réprouve « les errances d'une opinion publique qui considère la politique extérieure en fonction de ses préférences idéologiques vers Rome ou vers Moscou »…
               
Il plaide pour des pourparlers susceptibles d'épargner une entrée en guerre. Le  28 août 1939, à quelques  heures du conflit, il rencontre encore, accompagné d'Anatole de Monzie, élu de Cahors, l'ambassadeur d'Italie afin de proposer une conférence internationale pour sauver la paix. On sait la suite…
Le 3 septembre 1939, il condamne la déclaration de guerre,  qu'il considère être « une erreur à tous égards ».
               
En mars 1940, il vote contre l'investiture de Paul Raynaud qu'il juge belliciste. En avril, il rencontre le maréchal Pétain à Saint Sébastien. Chargé par son parti de convaincre  le Président de la République  Albert Lebrun de céder sa place, il présente à l'Assemblée nationale le 10 juillet, en sa qualité de président de la commission du suffrage universel à la Chambre des députés, l'article unique confiant les pleins pouvoirs au vainqueur de Verdun, aux fins de préparer un nouveau projet de Constitution.

Maire de Castelnaudary...

Il sera dès lors l'un des fervents de la politique du maréchal Pétain qui le nommera membre du Conseil national en janvier 1941 (un Conseil qui ne se réunira jamais), et dont il soutiendra la politique dite de révolution nationale. Il dénoncera ainsi dans l'hebdomadaire Présent, sous-titré « Hebdomadaire de la France nouvelle », qui paraît pour la première fois le 24 décembre 1941, les incohérences du pouvoir de l'avant-guerre à l'origine des maux de l'heure..

Il recevra le maréchal Pétain à Castelnaudary le 13 juin 1942 devant un grand concours de population : « Notre pays sait qu'il n'a pas fini de souffrir, il sait que la paix est encore lointaine, mais votre présence parmi nous y fait luire l'espoir… » dira-t-il. « C'est avec des hommes comme vous que nous referons le pays… » lui fera savoir le Maréchal. 

Voire ! Le 18 juillet suivant, soit cinq semaines plus tard, et moins de quatre mois avant l'occupation de zone sud par les Allemands, Jean Mistler, aux prises de difficultés locales, démissionne de son fauteuil de maire, se démarquant en cela de la politique de collaboration à outrance de Pierre Laval qui avait publiquement souhaité le 22 juin précédent la victoire de l'Allemagne  « parce que, sans elle, le bolchevisme demain, s'installerait partout… ».

 

 « Si l'on nous avait davantage écouté …. »

Désormais il se consacrera au magazine Présent, lequel changera en septembre 1943 la devise empruntée à Pétain (« Un pays vaincu, s'il se divise, est un pays qui meurt »), par cette maxime de Napoléon : « Depuis Clovis, jusqu'au Comité de Salut Public, je me sens solidaire de tout », qui disparaîtra elle-même en janvier 1944 au moment où l'hebdomadaire se consacre essentiellement aux lettres et aux arts.

Jean Mistler écrira  21 août 1944 dans le dernier éditorial paru : « Nous avons toujours dit qu'avec de l'intelligence et du travail, notre pays doit se faire de nouveau une place dans le monde. Peut-être si l'on nous avait davantage écouté depuis 4 ans, aurions-nous aujourd'hui moins de chemin à faire pour remonter la pente mais les regrets sont vains... Souhaitons que lorsque l'horrible épreuve que nous subissons prendra fin, les Français ne la prolongent pas encore par leurs divisions. »

 Jean Mistler n'échappe pas aux procès d'intention de cette période, visant en particulier son soutien au Maréchal.… Il ne sera cependant pas poursuivi, tout juste associé, en tant que gérant, à la condamnation de Présent en janvier 1947, sous les préventions ordinaires aux organes de presse ayant paru sous l'Occupation, d'avoir « publié des informations ayant pu exercer une influence fâcheuse sur l'esprit des armées ou des populations, etc… » en diffusant et soutenant les directives d'alors…

Le parti radical regroupé  lui reprochera d'avoir voté les pleins pouvoirs à Pétain sans s'en être désolidarisé par la suite, et l'exclura, ainsi que d'autres, de ses rangs fin décembre 1944. « Je n'ai ni le regret d'avoir fait de la politique ni le regret qu'elle m'ait quitté », dira-t-il, ajoutant par ailleurs : « J'ai beaucoup regretté la disparition du parti libéral en France car il est  bien fâcheux que le radicalisme se croie obligé d'habiller un empirisme politique assez subtil avec les oripeaux de la phraséologie jacobine et quarante-huitarde… »

S'étant installé  définitivement à Paris en octobre 1944, il commence la rédaction de son ouvrage largement autobiographique « Le bout du monde », retrouvant ses émotions de jeunesse. Comment mieux oublier le présent que de ressusciter un passé qui attendra une vingtaine d'années pour que le livre soit publié et fort bien accueilli.

Retour à l'écriture

Dans l'immédiat, il consacrera quelques temps à une expérience industrielle de reprise d'une filature à Montolieu qui sera un échec cuisant, puis créera en 1944 avec Charles Orengo, filateur  à Mazamet, les Editions du Rocher,  dont le siège social sera fixé à Monaco, qui seront un succès.
Sous sa compétente direction littéraire, et grâce à des contingents de papier échappant  en Principauté aux restrictions frappant alors l'hexagone (et qui limitaient d'autant les ambitions de la presse née de la Résistance), seront publiés des ouvrages de Germaine Beaumont (La Harpe irlandaise, 6750 exemplaires), Georges Duhamel, Giraudoux, Colette, et … Mistler… sans oublier « L'Eminence grise » d'Aldous Huxley  qui atteignit 10 000 exemplaires en 1945.
Le trait qu'il a tiré sur sa vie politique est définitif, témoins ces lignes désabusées d'octobre 1946 : « Ceux qui vantent les délices du pouvoir, ceux-là parlent de ce qu'ils ignorent : ils ne savent pas combien il est pénible de se sentir exposé au regard de tant d'hommes qu'on ne voit pas, d'être un nom sur tant de bouches anonymes, combien il est fatigant de  porter sur ses épaules tant  les soucis des autres sans avoir jamais le temps de penser à un souvenir, à une image, à un rêve : se réveiller au matin avec une antichambre pleine de solliciteurs, marcher au milieu des apparences sans jamais savoir si les paroles d'un serviteur sont sincères, si le sourire d'une femme cherche votre cœur ou s'il flatte votre puissance d'un jour, se demander où est le mensonge et où est la vérité, lire la crainte sous le respect, l'envie sous la politesse, enfin vivre environné de la foule des courtisans et aussi isolé que si la charge dont on est investi dressait autour de vous les barreaux d'une cage d'or. »

Alain Peyrefitte écrira: « Rarement un homme aussi doué se heurta aussi souvent aux contrariétés du destin. »

L'autre carrière…

Il ne remettra jamais cette décision en cause. La blessure avait été trop vive.

Il n'aimait pas parler de cette période. « Je me suis battu pour la paix comme un chien ! », confiait-il quarante ans plus tard. Alors, le ton de sa voix changeait. C'était avec ses tripes qu'il exprimait à quel point la quête de la paix avait été le plus grand combat politique de sa vie, même et surtout s'il n'avait pas été compris, et sans doute ne pouvait pas l'être dans le contexte du temps.

La littérature lui offrit un champ d'action faisant appel à un autre registre de ses possibilités : « Cet attachement qui à des valeurs que les dévaluations n'atteignent point m'a fait taxer parfois de dilettantisme, mais au lendemain d'un grand effondrement il m'a permis de ne pas m'attarder en inutiles regrets et de rebâtir dans le jardin des lettres le toit qui s'était effondré sur le champ de la politique… »

Il sera directeur général et enfin Président du Livre Français de  1947 à 1960, critique littéraire du quotidien l'Aurore pendant un quart de siècle,  dirigera de 1964 à 1969 le département de littérature générale de la librairie Hachette, marquant son passage  d'importantes publications, dont notamment l'édition, qui fait date, d'un Napoléon en deux volumes.

Finalement, il trouvera dans la vie littéraire et éditoriale, une place d'auteur érudit, de critique averti, de musicologue particulièrement apprécié et de littérateur au sens large du terme. Reconnu pour être un maître de la langue, il se déploiera dans toutes les procédures du genre : romans, récits, nouvelles, études savantes et musicales en particulier, conférences, articles de critique, préfaces, discours d'académie ou autres.

Elu à l'Académie française

De fait il ne chercha pas à bâtir une grande œuvre unique comme Proust, Balzac ou George Sand. Il butina dans tous les genres, passant d'un sujet à l'autre, au gré de ses envies, de ses humeurs, de ses curiosités. Il le devait au désenchantement ironique qui fut souvent le sien, à cette idée que la lucidité s'accompagne souvent du sentiment de la vanité des choses humaines, semblant dire : « Mais de quel intérêt peuvent être ces bavardages pour d'autres que pour moi ? ». Ce n'était pas une coquetterie de sa part, il le pensait vraiment. Il confiera encore : « Je n'écris pas pour vivre et je ne vis pas pour écrire. Je crois savoir vivre et j'essaie d'écrire sans me flatter que mes livres auront beaucoup plus d'intérêt que les agendas de mes années mortes. »

Le jeudi 2 juin 1966 il sera élu à l'Académie française, obtenant  dès le premier tour 21 voix sur 35 votants pour succéder au fauteuil du comte Robert d'Harcourt. Son compatriote audois Henry de Monfreid  avait obtenu sept voix, sept autres académiciens avaient barré son nom. C'était ce qu'il est convenu d'appeler une belle élection.
Le 6 avril 1967, en présence de Robert Meunier du Haussoy, président-directeur-général de Hachette, ses amis lui remirent son épée d'académicien sur le pommeau de laquelle figure l'Ecole de Sorèze,.

A cette occasion, Robert Lazurich, directeur de l'Aurore, rappela son itinéraire et, faisant allusion à la guerre, exprima comment Jean Mistler avait cru « que l'on pouvait défendre, non pas, l'occupant étant là, toutes les libertés, mais une certaine liberté », et combien il avait affirmé alors que la France « ne pouvait être que républicaine. »

Sur le plan littéraire il insista sur «l' heureuse diversité » de son œuvre.

Jean Mistler répondra : «  Je n'ai pas réussi une carrière, je n'ai pas fait une fortune, je n'ai pas édité l'œuvre dont j'avais rêvé, j'ai cependant travaillé sans relâche et je ne crois pas avoir perdu beaucoup de temps… » . Ceci s'adressait à ceux qui avaient parfois par trop insisté sur son soi-disant dilettantisme alors que lui-même considérait, compte-tenu de la variété de ses écrits, avoir accompli en nombre de lignes une œuvre plus longue que celle de Balzac et de Victor Hugo !

Nouvel élu, Jean Mistler
présente son épée d'académicien.

 

Le 13 avril suivant, Marcel Brion, romancier, essayiste et historien, le reçut sous la Coupole.

Jean Mistler, en « habit » de circonstance pour sa réception

Au sein de l'auguste aréopage, Jean MistlerI fut présent et actif, si bien que l'Académie l'élit en 1973 à sa direction. Devenu son 29ième Secrétaire Perpétuel, succédant à Maurice Genevoix, il se consacra aux divers aspects de sa charge, entretenant un esprit de conciliation entre des membres différents, travaillant à faire avancer les travaux du dictionnaire,  gérant au mieux le patrimoine de l'Académie, au point de délaisser sa propre œuvre au bénéfice de ces diverses taches, avant de transmettre le flambeau en 1985 à Maurice Druon.

Maurice Druon remet une médaille souvenir
à Jean Mistler, en 1985.

 

L'éternel retour…

Quelle place réservera-t-il au Lauragais de sa jeunesse au cours de sa seconde carrière ? Certes, il y reviendra, mais strictement à titre privé, reçu dans l'Aude par ses amis « d'avant » restés fidèles, y faisant l'acquisition d'un vieux moulin où il viendra en été dés la fin des années 1960.

Jean Mistler retrouva plus précisément dans la dernière partie de sa vie, Sorèze qui accueillit l'ancien élève de l'Ecole et enfant du pays avec une affection à laquelle il fut très sensible.
Il y revint de toutes les manières, par l'intermédiaire de ses livres d'abord, en publiant après « Le Bout du monde », qui témoignait que son auteur n'avait rien oublié de son enfance et combien il aimait son pays natal, « La route des étangs » (1971) , « Gare de l'Est » (1975), et  « Le Jeune homme qui rode » (1984), où il rappelle son entrée en politique conforme aux prévisions de la célèbre Mme Lenormand, prophétesse du siècle précédent, qui semblait avoir annoncé son arrivée dans l'Aude dans un quatrain de sa composition.

En ce qui concerne plus précisément ses retours publics à Sorèze, M° Pierre Bouyssou, très attaché à la défense de l'Ecole, et motivé aussi par la menace de fermeture qui sera retardée, de fait, à 1991, en fut l'artisan majeur. Lui et son épouse Sophie accueillirent chaque été Jean Mistler qui écrira avec humour cet aphorisme : « Un des plus sûrs moyens de devenir un grand homme, c'est de naître dans un petit pays. » 
Il répondit ainsi aux sollicitations qui l'engageaient à venir recevoir sur les bancs de son ancienne école l'hommage rendu à sa notoriété, et l'on peut ajouter que sa présence restera associée aux derniers grands moments de l'établissement qui, après ses visites, enregistrait de nouvelles inscriptions d'élèves.

Ces retours furent chaque fois une fête, les collégiens se montrant sensibles à la présence d'un grand Ancien qui semblait leur dire : « Vous voyez bien que l'on peut réussir dans la vie… »

… de l'enfant prodigue


On se souviendra de sa visite du 8 mai 1976 à Sorèze (le matin), où l'Ecole fêtait le deuxième centenaire de son élévation par le comte de Saint-Germain, ministre de la guerre de Louis XVI, au rang de collége royal militaire. La cérémonie fut suivie dans l'après-midi de l'inauguration à Castres d'une exposition au musée Goya consacrée au siècle de Louis XVI.

 

 

En 1976, Jacques Limouzy, accueillit Jean Mistler au musée Goya
De Castres.

 

On se souviendra plus particulièrement de la réception organisée par l'Ecole de Sorèze le  27 novembre 1977 pour son 80e anniversaire, en présence du Révérend-Père Carré, longtemps prédicateur à Notre-Dame.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

.

En face de Jean Mistler (debout),
la robe blanche du R.P. Carré, académicien,
entouré de Pierre Madaule et du Colonel Vidal.

 

A cette occasion, il devait recevoir des messages de sympathie de la part de personnalités, dont un télégramme de félicitations de Valéry Giscard d'Estaing président de la République, et une lettre de René Haby, ministre de l'Education nationale qui écrivait : « Être: secrétaire perpétuel chez les immortels René Haby écrivait les lignes suivantes :

       « Monsieur le Secrétaire Perpétuel et Cher ami,

      Être Secrétaire Perpétuel chez les Immortels représente une double garantie de pérennité que je vous envie … mais la robuste réalité d'une très belle quatre-vingtième année est un fort agréable petit pain pris sur une longue fournée à venir ;
      Je ne peux que m'associer par le cœur à vos amis soréziens qui ont entrepris de souligner l'événement et de vous en rendre hommage. Gloire donc à une immortalité si bien commencée !
      Agréez, Monsieur le Secrétaire Perpétuel et Cher Ami, l'assurance de mes sentiments les meilleurs. »

Dans l'après-midi, de nombreux intervenants évoquèrent tous les chapitres de l'existence particulièrement bien remplie de Jean Mistler. Le plus émouvant sans doute, vint de textes du Bout du Monde lus par des élèves. Leur sensibilité sans mièvrerie, l'équilibre de la phrase et sa clarté, la force de l'idée, même scolairement  ânonnée, s'imposait d'elle même.

Son activité politique fut saluée par l'ancien ministre député-maire de Castres Jacques Limouzy ;  son amour pour la musique, par le Révérend-Père Martin ;  son identité charnelle à la Montagne Noire, par René Rouquier ; son passage à l'Ecole de Sorèze, par un message du R.P.Monserret lu par lélève Gilles de Saint-Maur, et son œuvre de romancier saluée par M°,Pierre  Bouyssou.
Chacun d'eux évoqua son itinéraire, sans que son visage ait exprimé quelque signe.

Il les  écouta, silencieux, immobile à la tribune, statue vivante. Puis vint pour lui le moment de répondre. Alors,  c'est une voix extrêmement posée et forte qui s'éleva. Les mots s'enchaînaient, la pensée se développait, exprimant, parfaitement maitrisé, un sentiment de gratitude profonde. Il conclut en formulant seulement le vœu que l'homme qu'il était devenu n'ait point trop déçu le jeune enfant qui avait beaucoup rêvé en ces mêmes lieux. Une véritable ovation déferla alors pendant plusieurs minutes.

   

Lettre de Jean Mistler à  J-P Gaubert

Jean Mistler adora ses retours dans le Tarn. « Sorèze ? Il m'en parlait tous les jours quand il en revenait, et ce qui m'amusait le plus, c'est qu'il en revenait en ayant pris l'accent du Tarn , lui qui n'avait pas d'accent ! » confiera Cécile de Bosson qui fut pendant une douzaine d'années chef de son secrétariat à l'Académie française.

Il aimait tant Sorèze qu'à plusieurs reprises, il demanda à ses confrères de l'accompagner au cours de ses vistes.
Ainsi l'Académie française s'associa-t-elle par la présence de quelques uns de ses membres, ajoutant un relief supplémentaires aux cérémonies, aux hommages rendus à son Secrétaire Perpétuel..

On vit Jean Guitton à ses côtés pour la célébration du tricentenaire de l'Ecole, le 6 octobre 1982 (photos ci-dessous), et l'on verra en d'autres occasions également Michel Déon…

  

 

Jean Mistler dévoile la plaque commémorative

 

 

 

 

 

Jean Mistler et Jean Guitton, côte à côte

 

 

 

 

 

Par contre, Jean Mistler, fatigué, n'assista pas le 7 juin 1987 à la présentation de  de son propre  buste dans la salle des Illustres de l'Ecole de Sorèze. C'était la première fois qu'une telle inauguration avait lieu du vivant du personnage concerné. Elle fut présidée par le général Pierre Eyraud, commandant adjoint  de la 11e D.P.
A cette occasion, Jacques Fabre de Massaguel, directeur de l'Ecole, rappela.que l'élève Jean Mistler,qui, indiscipliné, n'avait obtenu durant sa scolarité, ce qui n'avait hypoth »qué en rien son avenir. Jacques Limouzy rappela le rôle du président de la commission des Affaires Etrangères, en indiquant qu'il avait conçu une Europe danubienne, « projet équilibré dont l'idée pouvait resurgir ». Enfin, Pierre Bouyssou souligna comment la fin de sa carrière politique avait conduit à l'avènement de l'écrivain.

 

Jacques Fabre de Massaguel, à gauche, Pierre Bouyssou, au centre. A droite, le buste, exposé.

 

Présent en toutes les autres occasions, Jean Mistler n'eut de cesse de célébrer « cette vielle terre languedocienne de foi et de passion, de recherches et de luttes, qui n'a jamais laissé ni le vent du siècle, ni l'indifférence souffler son flambeau » .

A chacune de ses visites donnant lieu à inaugurations diverses, la commune de Soréze était associé à travers les municipalités successives de Léotoing, puis Albert Mamy, avec Yves Blaquières, maire adjoint, qui n'oublieront pas, après son décès, de poser une plaque sur sa maison natale, sise désormais place Jean Mistler (photo ci-dessous).

Jean Mistler était, aussi discret qu'il savait être, conscient de l'importance de son rôle. Même s'il se tenait à l'écart de toute allusion politique, il ne pouvait non plus refuser toutes les questions, surtout si elles lui parvenaient, posées habilement au détour d'une conversation d'ordre général.
C'est ainsi qu'en 1979, Jacques Chancel, dans une de ses Radioscopie lui demandera s'il nourrissait pour l'Allemagne le même amour qu'autrefois et de s'expliquer à ce propos.
Sa réponse sera sans ambiguité : « … J'ai le même amour pour ce qu'a fait l'Allemagne dans le passé, j'ai eu horreur de l'Allemagne hitlérienne et je n'aime pas beaucoup l'Allemagne trop industrielle d'aujourd'hui. L'Allemagne que j'aime est celle que je vois encore de temps en temps, c'est-à-dire la Bavière où il y a encore des villes selon mon goût… »

En visites privées…

Nous avons dit le rôle filial que Sophie et Pierre Bouyssou réservèrent à Jean Mistler, en l'accueillant avec une vraie affection dans leur domicile d'alors de la Bonnetié aux portes de Soual et de Castres. Ils s'ingéniaient à lui préparer pendant ces quelques jours d'amitié un programme susceptible de l'intéresser sans obligations pesantes ou protocolaires.

 

Jean Mistler (ci-dessus, à la Bonnetié) aimait beaucoup cette évasion rendue on ne peut plus agréable au cours de laquelle il visitait les lieux d'exposition proches, assistait à des concerts, ou encore se rendait au Cayla au rendez-vous de la mémoire d'Eugénie et de Maurice de Guérin. Séduit par le frère et la sœur, il leur consacra l'un de ses importants discours académiques de la mi-décembre 1979 devant le Tout-Paris réuni sous la Coupole pour la distribution annuelle des prix académiques.
A la Bonnetié, il préparait son discours, corrigeait son dernier manuscrit, ou simplement se promenait dans les alentours du jardin-parc.

Jean Mistler était devenu une personnalité médiatique à sa façon toujours discrète, dont la Presse rendait compte des activités. La Dépêche venait l'interviewer et lui demander rituellement où en était l'avancée du fameux dictionnaire de l'Académie. Il caressait les poneys de la propriété ou dans une attitude romantique mais nullement étudiée, humait une rose du parc.

 

 

« J'ai été un poulain de votre Journal… »  rappelait-il en souriant. En caressant au passage les poneys qui venaient à son devant ( photo ci-dessus).…

Il arrivait alors à la mi-août d'Hendaye, fier d'ajouter qu'il s'était baigné tous les jours. De même il s'accordait chaque matin un temps consacré à des exercices de gymnastique, de présentant toujours élégant, cravaté, pochette assortie.

Sur le chemin du retour depuis la côte atlantique, il s'était arrêté à Luchon où Félix Napo,  Secrétaire général de la Dépêche du Midi, en vacances dans la Cité des Fleurs, l'avait interviewé deux ou trois jours plus tôt. Il fallait donc essayer de ne pas se répéter dns les colonnes du même journal et d'apporter du nouveau. L'invitation à déjeuner de Sophie et Pierre  permettait de labourer d'autres terrains que le seul milieu littéraire car Jean Mistler embrassait volontiers tous les enchantements de la vie.

On parlait donc de tout, outre le dictionnaire dont nul – et surtout pas lui – ne se risquait à préjuger la sortie, des uns et des autres. Il arrivait  qu'un mot de son passé politique monte à la surface. Il se disait heureux d'avoir pu, maire de Castelnaudary, réaliser adduction d'eau, une mairie neuve, deux squares, un terrain de sports, mais se voulait – du moins en parlait-il ainsi - indifférent à l'actualité, voire même aux crises internationales qui soufflaient cette année-là au Cambodge et en Iran.
A Jacques Chancel qui lui avait demandé son sentiment sur ces deux pays, il avait répondu qu'il n'en avait aucun à exprimer : « C'est bien loin. Je suis un européen, c'est-à-dire quelqu'un qui ne s'intéresse qu'à

l'Europe et regrette que les pays européens divisés aient perdu le primat sur l'échiquier du monde…Je regrette simplement qu'on ait gardé si longtemps chez nous l'ayatollah préparer son coup d'Etat… »

Il avait précisé qu'ayant été invité « du temps du Shah » à se rendre en Iran, il n'avait pas honoré l'invitation reçue. Une façon comme une autre de dire qu'il ne faisait, là-bas comme en France, plus de politique.

Anecdotiquement…

Au cours de ces après-midi, il lui arrivait de fredonner un air d'opéra avec une voix restée étonnamment jeune mais dont il remarquait qu'elle n'était plus celle qui lui avait valu dans le passé quelques succès flatteurs sur les scènes où il lui était arrivé de répondre à d'amicales pressions. On savait que sa culture en ce domaine était immense et qu'il connaissait par cœur des dizaines et des dizaines d'œuvres, de Schubert en particulier. Il arriva à Sophie et Pierre Bouyssou d'organiser une soirée consacrée à ce musicien avec la complicité de Mercédès Plasson et du Quatuor du Capitole. La recette devait être versée au Temple de Puylaurens qui vait besoin d'une restauration.

Jean Mistler participait aux manifestations qui se présentaient, faisait bon accueil aux admiratrices qui l'appelaient « Maître », répondait aux élus locaux qui le recevaient, en montrant qu'il n'avait rien perdu de sa connaissance de la nature politique des choses. On le vit visiter le château du maréchal Soult à Saint-Amans Soult et répondre au maire d'alors, Louis Limouzy, comme s'il était resté l'home politique qu'il avait été, particulièrement au fait des élus.

Souvenir personnel : un jou du mois d'août, la porte de la  Bonnetié délivrait un spectacle insolite : le maître des lieux venait de punir dans le hall l'un de ses garçons  - Patrick, dit Titus, environ 8 ans à l'époque -  à effectuer sur les lieux mêmes de la faute commise dix tractions (dix « pompes », si cela doit être plus clair…), dont il tenait le compte précis.

S'apercevant que Jean Mistler observait la scène en même temps que le témoin qui venait d'être accueilli, il expliqua  en désignant le coupable du doigt tout en comptant scrupuleusement les tractions réalisées : « Il est sanctionné parce qu'il a employé un mot que je n'admets pas dans une fratrie, il a traité son frère de salaud… »

Alors la voix de Jean Mistler, rêveur, se leva  comme  s'il s''interrogeait lui-même, posant la question : « Je n'ai jamais compris pourquoi salaud au féminin donne salope et non salaude… ?»

Un « maître » bienveillant…

Jean Mistler, par ailleurs, avait la bonté à ses retours en Lauragais de s'intéresser aux  modestes travaux des auteurs locaux dont bon nombre, dans l'Aude comme dans le Tarn, lui furent redevables de prix de fondation de l'Académie française, témoignages de sa bienveillance à leur égard. ..

Au cours des conversations, la petite histoire de l'Académie venait parfois sur la sellette, comme l'élection de Marguerite Yourcenar en 1980. Moins par anti-féminisme que parce que, assurait-il, on ne la reverrait jamais sur les bancs académiques, ce que l'avenir prouva hautement, Jean Mistler n'y était pas favorable, mais le Président de la République Giscard d'Estaing voulait cette année-là que les femmes entrent à l'Académie, quitte à ce qu'elles, ou plutôt leurs supporters de l'Académie, forcent les portes …

Pierre Bouyssou racontait comment il assista à un déjeuner-complot des académiciens du midi (André Chamson, les ducs de Castries et de Lévis-Mirepoix, Jean Mistler…)  pour examiner la manière de faire front à l'offensive dont on connait la suite. Du moins ce jour-là on n'épargna pas le Président féministe et ce fut  Jean d'Ormesson qui hérita du qualificatif de « galopin », déjà employé, on s'en souvient, dans le passé politique.

Ces retours au terroir d'enfance virent aussi Jean Mistler à Castelnaudary où. Il visita la  Collégiale Saint-Michel, Notre-Dame de Pitié et la célèbre apothicairerie, accompagné par Francis Falcou, alors maire-adjoint. C'est lui   qui, plus tard, fera apposer une  plaque souvenir sur la maison que Jean Mistler habita avant son mariage, au haut de la ville, 9 square Victor Hugo..
C'est le seul hommage public rendu jusqu'à présent à Jean Mistler dans la cité dont il fut maire aux heures difficiles des années de guerre . Lorsqu'il fut question de donner un nom à la Médiathèque, son nom avait été avancé, mais lui fut préféré celui du médecin philosophe en fant de Castelnaudary  Georges Canguilhem. .

Les derniers jours …

Nul plus que Jean Mistler n'avait conscience de la fragilité de la vie. Il était sensible au fait que chaque année deux ou trois membres de l'Académie, devenue pour lui finalement une famille, disparaissaient, creusant les rangs que se reconstituaient aussitôt ainsi que le veut le renouvellement naturel de la vie.

Ambiance dans les salons du quai Conti. Jean Mistler (à droite), André Roussin, à gauche..

Ambiance dans les salons du quai Conti.
A droite, de profil, André Roussin.

Il en était arrivé à considérer l'Académie comme sa vraie famille, ayant noué avec beaucoup d'académiciens des liens de vraie amitié. Il avait d'ailleurs orienté bien des élections, s'attachant à suggérer à de plus jeunes auteurs, jugés par lui dignes de porter l'habit vert, d'oser porter leur candidature afin de rejoindre  leurs rangs.
Beaucoup lui devaient leur élection et ne s'en cachaient pas, comme Michel Déon, demeuré toujours l'un des fidèles gardiens de sa mémoire, présidant de nombreux travaux consacrés à Jean Mistler, dont plus particulièrement le colloque qui fut organisé en 1997 pour le centième anniversaire de sa naissance..
Lors des réceptions académiques du quai Conti où se pressaient au milieu des Académiciens en habit, des personnalités en tenue civile que l'on devinait en terrain de manœuvres d'approche, Jean Mistler allait de l'un à l'autre, s'attachant à créer un lien, pratiquant l'art des relations humaines avec la première vertu de simplicité.
On en découvre quelques aspects dans les photos ci jointes où l'on découvre le journaliste Michel Droit et le ministre Alain Peyrefitte en grande conversation. Dans quelques mois, tous les deux porteront à leur tour l'habit vert.
Ils seront, eux aussi, des fidèles de Jean Mistler, que l'on retrouvera au moment de sa disparition. Michel Droit viendra à Sorèze prononcer l'éloge académique et Alain Peyrefitte publiera à son propos un long article lui rendant un hommage particulièrement bien venu. (ci-dessous, Michel Droit, à gauche, et Alain Peyrefitte, à droite).

 

Les dernières années, on l'avait vu de moins en moins  Des malheurs privés avaient atteint sa sérénité et l'avaient meurti.
Il s'éteignit, le 11 novembre 1988. La veille, le R.P. Carré, son ami, lui avait rendu visite, et il avait été apaisé par ce dernier échange. Sans doute pratiquait-il un doux scepticisme, mais ce furent des paroles chrétiennes qui s'échappèrent de ses lèvres dans l'ultime moment. 

               
Il fut inhumé le 14 dans le caveau des siens, à Sorèze. Devant son cercueil, pas moins de sept orateurs se succédèrent à l'église en présence des élèves de toute l'Ecole qui avaient porté son cercueil.à l'épaule Au premier rang, sa fille Marie-Dominique Mistler-Lancelot.

L'abbé Gélis, officiant, curé de Sorèze, fit remarquer qu'il suffisait de lire les premières pages du « Bout du monde » pour se rendre compte de la place de cette église dans le cœur du défunt. Un témoignage qui effaçait, s'il en était besoin, l'agnostique de façade. Pour le prêtre, « Jean Mistler était un vrai croyant, trop intelligent et trop sensible pour ne pas poursuivre inlassablement la quête de Dieu ».

Jacques Fabre de Massaguel, directeur de l'Ecole, rappela les propres mots de Jean Mistler :« Je sais sourire à un enfant, jouer avec un chat…je puis me regarder sans rougir au regard de mon enfance morte… la reverrai-je un jour cette statue grise au fond du parc, Notre-Dame de la Paix ? »

Albert Mamy, maire de Sorèze, s'adressera à lui : « En vérité, vous n'êtes jamais vraiment parti de Sorèze, seulement quelques instants, et vous n'avez jamais cessé de l'aimer… »

Bernard Embry, maire de Castelnaudary, rappela toute la part de formation que Jean Mistler reçut à Sorèze, et son engagement citoyen qui suivit dans l'Aude, indissociable de son destin..

Jacques Limouzy salua l'homme politique et rappela dans quelles circonstances son activité s'était déployée dans la période la plus tragique de notre récente histoire.

Michel Droit exprima, au nom de l'Académie française,  à quel pont l'œuvre de Jean Mistler prouvait à chaque instant qu'elle ne se souciait en aucun cas des courants et des modes.

Le mot de la fin fut celui du cœur qui revint à Henry Bonnier, l'ami et le disciple qui, après avoir exprimé admiration et respect, conclut par l'« adésias » dont Jean Mistler usait à son égard au terme de leurs relations téléphoniques.

Puis le long cortège, précédé des enfants de l'Ecole de Sorèze en uniforme, s'engagea jusqu'au cimetière. Le ciel rouge irradiait. Henry Bonnier assure avoir entendu un loriot…

Jean Mistler avait atteint son bout du monde sensible.

Un service religieux fut organisé quelques jours plus tard à la chapelle de l'Institut. Jean Mistler qui avait convié  si souvent le Tout-Paris à sa table ne se fut sans doute pas étonné qu'il n'y ait eu que la petite assistance réservée à ceux-là qui ont atteint un grand âge.

Qui sait si cela ne l'eût pas rassuré sur son jugement sans illusion sur la nature humaine ?


Que reste-t-il, aujourd'hui ?

C'est bien au final à l'écriture, dont il était un maître éminent, que Jean Mistler devra son meilleur destin. Lui qui aimait citer Goethe : « Vivre, c'est survivre ! », savait bien qu'il vivrait quelque temps encore à travers ses livres, et principalement  en Lauragais, avec ce « Bout du Monde » que des lecteurs ouvriraient bien longtemps après sa disparition afin d'y découvrir pour les uns, d'y retrouver pour d'autres, l'essence même de leur identité.

Que reste-t-il aujourd'hui de lui-même et de son œuvre ?

De lui, le souvenir sensible laissé à ses amis, et que l'on peut découvrir en particulier exprimé dans l'excellent n° spécial de la Revue du Tarn (169), plus spécialement consacré au colloque organisé pour le centième anniversaire de sa naissance.  On y lira, entre autres, l'émotion de Pierre Bouyssou, infatigable serviteur à sa cause et organisateur sensible et éclairé des colloques qui suivront, ainsi que celle d'Henry Bonnier qu'il eut souhaité voir occuper son siège à  l'académie, ce qui finalement ne se fit pas.      

Mais lorsque le dernier élève de Sorèze ayant assisté à ses réceptions aura disparu, qu'en demeurera-t-il ?

On a posé certes des plaques-souvenirs, ici et là, mais que signifieront-elles dans quelques années quand le  dernier témoin ne sera plus là pour porter témoignage ?

Il restera son œuvre. Qui voudra comprendre le siècle de Jean Mistler, la fin de la vieille Europe au carrefour de l'art et de la culture, qui voudra mesurer le passé à l'aune de tout ce que fut une société disparue, s'y penchera avec intérêt. « Vie d'Hoffmann », » Châteaux en Bavière », « Les orgues de saint-Sauveur », pour ne citer que quelques titres après ceux déjà évoqués précédemment. Et tant d'autres livres qui mériteraient d'être évoqués ! Et tout ce que la Musique, ici, son œuvre critique littéraire, là, lui doivent.

Quant au Lauragais, c'est son âme même qui vibre dans son œuvre, au point-que l'on peut  fixer une authentique carte d'identité qui va de Sorèze jusqu'aux confins de l'Aude..

Certes, les œuvres littéraires sont aussi mortelles que ceux qui les ont produites. Nul, plus que Jean Mistler, n'en avait la lucide conscience. Mais il arrive parfois qu'un poète franchisse la barrière du temps et fasse de la résistance. Jean Mistler se méfiait de la poésie. Il aimait ajouter que le ridicule à son propos ne commençait qu'à partir de la publication.  C'est sans doute pourquoi le poète en lui a fait confiance à la prose et que, ayant en fait une vision de poète, sa prose et son souvenir ont quelque chance de lui survivre, à partir, en particulier, du nouveau destin de l'abbaye-Ecole de son enfance où son nom est partout., proche désormais de la mémoire de Dom Robert, le moine d'En-Calcat dont les tapisseries ont désormais pris place en un musée.
Jean Mistler aussi a fait œuvre de maître. Ses amis, ses lecteurs, savent que son passage parmi eux ne fut pas inutile,  qu'il les éclaira  en leur apportant beaucoup de bonheur par sa transparente lumière. Il appartiendra demain à Soréze de veiller qu'elle ne s'éteigne pas.
..
Jean Pierre Gaubert

Les « Notes » de Jean Mistler

Comme Chamfort qu'il affectionnait, Jean Mistler écrivit des aphorismes à qui il donna plusieurs fois des noms divers  dont celui de  « Notes », à une époque, et qu'il devait à la fin de sa vie réunir dans un dernier opuscule, pas très long, mais auquel il donna le titre de « Bon Poids », ceci laissant bien penser qu'il leur accordait une certaine importance.

Voici ci-dessous un florilège de ces « Pensées » qui expriment sans doute le mieux sa sensibilité discrète.

« Je n'écris pas pour vivre et je ne vis pas pour écrire. Je crois savoir vivre et j'essaie d'écrire, sans me flatter que mes livres auront beaucoup plus d'intérêt que les agendas de mes années mortes où huit pages sur dix restent vierges. »

L'or est un métal affreux mais inaltérable ; c'est comme une femme laide qui ne vieillirait pas.

« Je ne sais pas, se lamentait cette vieille femme, si Dieu est sourd ou muet ».

« Les jeunes sont assez sots et parfaitement ignorants. – Oui, mon cher confrère, mais ils nous enterreront ! »

« Le public regarde toujours le chef d'orchestre, les musiciens jamais. »

« Parmi les romans-fleuves, bien peu sont navigables. »

« Le tourisme est l'industrie qui consiste à transporter des gens qui seraient mieux chez eux, dans des endroits qui étaient mieux sans eux. »

« Les sourds adorent les concerts, peut-être parce qu'ils n'entendent pas les gens qui toussent. »

« La franchise militaire n'est, bien entendu, qu'une franchise postale. »

« Un jour, sortant de l'Académie après une séance du dictionnaire, Mondor et Duhamel croisent une jolie fille dans la cour de l'Institut. « Celle-là, s'écrie Duhamel, je lui ferais bien l'amour ! »-A nos âges, murmure Mondor, ne vaudrait-il pas mieux dire : je lui ferais volontiers l'amour ? »

« Les gens vraiment méchants ne perdent pas leur temps à dire des méchancetés. Ils en font. »

« Nous ne demandons pas aux jolies femmes d'être intelligentes, mais nous ne pardonnons pas aux femmes intelligentes d'être laides. »

« Un clocher roman du XIIIe siècle, un carré de tilleuls du XVIIIe siècle et un poilu de bronze du XXe.Chaque époque fait ce qu'elle peut. »

 

RETOUR CAHIER D'HISTOIRE N°20